Le budget de la défense est un sujet sensible au sein des États à travers le monde, particulièrement ceux qui veulent consolider leur
leadership militaire. Les
États-Unis font partie de cette catégorie, car ils sont considérés comme la plus grande puissance militaire du monde; cela grâce à leur puissance économique qui leur permet de disposer d'un budget militaire très élevé.
Le budget militaire américain représente plus de 40% du budget militaire mondial. Grâce à lui, les
États-Unis disposent de la maitrise des espaces communs : la mer, le ciel et l'espace. Cette maitrise favorise leurs intérêts, tant au plan économique que sécuritaire. Le désir de conserver ces intérêts est un des facteurs déterminants de l'orientation de la politique de défense américaine (1).
Un levier pour la croissance économique
La capacité de l'augmentation des dépenses militaires à bouleverser l'économie globale n'est pas établie. Cependant, il n'est pas rare de voir un pays ponctionner son budget de la défense en vue de contribuer à la solution de problèmes économiques (2). D'ailleurs, les analystes sont nombreux à annoncer, ces jours-ci, une diminution des dépenses militaires aux
États-Unis en vue de soulager un déficit
gouvernemental record. Mais, même dans ces analyses, il y a rarement concordance entre ce qui se passe dans l'économie et la ligne suivie en défense.
Les dépenses militaires échappent souvent aux difficultés économiques, car elles s'inscrivent dans une logique autonome des dépenses publiques. Aux
États-Unis, la guerre contre le
terrorisme est une légitimation de l'effort militaire depuis le début de la décennie et les ressources allouées ne sont pas en lien avec la situation économique. Pour bon nombre de chercheurs, l'économie de la défense fonctionne selon sa propre logique et son propre cycle (3). Cependant, lorsque l'économie va mal aux
États-Unis et qu'ils sont moins impliqués dans de grands conflits, le budget de la défense a tendance à diminuer.
En revanche, si la situation économique influence moins le budget de la défense, certains facteurs démontrent que l'industrie militaire joue un rôle relativement important sur la croissance économique. En effet, les budgets alloués à la défense ont permis aux
États-Unis d'acquérir un avantage stratégique majeur. Les forces militaires américaines peuvent être déployées en tout point du globe et à tout moment, permettant ainsi aux
États-Unis de contrôler les voies essentielles de communication et d'échanges dans le monde. Ainsi, ces derniers ont accès aux ressources naturelles majeures, particulièrement le pétrole.
Les dépenses militaires jouent également un rôle important dans l'économie américaine, en ce sens que l'industrie de la défense est créatrice de milliers d'emplois directs et indirects. Cela n'est pas négligeable dans un contexte d'incertitude économique. La recherche et le développement dans le domaine militaire ont par ailleurs significativement contribué au dynamisme et à la compétitivité de l'économie américaine (4).
Le budget régulé par les conflits
Depuis la fin de la
guerre froide, le budget de la défense américaine a suivi une certaine évolution. Premièrement, une période de décroissance entre 1989 et 1997. L'effondrement de l'Union des
Républiques socialistes soviétiques (
URSS) annonçant la fin de la course aux armements, les
États-Unis furent amenés à réduire leur budget militaire, car la menace soviétique n'avait plus la même vigueur (5).
Par la suite, l'augmentation du budget a connu une reprise lente entre 1997 et 2001 ; les
États-Unis ayant décidé de consolider leur
leadership militaire dans le monde. Une nouvelle stratégie de sécurité nationale (NSS) fut instituée. Celle-ci consiste à un développement de l'arsenal nucléaire, une présence des troupes à l'étranger, un pré-déploiement d'équipement de combat à proximité des zones géographiques sensibles, un renforcement des alliances et le développement d'armements sophistiqués (6).
Enfin, ce budget aborde une phase de progression plus consistante entre 2001 et 2010. Cela s'explique par les attentats du 11 septembre 2001 contre les tours jumelles du World Trade Center et le Pentagone. Cet événement a entraîné le déclenchement des conflits en
Afghanistan et en
Irak (7).
Tout comme la Première et la Deuxième Guerre mondiale, ces conflits en
Afghanistan et en
Irak ont coûté cher aux
États-Unis. Au cours de cette période, le budget du département de la défense a augmenté de 70 %, passant de 400 milliards de dollars en 2001 à plus de 700 aujourd'hui. Plusieurs facteurs sont à l'origine de cette augmentation (8). En effet, les salaires des soldats participant aux opérations sont plus élevés; les frais pour soigner les blessés sont plus importants; il en va de même pour les sommes allouées aux pensions des victimes, à la construction de bases militaires à l'étranger, à l'entretien des matériels, aux achats de nourriture, de carburant et de munitions. Bref, le budget de la défense américaine a tendance à augmenter en période de grands conflits.
La prépondérance de la sécurité
En 1993, face à une logique de confrontation globale disparue avec l'effondrement de l'
Union soviétique, l'équipe du
président Bill Clinton décide de réduire les dépenses militaires. Cette réduction s'appuyait pour l'essentiel sur une compression significative des dépenses en acquisition d'armement. En 1997, une lecture plus pessimiste de l'environnement international et de la sécurité des
États-Unis mettra fin à la période de « vacances de l'acquisition ».
De plus, les événements de 2001 et le fort sentiment d'insécurité qu'ils provoquent aux
États-Unis ont considérablement dopé le budget de la défense (9). Ce recentrage de l'approche sécuritaire annonçait clairement la fin de l'ère des réductions dans les dépenses militaires. Il en ressort donc que, lorsque la sécurité des
États-Unis est menacée, le budget de la défense augmente significativement, peu importe les politiques ou le
gouvernement en place.
En pleine crise économique, en 2010, les
États-Unis ont d'ailleurs mis sur pied une politique de défense appelée la « two-war strategy ». Elle consistait à avoir la capacité de conduire plusieurs guerres en même temps (10). Il fallait donc être prêt à faire de la contre-insurrection en
Irak et en
Afghanistan, tout en conduisant une guerre
conventionnelle à domination aéronavale afin de faire face à la menace chinoise. Cependant, cette politique est en train d'être remplacée par une nouvelle : la « Defense Strategic Guidance », qui propose un nouveau format de défense.
Cette reconfiguration de l'appareil de défense américain confirme l'évolution vers une doctrine centrée sur la capacité à conduire une seule guerre, tout en menant des opérations de faible envergure telles que le soutien humanitaire ou l'imposition d'une "no-fly zone"(11). La priorité est donc le pivotement stratégique sur la zone Asie-Pacifique pour faire face à la menace chinoise.
En résumé, les fluctuations du budget de la défense américain dépendent davantage de la politique de sécurité que de la situation financière des
États-Unis. Deux éléments caractérisent cette politique : la sécurité nationale et les garanties économiques. Le premier concerne la protection des citoyens et du territoire américain; alors que le deuxième englobe tous les intérêts économiques, plus particulièrement l'accès aux matières premières à travers le monde.
Afin de déterminer le prochain budget de la défense, le
président Barack Obama devra trouver un équilibre entre la situation économique des
États-Unis et sa politique relative à la zone Asie-Pacifique. Compte tenu du poids de la politique de sécurité dont nous venons de parler, de lourdes décisions et des sommes colossales risquent d'être encore en jeu.