Le 22 octobre 2005, le
Canada a remporté une énorme victoire. En effet, l'adoption de la
Convention sur la diversité culturelle (CDC), donnera aux pays signataires une plus grande protection de leur industrie culturelle. Néanmoins, alors que le
Canada et la
France saluent cet accord, les
États-Unis, fervents opposants à cette
Convention, ont vu leurs alliances se déchirer. Résultat : lors de la conférence générale de l'UNESCO en octobre dernier, 148 pays ont voté pour, seuls les
États-Unis et
Israël s'y sont finalement opposés (1).
De son nom officiel, « la
Convention internationale sur la protection de la diversité des contenus culturels et des expressions artistiques » est le résultat de plusieurs années d'efforts. Le
Canada y fut un acteur important, sinon le géniteur du CDC, conjointement avec la
France, puisqu'il « a lancé le mouvement en mettant de l'avant l'idée d'un
traité international sur la diversité culturelle, et il a pris les devants au niveau diplomatique pour rallier des appuis internationaux à toutes les étapes du processus d'élaboration et d'adoption de la
Convention à l'UNESCO (2). »
De plus, le 23 novembre 2005, le
Canada est devenu le premier pays au monde à ratifier la
Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, ce qui démontre sa volonté claire d'appuyer ce projet.
Il faut toutefois noter que cette
Convention entrera en vigueur et aura force de loi uniquement lorsqu'elle sera ratifiée par un minimum de 30 pays.
Quelle est la portée de cette Convention?
La CDC a une portée très intéressante en tant que
traité puisque le texte « a du mordant, du poids, et [..] accorde à l'industrie culturelle une place spéciale dans les échanges internationaux » (3). Par ailleurs, ce texte n'est aucunement soumis aux règles de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) attendu que « les produits et services culturels ne seraient plus
traités comme de simples marchandises » (4). De plus, ce
traité ne serait aucunement subordonné à d'autres
conventions ou règles internationales. En conséquence, la « [C]onvention sur la diversité culturelle aurait donc le même poids que les règles de l'OMC ou de l'
ALENA (5). »
En ratifiant la
Convention, le
Canada affirme « que les biens culturels ne sont pas seulement des produits économiques : ils ont aussi une valeur sociale. Les États ont donc le droit de prendre des mesures pour protéger la culture et sa diversité. La
Convention se veut un rempart contre l'uniformisation de la culture qui menace la planète à l'heure de la
mondialisation (6). »
À cet égard, l'article 5 est un des éléments clés de la
Convention concernant les droits et les obligations des États : « Les parties réaffirment (...) leur droit souverain de formuler et mettre en ?uvre leurs politiques culturelles et d'adopter les mesures pour protéger et promouvoir la diversité des expressions culturelles, ainsi que pour renforcer la coopération internationale afin d'atteindre les objectifs de la présente
convention (7). » Ainsi, avec le principe de
souveraineté des États, ceux-ci peuvent se réapproprier le droit d'établir des politiques et règlements culturels qu'ils auraient cédés auparavant (8).
Impacts pour le Canada et les États-Unis
L'impact le plus significatif de ce
traité au
Canada est sans aucun doute sur l'industrie cinématographique. Actuellement au
Canada, le « secteur culturel fait face à des défis majeurs. L'industrie cinématographique est notamment concernée, seulement 5 p. 100 des films projetés étant canadiens » (9). Un grand avantage pour le
Canada sera que la légalisation sur la mise en ?uvre de subventions ne pourra faire l'objet d'intervention de la part de l'OMC. Bref, l'OMC ne pourrait venir interférer dans les décisions canadiennes.
De plus, tout ce qui a trait à la musique, les livres et les droits d'auteurs aura une place de choix dans cette
convention.
Pour les
États-Unis, le débat est tout autre. L'industrie américaine du cinéma est primordiale. Les films étasuniens « sont à l'origine d'environ 80 % des recettes-guichet brutes à l'extérieur des
États-Unis » (10). Ainsi, si la ratification s'effectue dans les délais, nos voisins pourraient souffrir de cette
convention puisque les pays pourraient alors imposer des quotas sur les films étrangers.
Donc, déjà « les Américains ont fait savoir qu'ils ne resteront pas les bras croisés. En octobre, Kristin Silverberg, haut responsable du département d'État américain, y allait d'une mise en garde en affirmant que les
États-Unis pourraient "tenter d'empêcher" les États de ratifier la
convention (11).» Eux, qui voulaient inclure les biens culturels dans les échanges commerciaux se voient donc fermer la porte au nez.
Par ailleurs, les
États-Unis ont très souvent fait des pressions sur des
gouvernements comme ceux du
Chili, de la
Corée du Sud et du
Maroc « afin, dans le cadre d'accords commerciaux bilatéraux, de les faire renoncer à leur droit de mettre en place des politiques cinématographiques, en échange de compensations dans d'autres secteurs » (12). Pour la
Corée du Sud, Washington aurait influencé la diminution de quotas sur l'industrie cinématographique, passant de 40 % à 20 % (13).
Et finalement?
Le
Canada se réjouit, et les
États-Unis grognent. Mais tout reste à voir puisque malgré la récente victoire du
Canada, la
Convention n'entrera en vigueur que lorsque 30 pays l'auront ratifiée. Beaucoup reste encore à faire, surtout si l'on veut légitimer cette
convention. Il faudrait bien davantage que le nombre minimal de ratifications, soit 30, et avoir une meilleure répartition géographique afin de démontrer sa véritable force.