Le 8 septembre 1991, deux ans après la chute du mur de Berlin, la
République de
Macédoine accède à l'indépendance. Auparavant membre de la
République fédérative socialiste de Yougoslavie, elle s'en sépara lors de la désintégration de cette dernière, tout comme d'autres États indépendants actuels tels que la
Croatie et le Monténégro (1). Depuis ce temps, elle prône une politique étrangère pro-occidentale, afin notamment de préserver son autonomie auprès de la
Russie, joueur important et très influent dans cette région de l'Europe. À cet effet, l'une des politiques clés pour la
Macédoine est de devenir membre de l'Organisation du
traité de l'Atlantique Nord (
OTAN), mais cela constitue pour elle un long processus rempli d'obstacles.
Une adhésion soigneusement préparée
La volonté macédonienne d'adhésion à l'
OTAN date de longtemps et les deux acteurs entretiennent une longue relation historique.
D'abord, en 1995, l'ex-
République yougoslave adhère au Partenariat pour la paix (PPP). Il s'agit d'un programme qui permet aux États non membres de l'
OTAN de coopérer avec l'organisation et de développer une relation individuelle avec elle (2). Puis, en 1999, le pays devient participant au Plan d'action pour l'adhésion (MAP) de l'
OTAN, plan par lequel l'organisation accepte de donner son avis et son soutien concernant les besoins individuels des pays désireux d'adhérer à l'Alliance (3). Quelques années plus tard, en 2008, la bonne volonté et les actions de la
Macédoine sont récompensées, alors que l'
OTAN invite officiellement le pays à entamer des pourparlers d'adhésion (4). Par ailleurs, la
Macédoine a participé activement aux interventions de l'organisation au Kosovo, en 1999, et en
Afghanistan, entre 2002 et 2014 (5).
Quelques obstacles toujours à surmonter
Par contre, la
Macédoine n'est toujours pas membre de l'
OTAN. À première vue, c'est en raison de deux facteurs : un conflit de nom avec la
Grèce et l'instabilité politique interne.
Le nom de la
Macédoine est depuis l'indépendance du pays un sujet de dispute entre Athènes et Skopje. En effet, la
Grèce s'oppose à ce que son voisin intègre l'
OTAN sous ce nom, puisqu'une région au nord de son territoire a la même dénomination (6). Par contre, la dispute va plus loin que la simple question du nom : la
Grèce craint surtout qu'une revendication territoriale soit faite par la
Macédoine concernant ce territoire spécifique qu'elle détient. Donc, elle continue de s'opposer à ce que son voisin rejoigne l'Alliance.
De plus, faut-il le rappeler, tout membre de l'organisation détient un droit de veto concernant l'adhésion d'un éventuel nouveau membre (7). Alors, la
Grèce bloque du même coup tout le processus. Pourtant, la Cour internationale de justice a récemment estimé qu'en faisant cela, Athènes ne se conforme pas à ses obligations (8). Le tribunal appuie son jugement sur un accord survenu entre les deux pays en 1995. Dans cette entente, la
Grèce s'engageait à ne pas opposer son veto à l'adhésion de la
Macédoine à l'
OTAN, à condition qu'elle porte le nom d'Ancienne
République yougoslave de
Macédoine (ARYM). C'est ce que la
Macédoine a fait, mais la
Grèce refuse tout de même d'appuyer son adhésion.
Plus récemment, l'instabilité
démocratique en
Macédoine semble être un autre élément qui joue en défaveur du pays en ce qui concerne son intégration à l'
OTAN. En décembre 2016, Nikola Gruevski et son parti, au pouvoir depuis 2006, ont remporté le plus de sièges aux élections législatives avec 51, sans toutefois parvenir à former un
gouvernement de coalition qui nécessite une majorité absolue de 61 sièges (9). C'est plutôt l'opposition qui y est parvenue. Par contre, depuis fin février 2017, le
président actuel de la république, Gjorge Ivanov, refuse de reconnaître et de céder le pouvoir au
gouvernement formé par l'opposition (10).
Face à cette situation, l'
OTAN presse le
président de respecter la
Constitution du pays et d'autoriser la transition du pouvoir. Malgré cela, ce dernier refuse toujours. Ainsi, il va sans dire que les bonnes relations entre l'organisation et la
Macédoine sont mises à l'épreuve en ce début d'année 2017. Il est clair que l'
OTAN n'apprécie pas d'avoir un membre peu respectueux de la
démocratie et ayant un fort taux de corruption dans ses rangs. Donc, la situation politique actuelle à Skopje mine les chances de la
Macédoine d'adhérer à l'organisation.
Lutte d'influence entre l'OTAN et la Russie
Au cours de la Guerre froide et même aujourd'hui après la chute de l'
URSS, la région des Balkans continue d'être une région stratégique aucentre d'une lutte d'influence entre l'Occident et la
Russie. En effet, cette région est située à un emplacement clé, en plein entre l'Ouest et l'Est, et disposant d'un accès à la mer Méditerranée. Ainsi, les deux blocs ont toujours tenté de se l'approprier afin de pouvoir bénéficier de ses nombreux avantages et d'affirmer leur puissance.
Face à cette situation, la
Macédoine adopte une position ambiguë. En effet, officiellement, elle continue de vouloir se tourner vers l'
OTAN et l'Union européenne. C'est d'ailleurs avec une telle promesse que le
gouvernement actuel de Gruevski a été élu pour la première fois en 2006 (11). Par contre, dans les faits, le pays se montre de plus en plus ouvert à la
Russie. Ce virage s'est amorcé en décembre 2014, alors que la
Chine et la
Russie ont annoncé deux mégaprojets d'investissement économique dans la région, notamment connus sous le nom de la « Route de la soie des Balkans » (12). À ce moment, il est évident que le
gouvernement macédonien a pris conscience des énormes retombées économiques que ces projets pourraient avoir sur son territoire. Donc, il les a acceptés et s'est du même coup rapproché de manière importante de la
Russie.
Il n'y a donc pas que l'opposition de la
Grèce et l'instabilité politique interne qui expliquent que la
Macédoine n'est toujours pas membre de l'
OTAN, après plus de 20 ans de démarches. En effet, la position de l'actuel
gouvernement de Gruevski par rapport à la
Russie est un autre facteur qui joue en défaveur de cette adhésion, alors que plusieurs analystes n'hésitent plus à qualifier le
gouvernement macédonien de « prorusse » (13).
Ainsi, deux questions se posent. D'abord, si la situation politique interne demeure inchangée en
Macédoine au cours des prochaines années, le pays continuera-t-il toujours d'affirmer son désir de devenir membre de l'
OTAN? Si oui, avec les récents évènements, la
Macédoine a-t-elle alors mis une fin définitive à ses chances de l'être un jour?