Le Triangle du Nord est un nom communément employé afin de désigner la région centraméricaine composée du
Honduras, du
Guatemala ainsi que du
Salvador. Au cours des dernières années, le Triangle du Nord s'est tristement distingué dans les médias, tout particulièrement en Amérique, alors que cette région se trouve actuellement aux prises avec une grave crise migratoire.
Ce mouvement de population de masse est justifié par le fait que le Triangle du Nord est actuellement considéré comme l'un des lieux les plus dangereux de la planète, affichant un taux de mortalité lié à la violence comparable ou supérieur à de nombreuses zones de conflits (1).
Violence, corruption et pauvreté : ingrédients d'une crise migratoire majeure
Aux yeux des analystes, il ne fait aucun doute : la violence extrême régnant dans le Triangle du Nord depuis plusieurs décennies est la cause principale de la crise et donc le moteur principal du déplacement de population en cours (2). Au sein des pays concernés, les enlèvements, les échanges de feu entres gangs divers ainsi que les meurtres sont monnaie courante (3). Cette situation est toutefois des plus inquiétantes, alors que l'appareil judiciaire de ces petits États ne dispose pas des moyens nécessaires afin de combattre ces problèmes (4).
De nombreux organismes internationaux dénoncent également la situation déplorable des femmes au sein des pays du Triangle du Nord. En effet, en 2012, le
Salvador affichait le plus haut taux de meurtre chez les femmes au monde, suivi du
Honduras en 2e place et du
Guatemala en 4e place (5).
Un second élément central de la crise du Triangle du Nord est la corruption endémique régnant actuellement au sein des trois États en question. En effet, deux anciens
présidents du
Salvador sont actuellement sous enquête pour avoir volé des fonds publics, alors que dans les cas du
Honduras et du
Guatemala ce sont leurs
présidents actuels qui sont la cible d'accusations de corruption (6). De nombreux citoyens préfèrent ainsi quitter leur pays, plutôt que de risquer leur vie dans un État où l'application de la loi est devenue l'exception plutôt que la norme (7).
Il est également important de mentionner la situation financière des plus graves touchant actuellement le Triangle du Nord. En effet, la pauvreté immense et l'absence de perspectives de développement significatives contribuent à affaiblir ces États qui sont déjà parmi les plus démunis en Amérique (8). Cette absence de perspectives économiques pousse également les habitants à fuir leur pays, non seulement dans le but de sauver leur vie et celle de leurs proches, mais également en quête de meilleures perspectives d'emploi et de développement (9).
La crise affectant le Triangle du Nord a également un impact non négligeable sur les pays à proximité. Le cas le plus intéressant demeure toutefois celui des
États-Unis, chez qui l'arrivée de nombreux migrants en provenance des trois pays concernés par la crise actuelle a suscité un fort débat, ainsi qu'un haut degré d'attention médiatique et
gouvernemental (10).
Les États-Unis : une clé dans la résolution de la crise
Alors que la crise affectant le Triangle du Nord atteint actuellement la frontière américaine, l'intérêt des
États-Unis pour cette situation s'est accru de façon significative (11). Toutefois, malgré l'intérêt renouvelé des
États-Unis pour cette région, pour de nombreux analystes c'est ce pays lui-même qui, à cause de sa politique étrangère au cours de la
guerre froide, a créé les fondements de la crise actuelle (12).
En effet, les
États-Unis ont une histoire riche en
interventionnisme dans la région de l'Amérique centrale. Ainsi, plusieurs exemples sont fréquemment cités par les analystes afin de démontrer en quoi l'action américaine au sein du Triangle du Nord a gravement déstabilisé cette région pour les décennies suivantes.
Le premier de ces exemples est l'appui financier et logistique offert par les
États-Unis au
gouvernement militaire du
Salvador, opposé à une guérilla de gauche entre 1979 et 1992 (13). Un second exemple est celui de l'appui américain au groupe des « Contras », une guérilla de droite ayant combattu au
Nicaragua, mais ayant établi ses bases d'opération au
Honduras, facteur déstabilisant et source de violence pour la région (14). Un troisième et dernier exemple fut le renversement du
président de gauche Jacobo Arbenz au
Guatemala, et le remplacement de celui-ci par un
gouvernement militaire, action qui mènerait ultimement au déclenchement d'une
guerre civile qui prit place entre 1960 et 1996 (15).
Le résultat de ces actions fut un affaiblissement majeur des institutions
gouvernementales des pays affectés ainsi que l'instauration d'un climat de violence et de corruption qui reste présent jusqu'à aujourd'hui. Il est dû en majeure partie à l'absence de réelles perspectives d'emploi, ainsi qu'à la facilité d'accès à des armes à feu (16).
Pour certains experts toutefois, il est faux et injuste d'attribuer l'ensemble des problèmes du Triangle du Nord à l'action américaine dans cette région. Pour ces analystes, l'intervention américaine s'inscrit comme un facteur déterminant, mais non pas unique comme certains semblent l'indiquer (17). Certains des facteurs autres, cités par ces analystes, sont la situation géographique de ces pays par rapport au commerce de la cocaïne vers les
États-Unis, ainsi que l'effondrement du marché du café, un domaine de production central à l'économie des trois pays du Triangle du Nord (18).
Malgré l'absence de consensus sur l'ampleur du rôle joué par les
États-Unis dans la mise en place de la crise actuelle, un point semble toutefois faire l'unanimité chez les analystes : une action américaine déterminante dans la région du Triangle du Nord pourrait constituer l'une des meilleures pistes de résolution à la crise actuelle.
En effet, plutôt que de voir les
États-Unis concentrer leurs efforts sur leur propre frontière, comme ils le font actuellement (19), les analystes suggèrent qu'ils s'investissent au développement de la région du Triangle du Nord. Cette région pourrait grandement bénéficier d'une action américaine cohérente. Un partenariat judiciaire, par exemple, pourrait se manifester par un support dans le processus d'instauration de réformes clés ayant pour objectif de rétablir la confiance dans les institutions et le système judiciaire de ces pays (20).
Un second domaine pour lequel une intervention américaine pourrait se montrer des plus déterminantes est celui de l'économie. Il est estimé par de nombreux analystes qu'un réinvestissement de capitaux étrangers dans l'économie des pays du Triangle du Nord serait en mesure de leur offrir de nouvelles perspectives de développement (21). À terme, ce développement économique permettrait le retour de la sécurité d'emploi et une baisse du crime organisé, ce qui encouragerait les habitants des pays touchés par la crise migratoire à demeurer chez eux, mettant ainsi fin à la vague actuelle (22).
Ainsi, comme l'indique un consensus chez les analystes, les
États-Unis pourraient détenir la clé nécessaire afin de mettre fin à la crise en question. L'administration américaine actuelle semble toutefois plus préoccupée par les effets de la crise sur sa frontière sud plutôt que par les causes à la source de celle-ci. Il semble donc peu probable qu'une action américaine déterminante et positive soit mise en place au sein du Triangle du Nord au cours des prochaines années.