Depuis plusieurs décennies, la question de la surenchère de l'or noir est au centre des débats sur l'énergie. En étudiant les raisons des nombreuses guerres qui ont secoué la planète dont les deux guerres du golfe qui, d'une façon ou d'une autre, trouvent leur origine dans le besoin de pétrole, il est quasi indubitable que subsiste une certaine volonté de contrôle politique qui a comme soubassement la question pétrolière. Ainsi, certains pays ont vite compris leur importance dans cette lutte de pouvoir. L'
Iran en est un exemple. Quatrième producteur de pétrole au monde, l'
Iran est le deuxième plus grand exportateur de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), une organisation créée à l'initiative du Shah d'
Iran (1).
Vers une régulation de la manne pétrolière
La création de l'OPEP résulte du fait que, jusque dans les années 1950-1970, les compagnies pétrolières avaient les pleins pouvoirs sur le cours du pétrole et imposaient leurs prix aux pays producteurs. C'est ainsi que les principaux pays producteurs décidèrent de se regrouper de manière à pouvoir influer sur cette précieuse matière première. La prise de contrôle de la production de pétrole se fit alors par une politique de nationalisation. Étant maîtres de leur production, les pays producteurs peuvent de cette manière influencer le cours du baril de pétrole et ainsi augmenter leurs revenus(2). L'objectif étant de contribuer à la création d'un rapport de force plus équilibré et d'un climat d'harmonie dans les relations diplomatiques entre les pays exportateurs et producteurs. Cependant, il faut souligner qu'entre l'
Iran et les
États-Unis, celles-ci ont toujours été complexes.
En fait, jusqu'à la chute du Shah en 1979, les relations entre l'
Iran et les
États-Unis sont restées cordiales, et de nombreux
constitutionnalistes iraniens ont considéré les
États-Unis comme une « troisième force » dans leur lutte pour se libérer de la domination et de l'ingérence des Britanniques et des Soviétiques dans les affaires iraniennes. La présence américaine a cependant eu un prix : un contrôle permanent des affaires iraniennes pour avoir une mainmise sur la région (3).
Cela dit, cette situation change drastiquement avec la Révolution islamique de 1979. Le régime autoritaire longtemps soutenu par les
États-Unis connait une fin brutale avec le retour d'exil de l'ayatollah
Khomeiny. Accueilli triomphalement à Téhéran, celui-ci instaure une
République islamiste nationaliste dont la législation s'inspire de la charia, la loi islamique. Les relations demeureront difficiles. elles se détérioreront même après les attaques du 11 septembre 2001, alors que le
président américain George W.
Bush identifiers l'
Iran comme l'un des pays de l'axe du mal (4).
Le programme nucléaire iranien : des interprétations « contradictoires »
De plus, depuis 2003, les
États-Unis affirment que l'
Iran développe un programme d'armes nucléaires. L'
Iran maintient pour sa part que son programme nucléaire ne vise qu'à produire de l'électricité. En juin 2005, la secrétaire d'État américain Condoleezza Rice avait même déclaré que le directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Mohamed El Baradei, devait durcir sa position à propos de l'
Iran (5).
Rappelons que les
États-Unis et l'
Iran sont parties prenantes du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) qui vise à réduire le risque que l'arme nucléaire se répande à travers le monde. Ainsi, lors de la conférence de mai 2005 sur le TNP, on a accusé les
États-Unis et d'autres États possédant officiellement l'arme nucléaire de violer l'article 6 du TNP qui exige qu'ils désarment. De nombreuses sources journalistiques ont indiqué que rien n'a été fait à ce jour.
Parallèlement à cela, l'AIEA déclare que l'
Iran viole l'accord de sauvegarde pour ne pas fournir d'informations suffisantes concernant son matériel nucléaire, son traitement et son utilisation (6). Les hostilités lancées, le pétrole devient la seule arme économique pour faire fléchir Téhéran. Une asphyxie de cette principale source financière l'amènerait selon la communauté internationale à reconsidérer sa position. Que nenni.
