Le financement électoral aux
États-Unis est une machine complexe qui, depuis 2010, a subi une déréglementation importante avec la décision de la
Cour suprême Citizens United qui a ouvert la voie à pratiquement toutes les possibilités. De nouvelles tendances ont émergé, contribuant à accroître l'importance de l'argent dans les campagnes électorales étatsuniennes.
La voie du peuple ...
Bien qu'à une certaine époque les entreprises et les
syndicats ne pouvaient participer au financement électoral, aujourd'hui ils y participent activement. Ainsi, autant pour les individus que ces groupes, différentes méthodes sont disponibles pour contribuer à la campagne électorale d'un candidat.
L'une d'elle, qu'on pourrait nommer le circuit «traditionnel», est de contribuer directement à la caisse électorale d'un candidat ou d'un
parti politique. Ainsi, un
syndicat, une entreprise ou un individu peuvent donner 2 500$ par candidat, par élection - les primaires étant considérées comme des élections distinctes - ; 30 800$ au comité national du parti; un total de 10 000$ pour tous les comités d'État et de district; et finalement 5 000$ à un Political Action Committee (PAC) (1), groupes qui sont directement rattachés à un parti (2).
Même si la somme de ces contributions peut paraître considérable, elles sont néanmoins sujettes à un plafonnement. De plus, cette méthode nécessite que chaque transaction soit enregistrée auprès de la Federal Election Commission (FEC) (3). Cela explique pourquoi d'autres mécanismes sont davantage privilégiés puisqu'ils permettent de contribuer sans qu'aucun sommet ne soit imposé et même parfois sans que l'identité du donateur ne soit requise.
... et celle des fortunés
Deux méthodes importantes privilégiées sont les Super Pacs et les groupes 501(c)(4) qui font directement référence à la disposition de la loi fiscale du même nom. Les Super Pacs sont apparus peu avant les élections de mi-mandat en 2010. La plus grande particularité de ces
Independant Expenditure Groups est de pouvoir amasser d'importantes sommes d'argent sans aucune limite (4). Cependant, l'identité des donateurs doit être divulguée et ces Super Pacs ne peuvent être directement reliés et ne peuvent coordonner leurs activités en fonction d'un parti ou d'un candidat. Dans les faits, c'est une distinction qui est très difficilement discernable. C'est pourquoi les actions de ces groupes sont essentiellement des campagnes publicitaires servant à appuyer ou à discréditer un candidat (5).
Pour leur part, les groupes 501(c)(4) ont comme particularité supplémentaire qu'ils ne sont guère tenus de divulguer l'identité des donateurs. Ce qui soulève d'ailleurs des inquiétudes, puisque cette méthode pourrait grandement faciliter le financement de groupes étrangers dans les campagnes électorales (6). Un autre avantage que détiennent ces organisations se trouve dans la possibilité de soutenir directement un candidat dans la mesure où cela ne représente pas plus de 50% de leurs activités totales (7). En effet, ces groupes détiennent, légalement parlant, un statut d'organisation d'aide-sociale. Les activités politiques doivent donc passer au second rang. Cependant, la réalité en est parfois très éloignée puisque certains d'entre eux définissent clairement leur allégeance politique (8).
Pour ajouter à la complexité du processus de financement, il est important de noter que les Super Pacs peuvent se financer entre eux et peuvent également être financés par les groupes C4. En bref, la traçabilité des sources de financement devient un processus extrêmement complexe que certains qualifient même d'obscur (9).
Finalement, la dernière source de financement est d'avoir recours au financement public. Toutefois, cette mesure limite les dépenses qu'un candidat peut faire. L'élection
présidentielle de 2008 fut plutôt révélatrice en ce sens (10). Barack Obama, qui refusa ces fonds, ne disposa d'aucune limite de dépense. Pour sa part, le républicain John McCain les accepta et dut, par conséquent, limiter les siennes à 84 millions de dollars. C'est cette distinction qui explique principalement la différence entre les dépenses totales de Barack Obama, 729 millions de dollars, et celles de John McCain qui représentaient moins de la moitié de son adversaire, soit 309 millions de dollars (11).
Ces fonds publics sont généralement utilisés au moment de la campagne
présidentielle, les candidats les refusant durant la période des primaires. Cependant, lors de l'élection
présidentielle de 2012, aucun des deux prétendants à la
Maison-Blanche n'a eu recours aux fonds publics ce qui explique, en partie, l'importance des sommes en jeu de part et d'autre.
En somme, considérant l'étendue des possibilités de financement ainsi que les limites et les capacités de chacune d'elles, plus un individu, un
syndicat, une entreprise ou tout autre groupe ont de l'argent, plus ils seront aptes à véhiculer leurs messages (12).
L'opulence de 2012
Qu'en est-il donc du financement des candidats dans la campagne de 2012? Au niveau des primaires, l'expert Guy Lachapelle explique que c'est principalement à cette étape que la question du financement prend toute son importance puisque les candidats n'ont pas tous les mêmes moyens financers (13).
À titre d'exemple, Mitt Romney a pu amasser, seulement au cours des primaires, plus de soixante millions de dollars. Cette somme provient uniquement du Super Pac dédié à Mitt Romney, Restore Our Future. Un autre Super Pac, Citizens for a Working America, a récolté un peu moins d'un million de dollars (14).
Malheureusement, la FEC ne possède pas pour l'heure de statistiques démontrant les sommes récoltées pendant les primaires, selon la voie «traditionnelle», mais présente seulement le cumulatif qui s'élève à plus de 270 millions de dollars (15).
Même si les statistiques de la FEC ne présentent pas tous les chiffres, on constate qu'à lui seul le Super Pac de Mitt Romney a surclassé les autres. Ron Paul, qui n'a jamais réellement représenté une adversaire imposant (16), était le second à détenir le plus de fonds. Fait intéressant, 90% de ces fonds, d'un total de 44 millions de dollars, provenaient du circuit «régulier» de financement (17). Le reste provenait principalement du Super Pac Endorse Liberty. Pour sa part, Newt Gingrich a pu financer sa campagne à une hauteur de 23 millions de dollars via le financement «traditionnel» et 17,5 millions de dollars via le Super Pac Winning Our Future, dont 10 millions venaient d'un propriétaire de casino du nom de Sheldon Adelson. Finalement, Rick Santorum a obtenu 22 millions de dollars par la voie «traditionnelle» (18) et 9 millions principalement via le Super Pac Red White and Blue Fund (19).
Considérant les élections générales, les montants obtenus par les deux candidats, Barack Obama et Mitt Romney, sont considérablement plus élevés. Le premier a récolté plus de 36 millions de dollars avec son Super Pac Priorities USA Action, tandis que Mitt Romney a amassé un total supérieur à 86 millions de dollars avec son Super Pac (20). Cependant, le candidat républicain a récolté 274 millions de dollars contre 432,2 millions de dollars pour Barack Obama, tous deux via la voie de financement traditionnel.
Même si ces sommes sont importantes, elles n'incluent pas l'argent investi par les groupes C4 afin d'appuyer ou de contrer un candidat. Seulement pour le Parti républicain, ces sommes sont supérieures à 75 millions de dollars (21).
En résumé, des sommes très importantes sont investies dans une campagne électorale, qu'il s'agisse d'une primaire ou d'une
présidentielle. Qui plus est, la déréglementation qui s'est produite en 2010, conjuguée avec une tendance à refuser les fonds fédéraux, pourrait faire que, d'élection en élection, les sommes investies seront toujours plus importantes.