Le 4 octobre dernier, cinq grandes
fédérations syndicales ont décrété une journée pour la défense des salaires et de l'emploi, partout en
France, en réponse aux politiques du
gouvernement que dirige Dominique de Villepin. Plusieurs secteurs des services publics et privés ont été perturbés par la mobilisation des syndiqués qui ont participé à plus de 150 manifestations dans 74 villes. Il est difficile de connaître le nombre exact de manifestants puisque les données des policiers et des
syndicats se contredisent. Ce chiffre s'élèverait à 1 147 290 selon les
syndicats, ce qui serait un record, mais les policiers affirment qu'il ne dépasserait pas 470 000. Les transports en commun, les aéroports, les écoles et la poste font partie des services publics touchés par cette grève. Forts de ce succès, les responsables syndicaux veulent continuer d'accentuer la pression sur le
gouvernement en affirmant qu'il ne s'agit que d'un début.
La
France assiste à la naissance d'une exaspération généralisée dans tous les secteurs de l'emploi. La présence des salariés du secteur privé lors de ces manifestations démontre cette exaspération puisque contrairement à leurs collègues du public, ils sont peu habitués à ce genre de mobilisation. Les salariés de l'agroalimentaire, de la métallurgie et de certaines entreprises déjà opposés à des plans de réductions d'effectifs, de fermetures ou de délocalisations ont été les principaux représentants du secteur privé lors de cette journée. Les
syndicats se sont dits très satisfaits de leur participation, qui a été supérieure à celle d'une autre manifestation qui a eu lieu le 10 mars dernier.
Avec cette journée d'action nationale, les
syndicats entendaient dénoncer la politique du
gouvernement de Villepin, caractérisée selon eux par une « fuite en avant libérale (3) ». Les
syndicats n'acceptent toujours pas l'institution du « contrat nouvelle embauche » qui donne le droit à un employeur de renvoyer un employé pendant deux ans sans motif. Selon le
gouvernement, cette mesure a pour objectif de relancer l'emploi en donnant plus de flexibilité aux entreprises privées, mais les
syndicats la dénoncent comme une atteinte aux droits sociaux en augmentant la précarité des emplois. En plus de l'abolition de cette loi, les
syndicats attendent un déblocage des
négociations salariales dans les secteurs public et privé, ainsi que des réponses précises aux inquiétudes des Français concernant leur propre pouvoir d'achat.
Le pouvoir d'achat des Français est un enjeu central pour l'avenir économique du pays. La nouvelle
présidente du MEDEF, le Mouvement des Entreprises de
France, Laurence Parisot, est ouverte à l'idée d'augmenter les salaires pour stabiliser le pouvoir d'achat, mais selon elle, les patrons n'en n'ont pas les moyens. Ces derniers affirment que les carnets de commande de leurs entreprises sont de plus en plus minces et que la croissance économique stagne malgré les prévisions optimistes du ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie, Thierry Breton. Laurence Parisot s'en prend aussi au
gouvernement français qui ne voudrait pas laisser sa chance à un véritable
libéralisme économique. Pour leur part, les
syndicats attribuent ces discours à l'hypocrisie habituelle des grandes sociétés qui font d'importants bénéfices mais refusent de tenir compte des attentes salariales de leurs employés, en plus de procéder à des licenciements au nom de la productivité.
Selon les sondages, les Français sont de plus en plus inquiets autant du côté de l'emploi que des salaires. Seulement 21% des sondés se disent « plus confiants » concernant l'avenir économique en
France alors que 75% se disent « moins confiant ». Une question sur l'avenir de la situation de l'emploi en
France donne les mêmes résultats. Malgré la mine basse de la population, le
Premier ministre Dominique de Villepin se dit attentif à ses demandes : « J'écoute le message que nous adressent les Français (?) J'entends l'impatience et parfois le découragement de certains de nos compatriotes (2) ». Il ajoute que ces manifestations sont un message lancé à toute la classe politique, tentant ainsi de diviser la faute pour mieux la gérer. Mais de Villepin sait qu'il n'a pas droit à l'erreur s'il souhaite un jour sortir de l'ombre de son ministre de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy, l'homme le plus populaire de son
gouvernement auprès de la population.