Le
Tadjikistan se prépare pour les troisièmes élections législatives depuis 1997. À l'approche du 1er mars, de nombreux enjeux attendent cet État qui représente le « noeud stratégique où se jouent les rivalités entre
Russie,
États-Unis,
Chine et États d'Asie centrale (1)».
Ébranlé par la
guerre civile de 1992 à 1997, qui a suivi l'obtention de l'indépendance, le
Tadjikistan est encore aujourd'hui un pays fragile, dirigé néanmoins d'une main de fer par le
président Emomali Rahmon(2). Celui qui a été réélu sans équivoque en 2013 attend les résultats des prochaines législatives, tout comme les
observateurs de la communauté internationale.
Un seul parti pour les gouverner tous
Le
Tadjikistan est une république
parlementaire
bicamérale où 63 représentants sont élus au
suffrage universel direct dans la Chambre basse(3). Lors les élections législatives de 2005 et de 2010, le Parti
démocratique populaire (PDP), actuellement au pouvoir, a creusé l'écart et a accentué sa domination sur les autres partis.
Ce
parti politique, le plus important du pays, est mené par le
président Emomali Rahmon qui s'impose comme une figure de proue, éclipsant l'influence du
premier ministre Kokhir Rasulzoda(4). Ayant comme idéologie centrale l'étatisme, le PDP prône le contrôle accru de l'État et des interventions systématiques dans plusieurs domaines de la sphère politique comme l'économie, la culture ou les programmes sociaux. Il met aussi de l'avant le sécularisme : la neutralité de l'État face à la religion(5).
Le parti de l'opposition officielle, le Parti de la Renaissance islamique dirigé par Muhiddin Kabiri, ne partage pas l'idée de laïcité de l'État(6). Au contraire, ce parti se base sur le fait que l'
islamisme devrait guider les actions politiques ; il est d'ailleurs le seul parti islamiste autorisé en Asie centrale(7).
En ce qui a trait aux autres partis, il y a le Parti
démocratique de Saidjafar Ismonov, avec une vision pro-occidentale qui véhicule des idées comme la laïcité et le
nationalisme(8). Puis, populaire à l'époque du contrôle soviétique, le
Parti communiste a aujourd'hui perdu un nombre considérable de membres qui n'adhèrent plus autant aux idées communistes(9).
À l'approche des élections, tous ces partis auront comme objectif de séduire l'électorat afin de faire « sortir le vote ». Cependant, il faut prendre en considération les importants enjeux de ce pays fragilisé par la
guerre civile qui est toujours sous tutelle internationale(10). Véritable plaque tournante du trafic de drogue, la
Tadjikistan est aux prises avec des problèmes de sécurité inquiétants(11), d'autant plus que les affrontements internes entre groupes criminels surviennent sporadiquement.
Du côté économique, le
Tadjikistan représente un des pays les plus pauvres de la Communauté des États indépendants (CEI), alors que 43% de la population vit avec moins de deux dollars par jour et que le financement dépend des pays étrangers(12). La santé et l'éducation sont d'autres priorités que les partis devront mettre à l'agenda pour remédier, entre autres, au grand taux d'analphabétisme (13).
Démocratie : les apparences trompeuses ?
La
démocratie est un régime politique basé sur le principe que le peuple détient la
souveraineté. Toutefois, ce n'est pas parce qu'un État se proclame
démocratique sur la forme, qu'il l'est nécessairement sur le fond. Plusieurs indices peuvent témoigner de « l'état de santé » d'une
démocratie.
Par exemple, l'indice de
démocratie du
Tadjikistan en 2010 a été établi à 2,51, ce qui classe le pays dans les régimes autoritaires(14). Cet indice, crée par le revue The Economist, prend en compte le processus électoral, le pluralisme des partis, les libertés civiles, le fonctionnement du
gouvernement ainsi que la participation et la culture politique.
Un autre indice, celui des libertés civiles élaboré par Freedom House, englobant notamment les libertés d'expression, est de 5,5 pour l'année 2011, 7 signifiant l'absence de libertés(15). À ce titre, l'emprisonnement récent d'un avocat luttant pour les droits humains fait écho sur la scène internationale, l'organisation Human Rights Watch déplorant que les
autorités tadjiks bâillonnent ceux qui s'aventurent sur des sujets politiques jugés trop sensibles(16).
Considérant les accusations de fraude lors des dernières élections et un taux de corruption alarmant de 23% reflétant d'importantes lacunes(17), le nouveau
gouvernement aura fort à faire pour redorer l'image du régime politique tadjik. Les structures
démocratiques suffiront-elles pour qualifier le pays de
démocratie ou d'en voie de
démocratisation ?