En Afrique, un des produits grandement utilisés pour le commerce est l'ivoire. L'ivoire est décrit comme une substance « osseuse, particulièrement dure, qui constitue les dents (ou défenses) de l'éléphants et de quelques autres animaux [...] (1) ». D'autre part, ce commerce met les éléphants en voie d'extinction. Ce constat fut fait lors du Congrès mondial de la nature qui s'est tenu à Hawaï en septembre 2016. À titre d'exemple, entre 2007 et 2014, le nombre d'éléphants a chuté de 30 % et «ce déclin s'accélère, pour atteindre désormais un taux de 8 % par an (2). »
Une mobilisation mondiale
Face à cette situation, la position de la communauté internationale est presque unanime. C'est lors du dernier Congrès mondial de la nature, qui a été organisé par l'Union internationale pour la conservation de la nature, que les responsables
gouvernementaux présents sur place ont déclaré qu'il fallait stopper le commerce de l'ivoire, dans tous les marchés domestiques. Cette décision a été rendue publique dans un texte qui « exhorte les
gouvernements des pays concernés par le commerce national d'ivoire à prendre toutes les mesures législatives et réglementaires pour l'arrêter (3) ». À ce sujet, la
Chine et les
États-Unis, malgré le fait qu'ils fassent partie des plus gros consommateurs d'ivoire, se sont prononcés pour l'interdiction. Par contre, le
Japon et la
Namibie, chez qui le marché de l'ivoire intérieur est en pleine expansion, ont déposé plusieurs amendements dans le but de ne pas l'interdire entièrement, mais sans succès (4).
Une discussion internationale sur le sujet était nécessaire. Ce qui explique l'existence de la
Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES), un accord international entre États qui a « pour but de veiller à ce que le commerce international des spécimens d'animaux et de plantes sauvages ne menace pas la survie des espèces auxquelles ils appartiennent (5) ». Celui-ci avait interdit en 1989 le commerce de l'ivoire d'éléphant sur le continent africain. Malgré cela, le braconnage est toujours très élevé, particulièrement au
Mozambique, en
Angola et en
Tanzanie. Au
Congo, en
Zambie et au
Cameroun, c'est le risque d'extinction locale complète (6).
La décision a été officialisée lors de la conférence de la CITES, toujours en septembre 2016, qui s'est tenue en
Afrique du Sud, à Johannesburg (7). C'est lors de cette conférence que les délégués présents ont officiellement refusé la reprise du commerce de l'ivoire demandée par le
Zimbabwe et la
Namibie. Ces pays souhaitaient pouvoir continuer à exporter leur ivoire, tout en veillant à sauvegarder les éléphants. Toutefois, la fermeture de tous les marchés intérieurs d'ivoire peut permettre d'aider à la lutte au braconnage. Il faut toutefois noter que la résolution de la CITES n'est pas considérée comme juridiquement contraignante. Autrement dit, les pays ne sont pas obligés de s'y plier. Mais il faut bien sûr prendre en compte l'opinion de la communauté internationale et l'importance des relations avec les autres pays (8).
En Afrique plus précisément, les avis sur la question des moyens de lutte contre le braconnage et sur celle du commerce de l'ivoire en général divergent. Bien que le commerce soit techniquement interdit depuis 1989, certains pays ont obtenu une autorisation exceptionnelle de vendre leurs stocks d'ivoire à l'Asie en 1997 et en 2000, soit la
Namibie, le
Zimbabwe, l'
Afrique du Sud et le
Botswana. Ce sont surtout les pays du centre et de l'est du continent qui ont perdu la très grande majorité de leur population d'éléphants. Or, malgré le fait que le
Botswana abrite le plus grand nombre d'éléphants du continent, Tshekedi Kharma, le ministre de la Vie sauvage, a déclaré que dans « le passé, nous avons toujours soutenu des ventes occasionnelles d'ivoire, mais c'est fini car cela ne fait en réalité qu'alimenter la demande (9) ».
C'est davantage les pays se situant dans le sud du continent africain qui désirent continuer à commercialiser l'ivoire. Tel que l'a déclaré Oppah Muchinguri, la ministre de l'Environnement du
Zimbabwe, « [c]hez nous, il y a beaucoup d'éléphants, et c'est une décision injuste, car nous avons besoin de l'argent de la vente pour financer la protection des animaux et aider nos communautés locales (10) ». Celle-ci a également dénoncé ce qu'elle considère de l'influence occidentale : les «
ONG des pays riches n'ont pas à nous dire ce que nous devons faire avec nos éléphants, et si le
Kenya ou d'autres pays africains veulent qu'on leur montre comment mieux protéger les leurs, on le fera avec plaisir (11) ! »
Un trafic illégal problématique
Malgré la réglementation internationale en vigueur, il reste toujours le problème du trafic illégal d'ivoire, trafic qui est par ailleurs florissant. Selon une étude de l'université de Washington, présentée lors de la conférence annuelle de l'American Association for the Advancement of Science (AAAS), ce trafic est concentré géographiquement sur deux régions du continent. Il s'agit d'une zone normalement protégée se situant entre le
Congo, le
Cameroun et le
Gabon, ainsi qu'en Afrique de l'Est. Il s'agit de plus d'un trafic très réglementé, contrôlé par quelques barons seulement (12).
L'Asie y joue par ailleurs un rôle, encouragée par le fait d'avoir pu se procurer près de 108 tonnes d'ivoire lors de l'autorisation qui avait été fournie en 1997 et 2000. Qui plus est, selon la directrice pour la
France et l'Afrique francophone du Fonds international pour la protection des animaux (IFAW), nous assistons à « l'émergence d'une classe moyenne de Chinois dotés d'un fort pouvoir d'achat [et cela] a entraîné la mise en place de réseaux criminels d'exportation d'ivoire, dont la
Chine est le principal débouché (13) ». L'Afrique n'arrive pas à freiner le phénomène (14). La Coalition pour l'éléphant d'Afrique, qui regroupe une trentaine de pays africains, a également dénoncé la position de la Commission européenne. Cette position consiste à assouplir l'embargo mondial sur le trafic d'ivoire. La Coalition y voit une contradiction entre le désir de se montrer intransigeante envers les trafiquants tout en permettant des exemptions pour certains pays (15).
Ainsi, malgré des réglementations, la question du commerce d'ivoire est encore loin d'être réglée. Et si des mesures ne sont pas prises rapidement, l'extinction des éléphants pourrait devenir réalité, selon les conclusions du plus récent Congrès mondial de la nature (16).