Le général américain David Petraeus est nommé au poste de directeur de la CIA, le 30 juin 2011, en remplacement de Leon Panetta (1). Un militaire prend donc la place d'un politicien d'envergure à la tête de l'Agence centrale de Renseignement américain. Les impacts et les conséquences de cette nomination à court et à long terme demeurent des incertitudes. Toutefois, le rare soutien de l'ensemble du Congrès, envers le remaniement de Barack Obama, prouve que ce dernier a bel et bien marqué des points.
La CIA a été créée en 1947 sous l'égide du
Président Harry S.
Truman. Son directeur est à la tête de l'Agence et il fait le lien entre cette dernière et le Directeur national de renseignement. Il a plusieurs responsabilités dont le rôle de liaison et d'évaluation des renseignements en lien avec la sécurité nationale, afin de faire des propositions appropriées à ce type de renseignement (2). L'intérim est présentement assuré par Michael Morell, le directeur-adjoint de l'Agence (3).
Des choix unanimes
Le 21 juin, le
Sénat a approuvé à l'unanimité la nomination de M.Panetta comme secrétaire à la Défense. Un vote qui suivait le remaniement par Obama de son équipe de renseignement et de défense, annoncé en avril 2011. Membre du Congrès, M. Panetta a également été directeur du budget et chef d'équipe dans l'administration de Bill Clinton. Il a notamment obtenu le respect des deux partis en chambre durant ses nombreuses années à Washington(4). Il affichait une confiance très forte dans sa capacité à répondre aux attentes du Congrès et à se maintenir à un poste qui, selon les législateurs, est décrit comme un des plus exigeants de la capitale américaine (5).
Même si le parcours du général Patraeus est différent, le résultat est semblable. Le 30 juin, les sénateurs ont approuvé le choix d'Obama, à l'unanimité, avec 94 votes en sa faveur. Selon Radio-
Canada, «les confirmations de David Petraeus et Leon Panetta témoignent de la confiance des élus américains vis-à-vis du remaniement opéré par Barack Obama au sein de son cabinet (6).» L'ancien commandant en chef de l'armée américaine en
Afghanistan entrera en poste en septembre 2011, après 37 ans de service (7).
Un militaire d'exception
David Howell Petraeus est né le 7 novembre 1952 dans le comté d'Orange, en Californie. Il est entré dans l'armée américaine après avoir terminé sa formation d'infanterie à l'académie militaire de West Point, en 1974. Il possède également un doctorat en relations internationales et science politique de l'Université de Princeton.
En tant que spécialiste des nouvelles méthodes anti-insurrectionnelles de l'armée américaine, il est sur le point de réécrire le manuel de contre-insurrection, lorsque le
Président George W.
Bush le nomme commandant de la Coalition militaire en
Irak. Il occupe cette fonction de février 2007 à septembre 2008. En avril 2008, il supervise les opérations de l'armée en
Irak et en
Afghanistan. En juin 2010, il prend la place du général Stanley McChrystal à la tête des troupes de l'Organisation du
traité de l'Atlantique Nord (
OTAN) en
Afghanistan. Son prédécesseur a été révoqué par le
Président Obama. Il a, par la suite, été responsable de la restructuration de l'armée irakienne. Plus récemment, il était assistant professeur de relations internationales à l'US Military Academy (8).
Reconnu par plusieurs périodiques pour ses accomplissements, Petraeus a été nommé au 33e rang des personnes les plus influentes du Time Magazine en 2007(9). De plus, il a reçu un grand nombre de décorations, telle que la Légion d'honneur (10). Pratiquement au sommet des distinctions militaires, il a terminé sa carrière au grade de général 4 étoiles.
Une nomination justifiable
Pour occuper un poste aussi important, un candidat doit avoir des qualités particulières et exceptionnelles. Patraeus est considéré, de par ses formations, comme un soldat-intellectuel. Il est également connu pour son franc-parler. Par exemple, il s'est fait remarquer pour son désaccord face à l'annonce de Barack Obama à propos du retrait des troupes d'
Afghanistan, prévu pour 2012 (12). Toujours selon Radio-
Canada, «jugé incroyablement intelligent par ses admirateurs, notamment républicains, arrogant et très ambitieux par d'autres, il passe pour être respecté de tous (13).»
L'homme est également reconnu pour son
leadership d'exception. Choisi tant par le
Président Bush fils que par son successeur, ce n'est pas la «partisanerie» qui influence sa reconnaissance. À la suite de son retrait à la vie civile, son nom était déjà sur les lèvres de plusieurs personnes d'influence en vue de nominations prestigieuses dans la hiérarchie militaire américaine (14). Lors d'une cérémonie à la
Maison-Blanche, le vice-
président Joe Biden a déclaré que les trois mots qui décrivaient sa rencontre avec Petraeus, en
Afghanistan, étaient «Devoir, honneur et patrie». Il lui a également mentionné qu'il avait une carrière exceptionnelle, ayant excellé dans tout ce qu'il avait accompli (15).
Les différentes reconnaissances qu'il a obtenues témoignent de ses qualités de leader influent. Cette influence a été reconnue tant au niveau national qu'à l'international (16). À la CIA, son expérience de lutte contre le
terrorisme est considérée comme un atout. Selon Bruce Riedel, un ancien agent de la CIA, aujourd'hui expert au centre de réflexion Brookings : «il a une expérience exceptionnelle en première ligne de la guerre contre Al Qaïda et dans le processus de décision interministériel à Washington qui est inestimable(17).»
Objectifs et décisions
Reconnu pour avoir limité les pertes militaires et la violence en
Irak, Petraeus a des objectifs humbles. Comme ses prédécesseurs, il a une pression majeure. Il arrive toutefois dans une CIA transformée. Celle-ci ne se contente plus d'amasser et d'analyser les renseignements, elle dirige désormais des activités militaires menées par des drones, notamment au
Pakistan. Son nouveau poste ne lui permet probablement plus de s'opposer aux opérations dirigées par ces appareils (18).
Le Newsweek a déclaré que sa plus importante tâche serait de faire entrer la CIA dans le XXIe siècle (19). Selon la BBC, il aurait réalisé son premier bon coup, le 30 septembre 2011, avec le décès d'un des présumés chefs d'Al-Qaïda, Anwar Al-Awlaki (20). Enfin, on ne lui connait pas d'ambition politique. Il a répondu aux allégations de sa participation à la
présidentielle de 2012 en affirmant que la seule présidence qu'il briguerait, serait celle de l'Université de Princeton (21).