Le
Mexique est la deuxième puissance économique en Amérique latine, juste après le
Brésil. Membre, entre autres, de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et du Fonds monétaire international (FMI), ce pays est totalement inséré dans le marché économique mondial. Le
Mexique semble solide économiquement, ses perspectives futures étant considérées comme « positives », selon un rapport du ministère de l'Économie, de l'Innovation et des Exportations du Québec datant de 2015 (1).
Cependant, ce rapport souligne un défi important que le
gouvernement mexicain doit relever, celui de « contrôler les effets de la baisse des prix du pétrole sur les revenus de l'État (2)». En effet, l'année 2014 a été marquée par un ralentissement de la croissance économique du pays du fait de la chute des cours pétroliers sur les marchés mondiaux. En tant que 6e producteur mondial d'or noir, avec une richesse estimée à plus de 11 milliards de barils de pétrole, le
Mexique s'avère sensible aux variations mondiales du prix du baril de pétrole (3).
On peut donc voir l'importance que revêt le pétrole pour ce pays. Le 20 décembre 2013, le
président Enrique Pena Nieto, qui se réclame de la
social-démocratie et qui est membre du Parti
révolutionnaire institutionnel (PRI), annonçait une modification de la
Constitution en vue d'une réforme énergétique, ce qui fut dénoncé comme une privatisation masquée. Pour bien comprendre cette décision, il faut analyser ses conséquences sur le moyen et long terme.
Un symbole pour la nation mexicaine
Le pétrole mexicain représente pour le pays plus qu'une simple richesse naturelle. Dans les années 1930, le PRI, alors au pouvoir, décida d'en nationaliser l'exploitation. Depuis, le monopole d'État a longtemps été très fort. Le journaliste de gauche John Mill Ackerman rappelle que,
constitutionnellement, il existait « une stricte interdiction (...) contre toute forme de contrat ou de concession accordée au secteur privé (4)» par rapport à l'exploitation pétrolière. En 1938, le
gouvernement mexicain de l'époque décida même d'expulser les compagnies pétrolières étrangères.
Ainsi, le fait que le
président Pena Nieto a décidé en décembre 2013 l'assouplissement du monopole d'État sur le pétrole mexicain a engendré de vives réactions. Bien que ce dernier ait certifié que « la rente pétrolière restera la propriété de tous les Mexicains (5)», les avis divergent sur les conséquences d'une telle mesure.
Un désir d'améliorer la situation économique
Bien que deuxième puissance économique en Amérique latine, le pays est dépendant des cours mondiaux du pétrole et de ses fluctuations. Par exemple, l'année 2013 fut économiquement affectée par la baisse mondiale des cours du baril de pétrole. Du fait de la chute des cours pétroliers, la société d'État s'occupant de l'exploitation pétrolière, Pemex, a annoncé en 2015 une perte s'élevant à plus de 5 milliards de dollars américains (6). Dès lors, la journaliste Diane Jeantet analyse cette ouverture aux investisseurs privés et étrangers du marché du pétrole comme un moyen d'enrayer la chute régulière de la production pétrolière et la perte de valeur du baril mexicain sur les marchés boursiers (7).
De plus, il faut noter l'inefficacité de la société d'État Pemex, accusée également d'être corrompue. Le chercheur Gérald Cadet rappelait en 2003 les résultats d'un sondage qui révélait que la privatisation de Pemex serait acceptée par 49 % des Mexicains « si cela rendait l'entreprise plus efficace et moins corrompue (8) ».
Enfin, le
Mexique est aujourd'hui face à la nécessité d'exploiter ses réserves « off shore » qui se trouvent dans le golfe du
Mexique. Cependant, Pemex ne possédant pas les techniques et les moyens pour exploiter en eaux profondes, le
gouvernement mexicain a décidé de s'ouvrir aux investisseurs étrangers. Cette ouverture s'est faite progressivement, d'abord avec la fin du monopole d'État sur l'exploitation pétrolière, et plus largement des hydrocarbures, en décembre 2013, puis avec le vote d'une loi, le 11 août 2014, ouvrant le secteur des hydrocarbures aux investisseurs étrangers. Cette loi a, entre autres, transformé Pemex en « entreprise productive d'État (9)», ce qui la met en directe concurrence avec le secteur privé. De plus, le secteur privé est autorisé à exploiter les hydrocarbures se trouvant dans le golfe du
Mexique.
Cette réforme, qui permet d'ouvrir le marché à la concurrence et l'investissement, entre en concordance avec les désirs d'instances qui défendent actuellement des politiques néolibérales, telles que le FMI ou la Banque mondiale (BM). Cependant, il faut aussi voir les avis opposés à cette réforme énergétique.
La privatisation : plus de mal que de bien ?
On peut voir que les débuts de cette ouverture aux investisseurs étrangers, à l'été 2015, n'ont pas été aussi concluants que le
gouvernement mexicain l'aurait voulu. Sur les 14 sites d'exploitation dans le golfe du
Mexique qui étaient mis aux enchères, seuls 2 ont été achetés. Si le
gouvernement justifie ce peu d'intérêt par un marché pétrolier en berne, les experts analysent plutôt que l'insécurité du
gouvernement de Pena Nieto face à son propre pétrole, vue à travers une vente à bas prix, a refréné les ardeurs d'acheteurs privés (10).
Il faut comprendre que les sciences économiques tentent d'analyser l'incertitude qu'ont les agents sur l'avenir, et comment ceux-ci la gèrent. Ainsi, avant de prendre une décision, les agents économiques anticipent le futur en se basant, par exemple, sur des faits passés qui pourraient éventuellement se répéter, ou encore en observant les autres agents en place sur un marché et comment ceux-ci se comportent (11). Dans le cas de la vente de sites d'exploitation mexicains, le fait que peu d'entreprises aient souhaité acheter un site a peut-être entraîné d'autres à ne pas le faire.
Une deuxième source d'inquiétude quant à cette réforme énergétique réside dans le fait que Pemex représentait le tiers des recettes budgétaires de l'État mexicain (12). De plus, il faut souligner que le pétrole est une des premières sources de revenus pour le
gouvernement. En effet, l'OCDE établissait dans une de ses études que « les exportations de pétrole et de gaz représentaient plus de 20 % du PIB en 2007 (13)». La question qui demeure est : comment le
gouvernement va-t-il compenser cette perte ?
Outre l'aspect économique qui accompagne le projet de réforme énergétique, l'aspect environnemental est également à prendre en compte. À quelques jours de la Conférence de Paris sur les changements climatiques, il faut réaliser que l'extraction et la production de pétrole entraîne des atteintes à l'environnement. On peut se demander comment le
gouvernement de Pena Nieto compte y faire face.