Le Parti libéral du
Canada (PLC) se souviendra longtemps des élections du 2 mai 2011. Après avoir siégé cinq ans en tant qu'opposition officielle, le PLC, pour la première fois de son histoire, a été relégué au statut de troisième parti à la Chambre des communes.
Passés de 77 à 34 sièges, les libéraux ont vu dans ces chiffres l'
urgence d'amorcer une reconstruction du parti. Première étape : comprendre les causes ayant mené à cette défaite historique. En attendant une course à la chefferie, reportée en 2013, le nouveau chef intérimaire du PLC, Bob Rae, s'active à transformer le parti en un «"mouvement" qui défendra les valeurs et préoccupations des Canadiens» (1).
Retour sur ces élections du 2 mai 2011, marqués par une victoire pour le Parti
conservateur (PC) et, pour le Nouveau parti
démocratique (NPD), l'accès au titre d'opposition officielle.
Le PC s'empare de l'Ontario
Raflant la victoire dans 167 circonscriptions, les
conservateurs ont réussi à obtenir la majorité
parlementaire à la Chambre des communes, une position qu'ils convoitaient fortement après cinq ans de
gouvernement minoritaire. Si leur parti a remporté les élections avec un peu moins de 40 % des votes, les
conservateurs ont marqué beaucoup de points en Ontario (2), traditionnellement libérale. De 12 qu'ils étaient dans cette province, les députés
conservateurs sont passés à 27, faisant du même coup chuter le nombre de sièges des libéraux de 33 à 8.
Au Québec, la vague orange a déferlé, le NPD récoltant 43 % des suffrages. Ainsi, 58 des 102 députés élus sous la bannière du NPD l'ont été au Québec, alors que les
conservateurs ont réussi à en faire élire six.
Pour le PLC, la défaite aux élections du 2 mai 2011 se traduit par l'élection de 34 députés à travers le pays. Au lendemain de ces résultats historiquement bas, le chef du PLC, Michael Ignatieff, a annoncé sa démission. M. Ignatieff, 63 ans, avait lui aussi perdu sa circonscription d'Etobicoke-Lakeshore aux mains des
conservateurs.
Le centre et la gauche divisés
Plusieurs raisons peuvent expliquer les résultats qu'a connus le PLC. La première - et la plus évidente - est celle de la division du vote du centre et de la gauche (3). Les députés libéraux ont perdu 43 sièges depuis les élections de 2008, dont 36 se situent à l'extérieur du Québec. La division du vote ayant résulté en un déplacement de l'appui au PLC vers le NPD, la plupart de ces 36 sièges sont alors passés aux mains des
conservateurs.
Par exemple, dans la circonscription de Bramalea-Gore-Malton, en Ontario, le
conservateur Bal Gosal a remporté les élections en obtenant le même nombre de votes qu'en 2008. Le candidat libéral Gurbax Malhi, lui, a décroché 6000 voix de moins, alors que le candidat du NPD en remportait 14 000 de plus qu'aux dernières élections. Bien que le PLC et le NPD aient récolté à eux deux 35 770 votes, soit 25 % de plus qu'en 2008, cette division entre électeurs a permis aux
conservateurs de s'emparer de cette circonscription avec un peu moins de 20 000 voix (4). Dans un système électoral uninominal à un tour tel que celui utilisé au
Canada, un changement de cap des électeurs influence toujours positivement le parti qui n'est pas concerné par la division.
Quant à M. Ignatieff, il soutient que sa défaite découle en partie de la campagne publicitaire de dénigrement menée par les
conservateurs à son endroit (5). D'autres le blâment surtout pour avoir provoqué une campagne électorale alors que son parti n'était pas prêt. En réponse à ces accusations, l'ancien chef du PLC a soutenu qu'il avait agi ainsi afin de «protéger la
souveraineté du Parlement d'un abus du
Premier ministre (6).» Une motion de censure avait en effet été adoptée en mars 2011 contre le
gouvernement conservateur, alors que ce dernier refusait de divulguer les coûts reliés à certains projets de loi qu'il déposait (7).
En réaction à ces résultats électoraux, l'ancien
premier ministre libéral, Jean Chrétien, a souligné la nécessité pour son parti de prendre le temps de bien choisir son prochain chef (8). Après les élections de 2008, le chef du PLC, Stéphane Dion, avait lui aussi remis sa démission, après avoir remporté 77 sièges.
Un nouveau chef en 2013
En reportant l'élection de son chef au moins jusqu'en mars 2013, le caucus libéral semble effectivement vouloir prendre son temps. La
constitution du parti, qui prévoyait auparavant qu'un nouveau chef doit être élu dans les six mois en cas de démission, a du être modifiée en conséquence (9). Selon l'ancien chef du PLC, Stéphane Dion, la seule bonne nouvelle qu'ont apportée les élections du 2 mai est la certitude qu'il n'y aura pas d'élections avant quatre ans. Selon lui, ces années seront nécessaires afin de mener à terme la reconstruction du parti et de faire connaître le nouveau chef du PLC aux Canadiens (10).
En attendant, c'est le député Bob Rae, deux fois perdant aux dernières courses à la chefferie du parti, qui a été élu chef intérimaire. L'exécutif du PLC avait donné trois conditions aux candidats à l'intérim : être bilingue, ne pas se présenter comme chef permanent en 2013 et refuser toute fusion avec le NPD (11). Cette idée avait été lancée en 2010 après que M. Chrétien et l'ancien chef du NPD, Ed Broadbent, en aient discuté de manière informelle (12).
M. Rae a admis que la reconstruction du parti passe par la refonte de son organisation, en particulier de ses structures de financement (13). Peu inquiet du projet des
conservateurs d'abolir le financement public des partis - environ 2 $ par vote reçu -, le nouveau chef par intérim du PLC croit que les coffres du parti se rempliront une fois que ses membres auront redonné «un sens à leur action politique (14)» et que les partisans se mobiliseront (15). Comme toute reconstruction, celle du PLC tend à être menée sur des bases plus solides.