Le 16 septembre 2013, le classement des 400 plus grosses fortunes américaines a été publié par la revue Forbes. La publication de ce palmarès coïncide avec le cinquième anniversaire du début de la crise économique de 2008 avec la faillite de Lehman Brothers. Il nous apprend que l'écart entre riches et pauvres est toujours en pleine croissance aux
États-Unis.
Le fossé se creuse
La fortune cumulée des 400 Américains les plus riches atteint un record de 2 000 milliards de dollars, soit 300 milliards de plus qu'en 2011. Il s'agit d'un sommet historique. Ce constat ravive le débat sur les inégalités sociales qui se creusent aux
États-Unis. Pour certains, le 1 % des plus grosses fortunes des
États-Unis sont les grands gagnants de la reprise économique(1).
En ce sens, le 3 septembre 2013, Emmanuel Saez, un économiste de l'université de la Californie à Berkeley, a publié une étude sur l'évolution des plus hauts revenus aux
États-Unis(2). Pour ce dernier, les statistiques sont claires. La crise économique semble lointaine pour le 1 % des plus grosses fortunes américaines.
En 2012, ces derniers reçoivent un cinquième du revenu total de la nation(3). Une première depuis 1913, l'année qui marque l'instauration de l'impôt sur le revenu(4). D'ailleurs, ce même 1 % a vu son revenu tomber de 36 % pendant la
récession de 2008, pour ensuite le voir augmenter en moyenne de 31 % durant la reprise(5). D'un autre côté, les 99 % restants ont vu leurs revenus chuter de 12 % lors de la
récession, pour ensuite ne remonter que de 0,4 %.
En conséquence, de tous les gains provoqués par la relance de l'économie, 95 % sont allés directement au 1 % des plus fortunés(6). De surcroît, Saez affirme que 60 % des gains de cette même reprise ont été absorbés par seulement 0,01 % de la population américaine(7). Ainsi, pour la majorité des Américains, les conditions ne se sont guère améliorées depuis cinq ans, tandis que la fortune cumulée des 400 Américains les plus riches atteint un sommet de 2 000 milliards de dollars, soit l'équivalent du produit intérieur brut de la
Russie(8).
Conjoncture ou structure ?
Selon certains analystes, un facteur de l'enrichissement des plus riches est la hausse du Dow Jones, qui a plus que doublé depuis 2009(9). Les marchés financiers ont connu une relance grâce à l'important flux de liquidités mis en circulation par les banques centrales(10). Ce rebond des marchés financiers est particulièrement favorable aux plus fortunés, car 90 % des actions aux
États-Unis sont entre les mains du 10 % des plus riches(11).
Cependant, l'écart des inégalités se creuse depuis quelques décennies. Ainsi, des économistes affirment que la cause de ce phénomène serait plus structurelle que conjoncturelle. Par exemple, depuis les trente dernières années, le marché du travail n'a jamais causé autant d'inégalités(12). Pour certains, un des principaux facteurs de cet accroissement des inégalités aux
États-Unis est le changement de paradigme qui survient à la fin des années 1970. On assiste alors au passage d'une vision
interventionniste de l'État à une approche
néo-libérale(13). Cette vague de déréglementation s'exprime aux
États-Unis par le retrait de mesures développées avec le New Deal et durant la Deuxième Guerre mondiale comme les politiques progressives sur l'impôt(14).
Pour d'autres, la libéralisation des marchés aux
États-Unis n'est pas la seule cause de l'accroissement de l'inégalité entre les revenus. Effectivement, le processus de la
mondialisation est directement en lien avec la détérioration de la situation économique de certaines couches de la société(15). Une étude du Fonds monétaire international sur l'impact de la
mondialisation sur les inégalités des revenus à l'échelle mondiale démontre que, durant la plus récente période de la
mondialisation, les inégalités se sont accrues dans les pays à moyens et hauts revenus. Cependant, dans les États à faibles revenus, cette hausse est beaucoup plus faible. Cela marque donc une rupture avec la tendance au déclin des inégalités en marche depuis la première moitié du vingtième siècle(16).
Si le fossé entre riches et pauvres ne cesse de se creuser aux
États-Unis depuis les années 70, il ne faut donc pas croire que ce phénomène n'existe que là. Néanmoins, le pays de l'oncle Sam est vraisemblablement un de ceux où, comme le démontre le palmarès de Forbes, les inégalités sont les plus évidentes.