Le dimanche 26 mars 2006 avait lieu une manifestation monstre, rassemblant près d'un demi million de personnes, dans la ville de Los Angeles, en Californie. Environ 15 000 personnes se sont aussi réunies à Phoenix, en Arizona.
Ces manifestations avaient pour but de protester contre un projet de durcissement de la loi américaine sur l'immigration (1). Les manifestations regroupaient des membres de la communauté hispanophone, des agriculteurs, des membres d'associations religieuses, d'ouvriers et d'étudiants, tous réunis pour dénoncer un projet de loi qu'ils qualifiaient de raciste (2).
Ces protestations avaient lieu un jour avant que la commission judiciaire du
Sénat américain ait approuvé ce projet de loi. Celui-ci avait été voté au préalable par la Chambre des représentants. La loi prévoyait entres autres la construction de clôtures sur un tiers de la frontière entre les Etats-Unis et le
Mexique, la criminalisation de la présence d'immigrés illégaux ainsi que des sanctions pour les employeurs qui les embauchent. Présentement, le nombre d'immigrés clandestins est estimé à 12 millions aux
États-Unis (3). En tentant d'appliquer une telle loi, les
autorités désirent renforcer le contrôle des frontières et la sécurité dans le pays.
De plus, la criminalisation de l'immigration clandestine, la disposition la plus controversée de la loi concerne un programme qui permettrait aux clandestins de demander la
nationalité américaine aux Etats-Unis, un processus qui prendrait au moins six ans. Outre cela, la loi prévoit un programme autorisant l'entrée de 1,5 million de travailleurs agricoles et d'infirmières, car les
autorités savent bien que les travailleurs clandestins occupent des emplois dont personne ne veut, tellement les salaires sont peu élevés (4). Sur ce point, les hispanophones aux Etats-Unis occupent pour la plupart ce type d'emplois peu rémunéré : 24% d'entre eux travaillent dans l'agriculture, 17% dans le nettoyage et 14% sont des ouvriers (5).
Malgré cela, 60% de la population est opposée à ce que le
gouvernement accorde une amnistie aux immigrants clandestins (6). On remarque cette désapprobation plus particulièrement dans la classe moyenne, qui perçoit cette immigration massive comme un flux de travailleurs à bon marché. De plus, cette partie de la population voit généralement le resserrement des frontières comme une question de sécurité nationale. Par le fait même, accepter des immigrants illégaux devient alors une source d'insécurité (7).
Ces événements surviennent en des temps où les Etats-Unis font face à de nombreux changements sociaux. L'immigration a augmenté à une vitesse fulgurante ces dernières années. Il y a maintenant plus de 33 millions d'immigrants dans le pays, soit 11,7 % de la population. De ce bassin de population, 76% croient qu'il y a un « sentiment » anti-immigrant, et trouvent ce débat sur l'immigration injuste (8).
Cette augmentation de l'immigration provoque une croissance démographique importante, et une explosion du nombre d'électeurs éligibles pour les prochaines années. Plusieurs questions se posent alors : les
autorités doivent-ils intégrer les immigrants illégaux, les ignorer ou tenter de les renvoyer chez eux (9)? Car il y a un enjeu politique majeur : celui des élections de 2006. La question concernant l'immigration devient alors un débat crucial, tant pour les Démocrates que les Républicains. Les hispanophones sont d'un intérêt énorme puisqu'ils représentent 1/8 de la population américaine, et une énorme proportion des générations futures ayant le droit de vote (10).
Ce bassin de population devient important pour les deux partis politiques qui se disputent les voix. Lors des trois dernières élections nationales, les Républicains ont réussi à doubler le nombre de votes hispaniques, passant de 20% en 1996 à 40% en 2004. Les Démocrates, pour leur part, ne peuvent désormais plus compter sur les 42 millions d'habitants hispanophones comme des votes acquis à leur base. Ce débat sur l'immigration devient alors un enjeu électoral crucial. Il comporte de hauts risques; car outre les immigrants, il y a aussi la population qui ne désire pas voir les frontières s'ouvrir trop facilement (11).
Outre cela, les hispanophones nés à l'extérieur des États- Unis ont voté pour George W.
Bush à un taux de 40% plus élevé que ceux nés dans le pays. Ils représentent désormais un bassin de population que les Républicains ne peuvent ignorer (11). La crainte demeure cependant; le débat sur l'immigration pourrait avoir choqué la communauté latino comme nul autre débat ne l'a fait précédemment, et cela risque fort d'influencer les votes pour les prochaines élections, menaçant ainsi les efforts faits par l'administration
Bush (12).