Une sorte de tsunami social et culturel a frappé le 15 janvier 2014 la compagnie GM aux États- Unis. GM fut durant près d'un siècle le fleuron de l'industrie américaine. Comme un dicton américain l'affirmait, « ainsi va GM, ainsi vont les
États-Unis ». Or, cette compagnie était aussi une chasse gardée pour les travailleurs masculins.
L'arrivée de Mary Barra, âgée de 51 ans, à la direction de GM comme
présidente et directrice générale (PDG) montre donc le chemin parcouru par les femmes au sein de cette compagnie. Le simple fait que Mme Barra fut choisie pour devenir la première femme à diriger GM, est un exploit et un développement dramatique en soi dans une industrie historiquement dominée par les hommes.
D'ailleurs, dans l'industrie automobile américaine, les femmes sont toujours fortement minoritaires avec seulement 21 % des effectifs totaux. Les données du recensement
fédéral américain dénombrent 39 000 femmes sur 185 200 employés dans l'industrie. Par comparaison, on retrouve dans le secteur manufacturier américain 3,3 millions de femmes sur 12 millions de travailleurs, soit 27 %.
Mais pour les
observateurs familiers de GM, la sélection de Mme Barra comme PDG n'est pas une surprise. La nomination du nouveau
président avait été limitée strictement à un processus interne entre quatre vice-
présidents de la compagnie, soit Mark Reuss, le responsable des opérations en Amérique du Nord, Dan Ammann, le directeur financier, Steve Girsky, responsable des opérations en Europe, et Mary Barra, responsable du développement mondial. Bien qu'entre les quatre candidats, la lutte pour le poste était féroce, Mme Barra bénéficiait d'un avantage important.
En effet, Mme Barra avait le soutien de Dan Akerson, le PDG sortant de la compagnie. Akerson qui avait présidé au plan de sauvetage de GM et profondément remodelé la culture de la compagnie, considérait Mme Barra comme la candidate idéale pour poursuivre sa politique de redressement. Elle était ni plus ni moins son héritière.
Après avoir complété un baccalauréat en génie électrique, elle obtint un MBA à l'Université Stanford. Son association avec GM débuta en 1980, alors qu'elle effectua à l'âge de 18 ans un stage dans l'entreprise. Elle a gravi par la suite tous les échelons pour devenir en 2008 vice
présidente et responsable de la conception des nouveaux modèles. En 2009, elle assuma comme vice-
présidente la direction des ressources humaines de GM. En 2011, elle devint responsable du développement mondial de la compagnie.
Depuis 2011, elle avait donc la responsabilité de la conception, l'ingénierie et la gestion du programme de la qualité. Elle avait aussi comme responsabilité de réduire les coûts de production dans le développement d'une grande variété d'automobiles et de camions. Elle sut mettre à profit l'expérience qu'elle avait acquise comme responsables des ressources humaines.
Dans son rôle de responsable du développement mondial, elle a eu de la difficulté à se faire accepter au début, parce qu'elle provenait du secteur des ressources humaines et parce qu'elle était une femme. Mais comme ingénieure, elle avait un avantage. Elle sut introduire une nouvelle gamme de produits et moderniser les plates-formes de production mondiale. Elle fut ainsi au coeur du processus de développement des nouvelles voitures de GM qui ont été acclamées par la critique.
D'ailleurs, avant la sélection du nouveau PDG, Dan Akerson organisa un concours de jeu de guerre pour déterminer parmi les hauts cadres qui serait le mieux apte à lui succéder. Le jeu consistait à déterminer quel était le concurrent qui pouvait menacer le plus GM et quelle serait la meilleure stratégie pour riposter. C'est l'équipe de Mary Barra qui remporta le concours.
L'ascension de Mary Barra au poste de chef de direction de GM est impressionnante. Le nombre de femmes qui occupent un poste de PDG dans les 1000 plus grandes compagnies aux
États-Unis était en 2013 que 44, soit 21 (4,2 %) pour les 500 premières compagnies et 23 (4,6 %) pour les compagnies se classant entre le 500e et le 1000e rang.
Or, jusqu'en 1996, Marion Sandler de la Golden West Financial était la seule femme PDG parmi les 500 plus grandes compagnies américaines. Plus encore. Sur les 44 femmes présentement PDG, 11 ont été nommées seulement en 2011 et 2012. Clairement, les postes de chef de direction des grandes compagnies américaines sont une chasse gardée par les hommes.
La voie a été ouverte par des pionnières comme MaryBarra. Le mouvement est lent, mais le nombre de femmes dans la haute direction des compagnies américaines augmente graduellement. Si on tient compte du fait que les femmes obtiennent aux États- Unis 60 % des diplômes universitaires, l'augmentation du pourcentage de femmes dans la haute direction devrait se poursuivre.
Par ailleurs, des études américaines démontrent que c'est un avantage pour une compagnie d'avoir des femmes dans sa haute direction. Les entreprises les plus performantes sont celles qui disposent d'un mélange de femmes et d'hommes comme dirigeants. Ces compagnies surclassent leurs concurrents en adoptant des attitudes différentes en matière de risque et en montrant un plus grand esprit de collaboration.
Lorsqu'elle obtient un poste de chef de direction, une femme doit encore combattre des valeurs aberrantes et résister à de forts vents contraires. Par exemple, les investisseurs dans ces compagnies se montrent impatients lorsque c'est une femme dirige la compagnie, comme si celle-ci était responsable en tant que femme lorsque les résultats trimestriels ne répondent pas à leur attente.
D'ailleurs, les femmes dans les hautes sphères administratives sont reconnues pour leur ténacité et leur intelligence émotionnelle. Mais elles souffrent aussi d'un handicap important. Elles doivent se défendre contre un préjugé tenace sur leur présumée absence de vision, un préjugé qui est véhiculé par leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés.
Mme Barra a peut-être frappé un coup de circuit en devenant PDG de GM. Clairement, elle était la plus qualifiée pour le poste. Mais fort possiblement, sa tâche la plus difficile est à venir.
Dernière modification: 2014-03-17 11:35:36
-N.D.L.R.: Il est possible que des hyperliens actifs au moment de la recherche et de la rédaction de cet article ne le soient plus ultérieurement.