Depuis 2011, la
Syrie est le théâtre d'un conflit armé entre les forces armées du régime du
président Bachar al-Assad et des factions rebelles (1). Ayant causé près de 130 000 morts depuis son début, le conflit syrien est devenu un enjeu de politique internationale majeur. C'est dans le but d'apporter des solutions à cette crise que se sont ouvertes, le 22 janvier 2014 à Montreux, en
Suisse, les
négociations de Genève 2 (2). Il s'agit de la deuxième rencontre visant à apporter des solutions à la crise syrienne, la première s'étant tenue en juin 2012, à Genève (3).
Dès le départ, cette rencontre laissait les experts, tels qu'Ignace Leverrier, ancien diplomate et blogueur pour Le Monde, sceptique. En effet, dans l'un des articles de son dossier consacré à la
Syrie, l'auteur avançait, avant même la rencontre, que les parties entretiendraient « un dialogue de sourd (4) ». Selon lui, les ambitions des deux parties étant diamétralement opposées, un accord entre celles-ci est peu probable.
Une première tentative
Les premières
négociations de Genève ont été menées par l'ex-secrétaire général des Nations unies, Kofi
Annan, en sa qualité d'émissaire choisi par les États de la Ligue arabe et l'Organisation des Nations unies (ONU). Elles se sont tenues à Genève durant le mois de juin 2012 (5). C'est dans le but de trouver une solution au conflit qui avait déjà causé plusieurs victimes qu'a été formé le Groupe d'action pour la
Syrie. Comme l'explique Kofi
Annan : « L'objectif du Groupe d'action pour la
Syrie est d'identifier des mesures pour faire cesser immédiatement la violence sous toutes ses formes et d'assurer la mise en oeuvre du plan de paix en six points... (6). »
Le Groupe d'action pour la
Syrie comprend les cinq membres permanents du
Conseil de sécurité de l'ONU, soit la
France, la Grande-Bretagne, les
États-Unis, la
Chine et la
Russie, en plus de la
Turquie (7). Cependant, lors de la réunion au sommet de Genève 1, plusieurs autres acteurs ont été invités, soit les « pays représentant la Ligue arabe,
Irak,
Koweït et
Qatar », « les secrétaires généraux de la Ligue arabe et de l'ONU ainsi que la Haute représentante aux Affaires étrangères de l'Union européenne (8)». Cette rencontre s'est avérée peu fructueuse puisque, peu après, Kofi
Annan décidait de quitter ses fonctions d'émissaire pour la
Syrie.
On peut questionner l'efficacité des travaux menés par ce groupe, qui rassemble les membres du
Conseil de sécurité. En effet, deux des membres, soit la
Chine et la
Russie, se sont, dès le début du conflit, rangés du côté du pouvoir syrien. Cependant, les six points proposés pour une transition
démocratique serviront de point de départ pour la
négociation suivante.
De nouvelles bases de négociation
La
négociation de Genève 2 comportait plusieurs éléments la différenciant clairement de la première
négociation qui s'est tenue en juin 2012. La principale différence concerne les parties autour de la table. Après plusieurs semaines de tension durant lesquelles la participation des représentants de l'opposition syrienne semblait improbable, leur présence à ces
négociations peut être vue comme un pas vers une solution négociée.
Premièrement, la participation de la Coalition de l'opposition syrienne ne faisait pas l'unanimité au sein de ses propres rangs. En effet, le Conseil national syrien, membre de la coalition, a quitté cette dernière en avançant qu'il ne participerait aux
négociations qu'à condition d'avoir la garantie que Bachar al-Assad serait définitivement écarté du pouvoir (9). Cette scission au sein de l'opposition a permis au
gouvernement russe, soutien du régime de Bachar al-Assad, de remettre en question la légitimité du mouvement d'opposition (10).
Deuxièmement, les représentants de la Coalition nationale ont longtemps menacé de ne pas participer aux
négociations en raison de la participation annoncée de l'
Iran. En effet, la
République islamique d'
Iran avait été invitée par le secrétaire général de l'ONU à joindre la table des
négociations (11). Toutefois, Ban Ki-Moon a dû retirer son invitation devant le refus de l'
Iran de reconnaître un éventuel
gouvernement de transition syrien. Il s'agissait d'une condition imposée par la
France, le
Royaume-Uni et les
États-Unis pour accepter la participation de l'
Iran (12).
En définitive, les acteurs présents autour de la table à cette deuxième rencontre de Genève ont grandement contribué à la façonner. Il semblerait que ce facteur ait également joué un rôle important dans le résultat final de la
négociation.
L'échec expliqué
Malheureusement pour le processus de paix, les deux rondes de
négociation de Genève 2 se sont soldées par un échec cuisant. Forcé de constater cet échec, l'émissaire des Nations unies et de la Ligue arabe, Lakhdar Brahimi, a présenté ses excuses au peuple syrien «dont les espoirs étaient si grands(13) ». Dans un article paru sur le site internet de RFI, on peut lire que l'échec de ces
négociations est attribuable à « l'intransigeance » des représentants de Damas, pour lesquels une transition politique ne serait pas envisageable, selon Lakhdar Brahimi (14). Or, le but de la rencontre de Genève 2 était justement de discuter de ladite transition politique (15), sur les bases établies par la rencontre de Genève 1 (16).
En outre, plusieurs experts sont d'accord pour affirmer que même si les
négociations de Genève 2 ont été un échec, elles constituent une avancée dans la résolution du conflit syrien. En effet, Jeremy Shapiro et Samuel Charap, analystes du Think Tank américain Foreign Affairs, avançaient, avant même la rencontre, que Genève 2 serait un échec, mais que ces
négociations pourraient permettre un rapprochement entre les
États-Unis et la
Russie sur la question syrienne. Ils sont rejoints dans cette vision par Mona Yacoubian, conseillère du programme du Moyen-Orient du Stimson Center
On voit ainsi que si la crise syrienne doit se résoudre par les voies diplomatiques, ce processus sera long et complexe. Entre-temps, des civils sont encore tués dans les zones en conflit et des milliers de
Syriens se retrouvent dans les camps de réfugiés, pendant que d'autres sont encore coincés en zone de conflit.