Le 19 septembre 2011, le
président américain Barack Obama a présenté un vaste plan d'action pour aider l'économie américaine à se sortir de la crise économique (1). De ce projet de loi, le volet « TaxReform » a particulièrement ravivé les dissensions idéologiques entre le Parti républicain et le Parti démocrate. Malgré un penchant vers le compromis qui avait été sous-entendu cet été entre les deux partis, le récent échec du volet « The American
Jobs Act » au
Sénat laisse supposer qu'Obama aura fort à faire pour convaincre les sénateurs (2).
La faute à Buffett
Le volet « TaxReform » pour lequel le
président Obama fait campagne repose, en partie, sur le contexte social et économique actuel. En effet, depuis la chute des bourses de Wall Street l'économie américaine peine à remonter. La crise politique qui a suivi le 16 mai 2011, alors que la dette américaine avait dépassé son seuil légal de 1917, a ébranlé les citoyens de ce pays considéré comme la première puissance mondiale (3).
Dans une lettre ouverte envoyée au New York Times le 15 août, Warren Buffett, troisième fortune mondiale, affirme que lorsqu'on demande aux citoyens de se serrer la ceinture pour le bien commun, lui et ses amis très riches sont à tous coups épargnés (4). Buffett, qui a dévoilé sa
déclaration d'impôt cet octobre, répond ainsi à l'annonce du Congrès (5). Celui-ci avait annoncé qu'il fallait planifier la réduction de 1,5 milliard de dollars de la dette américaine au cours des dix prochaines années (6).
Le
président Obama a profité de son intervention pour inclure la «taxe Buffett», puisque « comme Warren Buffett l'a fait remarquer, son taux d'imposition est plus bas que celui de sa secrétaire. Aucun foyer qui fait plus de 1 million de dollars annuellement devrait payer une plus petite part de taxes que les familles de la classe moyenne » (7).
Cette taxe sur les hauts revenus accompagne la fin, en 2012, de la réduction d'imposition de l'administration de George W.
Bush sur ceux qui font plus de 250 000 dollars annuellement. Ces riches américains vont également voir leur assujettissement d'impôt plafonné à 28%. Cela va permettre des coupures de 580 milliards et de réduire le déficit de 3 billions dans la prochaine décennie(8).
L'ensemble de ce volet économique du plan d'action d'Obama se décompose en centaines de «sous-titres» qui vont permettre de rembourser la dette américaine et de stabiliser les revenus des
gouvernements. Outre la taxation sur les plus hauts revenus, le document présente des mesures aussi variées que celle contre la dépréciation des pièces d'aéronefs qui va rapporter 5 milliards d'ici 10 ans.
En fait, en haussant l'imposition des hauts revenus, l'administration Obama rejoindrait plusieurs
gouvernements qui ont fait de même dans les dernières années. Parmi les cas les plus frappants, la Grande-Bretagne a haussé temporairement l'imposition sur les plus hauts revenus à 50% de leur fortune en 2010. L'
Allemagne a fait de même à 40%. À l'instar d'Obama, la chancelière a été soutenue par un comité des « fortunés pour un impôt sur la fortune » (9).
Un parti pris traditionnel
La hausse d'impôt sur les hauts revenus est la partie conflictuelle du volet « TaxReform » du
président Obama, car elle touche l'idéologie même des deux partis politiques dominants, c'est-à-dire l'intervention de l'État dans la société américaine.
Par sa conception du rôle du
gouvernement, le Parti démocrate tend à réguler l'économie et à intervenir sur les marchés (10). La «TaxReform» du
président Obama est partisane. Il aura, pour ce projet de loi, l'appui d'individus plus libéraux qui s'inquiètent d'une déréglementation laissant une trop grande latitiude aux compagnies privées, ce qui peut avoir des répercussions néfastes sur l'évolution de l'économie américaine.
Selon un sondage de CBS, 63% des familles américaines approuvent la taxe sur ceux qui font plus de 250 000 dollars annuellement (11). Ces familles l'appuieraient puisqu'il faut relancer l'économie américaine et réduire la dette rapidement. Pour plusieurs, la solution économique exige des mesures particulières, au mieux temporaires.
Pour d'autres, c'est un sentiment d'injustice qui les pousse à soutenir le
président Obama. Les milliers d'Américains qui occupent Wall Street seraient de cet avis (12). Le mouvement citoyen « Occupy Wall Street » est actif dans trente villes américaines. D'inspiration pacifique, les centaines d'occupants se disent à la merci du 1% de la population riche et ils attendent des actions concrètes des politiciens. Ils veulent que les politiques publiques représentent mieux leurs intérêts (13).
Les détracteurs de la «TaxReform», représentés par le Parti républicain dans la sphère politique, tendent à limiter les interventions de l'État sur les marchés (14). C'est-à-dire qu'ils souhaitent réduire les taxes et les impôts des compagnies et des individus. Ils préconisent un système «utilisateurs payeurs» qui veut des marchés économiques libres.
Pour ces citoyens, d'idéologie plus
conservatrice, la hausse d'impôt implique nécessairement une limitation de la compétitivité des entreprises (15). Cela réduit la possibilité d'acheter des entreprises qui ne pourront pas évoluer pleinement. Pis, dans un système économique
capitaliste, cela annihile la remontée des bourses puisque les impôts ne favorisent pas la consommation.
L'analyste Demian Brady rejoint cette pensée lorsqu'il dit que la «[TaxReform] laisse les citoyens se demander non seulement si le budget
fédéral va améliorer ou affecter négativement la situation, mais aussi par combien» (16). De son côté, l'ex-candidate à la vice-présidence, Sarah Palin, critique le projet de loi puisqu'il ne va pas directement créer des emplois. Selon elle, le
gouvernement doit d'abord couper dans son propre budget, car hausser les impôts empêcherait les entreprises de se développer et donc d'engager du personnel (17).
Si les sénateurs ne s'accordent pas rapidement sur l'adoption ou encore la modification du plan de relance d'Obama, les réels perdants pourraient bien être les 14 millions de chômeurs américains (18). La sortie de crise est laborieuse aux
États-Unis, ces tensions pourraient continuer de miner la confiance de la population envers la classe politique. À l'approche de l'élection
présidentielle, tout est possible.