La résistance iranienne face à la pression internationale
Le 23 janvier 2012, l'Union européenne arrête une série de sanctions sans précédent contre l'
Iran, notamment une interdiction totale des exportations de pétrole iranien. La mesure a pour objectif d'amener l'
Iran à renoncer à ses activités nucléaires sensibles qui, selon les Occidentaux, visent à doter la
République islamique de l'arme atomique. Ce qui ressortira de la
déclaration conjointe de Nicolas Sarkozy,
président de la
République française, d'Angela Merkel, chancelière
fédérale d'
Allemagne et de David Cameron,
premier ministre du
Royaume-Uni, c'est que « les dirigeants iraniens n'ont pas rétabli la confiance de la communauté internationale dans la nature exclusivement pacifique de leur programme nucléaire » (7).
Téhéran avait pour sa part menacé par le passé de bloquer le détroit d'Ormuz en cas de sanctions contre son pétrole. C'est ainsi qu'en janvier elle a testé la capacité de la marine iranienne à fermer le détroit (8). Les
Iraniens ont aussi réagi sur le plan diplomatique en affirmant par la voix du porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangère, Ramin Mehmanparast, que : «la menace, la pression et les sanctions injustes (...) sont vouées à l'échec», et «n'empêcheront pas l'
Iran d'obtenir ses droits fondamentaux (9) » en matière nucléaire. «Les besoins en énergie à long terme du monde sont tels qu'on ne pas peut sanctionner l'
Iran, qui possède les secondes réserves de gaz et les quatrièmes réserves du pétrole» mondiales, ajoute-t-il.
«Les sanctions contre les exportations pétrolières de l'
Iran servent seulement les politiciens américains et européens pour faire de la propagande et n'auront pas d'effet sur l'économie iranienne (10)», a également affirmé
Ali Adiani, membre de la Commission de l'énergie du
parlement. À l'heure actuelle, en raison de la situation du marché, l'
Iran peut vendre son pétrole à n'importe quel pays. Il s'agit d'une référence faite aux relations entre la
Chine et l'
Iran qui continuent de collaborer en matière pétrolière. Selon Adiani, « avec les sanctions, le prix du pétrole va augmenter et ce sera au détriment de l'Europe et des Etats-Unis» (11).
La «volonté hégémonique américaine» : prémices d'une autre guerre ?
Selon le géopolitologue français Charles St-prot, l'intensification des conflits entre les
États-Unis et Téhéran n'est pas essentiellement due à la question des programmes nucléaires iraniens. Les préparatifs pour une nouvelle guerre d'agression seraient plutôt motivés par le déclin historique de l'
impérialisme américain et sa détermination à imposer sa domination incontestée sur les régions riches en ressources énergétiques du Moyen-Orient et de l'Asie centrale. Après avoir envahi l'
Afghanistan et l'
Irak, les
États-Unis menacent maintenant de déclencher une guerre qui pourrait impliquer toute la région et provoquer des conflits encore plus importants.
De plus, d'après Mohammad-Reza Djalili, politologue iranien et spécialiste du Moyen-Orient, si les pourparlers entre la communauté internationale et l'
Iran échouent, le danger d'un conflit militaire déclenché par
Israël ou les
États-Unis va augmenter radicalement. Les dégâts collatéraux seraient énormes car les sévères sanctions bancaires imposées à l'
Iran depuis l'année 2010 ont ralenti l'activité industrielle, réduit les investissements étrangers, provoqué une inflation de plus de 20%, accru le chômage et entraîné une pénurie de devises. De plus, la situation s'est aggravée avec l'embargo pétrolier qui a provoqué depuis le début de l'année une chute de 50% des exportations de brut dont l'
Iran tire l'essentiel de ses ressources en devises, et un fort recul de la production tombée au plus bas depuis vingt ans. La question reste entière : une capitulation iranienne est-elle envisageable ?