«La richesse est un instrument dont on use, et non un dieu que l'on vénère (1).» Cette phrase fut prononcée par Calvin Coolidge, 30e
président des
États-Unis, de 1923 à 1929. En somme, Coolidge voulait, ou plutôt tentait de faire comprendre que l'argent pour un chef d'État était un moyen devant servir à améliorer les conditions du pays. Gérée de bonne manière, la richesse élevée d'un pays serait un gage de prospérité et de stabilité. C'est une leçon que le
Kenya ne semble pas avoir apprise.
La soi-disant première économie au bord du désastre
Il y a trois ans, on considérait le
Kenya comme le chef de file des pays d'Afrique de l'Est, selon les considérations économiques (2). En effet, en 2012, le pays connaissait une croissance économique de 5,1%, notamment en raison de la découverte de réserves de pétrole et de gaz naturel, ayant comme principale conséquence l'augmentation des investissements (3).
Paradoxalement, si ces informations pouvaient laisser croire à un espoir possible pour le
Kenya, la facette cachée de cette histoire ferait pleurer l'ancien
président Coolidge. En effet, malgré la croissance montrée précédemment, le PIB par habitant reste très faible, soit 970 dollars américains par personne en 2012 (4). De plus, avec une dette publique représentant 53% du PIB au début de 2013, les résultats sont très éloignés des prévisions (5).
Plusieurs phénomènes peuvent expliquer cela. D'une part, lors de l'exercice financier de 2011-2012, le pays connut une sécheresse importante, qui pénalisa les récoltes et la production d'hydro-électricité (6). De plus, le
Kenya est engagé dans un conflit, avec l'
Éthiopie, contre le groupe
terroriste somalien Al-Shabaab, ce qui a pour impact d'augmenter le budget des forces armées et de réduire les revenus touristiques (7). Enfin, nous pourrions mentionner d'autres facteurs comme la structure économique interne, l'augmentation des dépenses publiques en 2013, en raison des élections, ou la dépréciation de la monnaie nationale face à l'euro ou au dollar (8).
La comptabilité à la rescousse
À la vue des statistiques, la situation semblait emprunter une pente descendante. En effet, le Fonds monétaire internationale (FMI) avait prêté 110 millions de dollars en 2012 au
Kenya afin de relancer son activité économique (9). L'aide total cumulée, soit 10 milliards de dollars, fut utilisée dans les infrastructures, l'administration publique et la restructuration de l'économie (10). Malgré tout, surtout en raison de l'inflation, la situation ne se redressa pas (11). En juillet 2013, l'on apprenait que la dette du pays atteignait 22,38 milliards de dollars, représentant près de 60% du PIB (12). De plus, en 2014, le pays connut une importante inflation, atteignant un pic à 8,36% en été (13).
Cependant, de nouvelles règles comptables modifièrent la situation. À la suite d'un changement dans la méthode de calcul du PIB, celui-ci devient 25% plus important que les estimations de 2013 (14). La croissance pour la même année est aussi revue à la hausse, soit 5,7% au lieu de 4,7% (15). De ce fait, les économistes de la Banque mondiale considèrent maintenant le
Kenya comme une économie de classe moyenne, comparativement à une économie faible (16).
Si cette amélioration théorique peut laisser croire à un progrès, il ne faut pas penser que les
Kenyans puissent faire table rase du passé. Il reste du travail à faire. Pour l'exercice 2014-2015, le
président du pays, Uhuru
Kenyatta, annonça sa volonté de réduire la dette de 50% en diminuant les emprunts publics, espérant ainsi renforcer le secteur privé et stimuler la croissance (17).
Les risques restent tout de même grands. En effet, malgré la mise à jour, il n'y a aucune garantie que l'économie kenyane puisse absorber la dette, surtout que les revenus du pays demeurent inchangés (18). De plus, le ratio d'exportation du
Kenya s'élève à 16,7%, comparativement à 29% pour les importations, ce qui n'aide pas à combler le déficit, et donc la dette (19).
Il est certain que, comparativement à d'autres pays, le
Kenya s'en sort relativement bien, à défaut d'avoir une bonne santé économique. Cela n'empêche pas que ce pays connait des difficultés depuis quelques années sinon plus. L'avenir nous dira si, d'une part, le
Kenya pourra résister à son endettement, et si, d'autre part, la population en bénéficiera.