Le
Sénat américain a confirmé, le 17 février 2017, la nomination de Scott Pruitt à la tête de l'Agence de protection de l'environnement (EPA). Cet ancien procureur général de l'État de l'Oklahoma, aux
États-Unis, est connu pour ses liens très étroits avec le secteur des énergies fossiles et pour ses tendances climatosceptiques.
Paradoxes inquiétants
La nomination de Scott Pruitt a été saluée par le secteur de l'énergie et a reçu l'appui sans faille des républicains, par 52 voix contre 46(1). Elle a cependant provoqué l'inquiétude des élus démocrates et de vives critiques de la part de nombreux scientifiques et anciens employés de l'EPA(2).
La participation de Pruitt à plus d'une douzaine de batailles judiciaires contre l'EPA, aux côtés d'industriels et de lobbyistes pro-énergies fossiles, est notamment à la source de ces inquiétudes(3). Il s'est entre autres battu contre le «Clean Power Plan» de l'ex-
président Barack Obama, qui imposait aux centrales électriques des réductions de leurs émissions de CO2(4). Il a aussi plaidé contre les mesures de réduction des émissions de mercure pour les centrales au charbon, contre la limitation des émissions d'ozone et contre la réglementation mise en place pour réduire les émissions de méthane de l'industrie pétrolière et gazière(5).
Faisant fi du principe de précaution, Pruitt a également contredit les conclusions de l'EPA sur les gaz à effet de serre(6). Selon lui, il y a absence de certitude scientifique sur l'existence d'un lien entre les changements climatiques et les activités humaines(7). Les démocrates et les scientifiques s'attendent donc à ce qu'il impose la direction souhaitée par le
président américain Donald Trump en restreignant substantiellement les lois environnementales, notamment celles portant sur la lutte contre les changements climatiques(8).
Les intérêts des industries pétrolière, gazière et du charbon risquent également d'être favorisés avec Pruitt à la tête de l'EPA, puisque celui-ci milite en ce sens et à contre-courant des directives de l'EPA depuis plusieurs années. À cet effet, des milliers de courriels échangés avec des représentants de ces industries ont récemment démontré que le nouveau secrétaire de l'EPA aurait un parti pris en leur faveur(9).
Il n'est donc pas étonnant qu'une lettre, publiée en février 2017, ait été signée par plus de 800 anciens membres de l'EPA s'opposant à cette nomination(10).
Un sauvetage réussi
Suivant les rumeurs de la potentielle suppression des données scientifiques environnementales par la nouvelle administration Trump, des groupes de pirates informatiques ont décidé de récolter et d'archiver les données issues des sites officiels américains, le jour de l'assermentation du
président élu(11).
Ce sauvetage de données a rassemblé, le 20 janvier 2017, une soixantaine de programmeurs et archivistes dans le département d'études de l'information de l'Université de la Californie à Los Angeles(12). Ceux-ci ont travaillé sans relâche pour télécharger autant de données
fédérales sur le climat et l'environnement que possible avant que Trump n'entre en fonction. Ils ont réussi à récupérer des centaines de milliers de pages de EPA.gov, NASA.gov, DOE.gov et whitehouse.gov(14), avant la disparition, la même journée, de celles liées aux changements climatiques sur whitehouse.gov(15).
Une compagnie canadienne d'archivage de données, Page Freezer, s'est jointe aux efforts des activistes en proposant d'archiver gratuitement sur ses serveurs européens une copie de l'ensemble des données récupérées(16). Ces données serviront éventuellement de références plus fiables par rapport aux informations
fédérales potentiellement erronées qui seront publiées sur les sites
gouvernementaux américains(17).
Une bonne chose puisque, quatre jours plus tard, soit le 24 janvier 2017, l'administration Trump mettait en péril des années de travail en donnant des instructions à l'équipe de communication de l'EPA pour que soit retirée de son site Internet la partie consacrée aux changements climatiques(18). Cette partie contenait notamment des liens vers des recherches scientifiques sur le réchauffement climatique, des données détaillées sur les émissions de gaz à effet de serre et le plan d'action pour le climat mis en place par l'administration Obama(19).
Grâce à l'effort concerté des programmeurs et archivistes, ces données n'ont pas été perdues. Toute tentative de distorsion de l'information par l'administration Trump ou par le nouveau secrétaire de l'EPA pourra donc être exposée au monde entier, en particulier aux citoyens américains, qui les auront assurément à l'oeil.