C'est pour promouvoir une vision ambitieuse du développement de l'Amérique latine que le
président brésilien, Luiz Inacio Lula da Silva, a débuté, le 6 août 2007, une tournée d'une semaine à travers cinq pays. «Nous pourrions construire au XXIe siècle les alliances que nous n'avons pas été capables de construire au XXe siècle» a notamment déclaré Da Silva lors de son passage au
Mexique (1).
Accords sur les biocarburants
Au cours de sa tournée, Da Silva a proposé au
Mexique, au
Honduras, au
Nicaragua, à
Panama et à la
Jamaïque des accords de coopération dans le domaine de la production d'éthanol, un biocarburant considéré comme une alternative au pétrole qui nécessite de grandes surfaces cultivables (2).
Mais c'est surtout avec le
Mexique que le
président brésilien a tenté un rapprochement. Considérant l'
Accord de
libre-échange nord-américain (Aléna) comme un obstacle à l'intégration du
Mexique dans le marché sud-américain, Da Silva a mis sur la table son projet de création d'un marché mondial des biocarburants ainsi que d'autres projets visant à rapprocher les deux économies : « Ensemble, nous pouvons bâtir une puissance économique mondiale (3) », a suggéré Da Silva à son homologue mexicain Felipe Calderon. Même si le rapprochement est considéré comme « symbolique (4)», la rencontre semble avoir mis fin à des années d'éloignement entre les deux principales puissances de l'Amérique latine.
Leadership et rivalité idéologique
La promotion des biocarburants à travers l'Amérique latine pourrait avoir une raison bien simple : malgré ses ressources abondantes, certains spécialistes évaluent que le
Brésil pourrait être en pénurie d'énergie d'ici quelques années (5). Ainsi, il aurait avantage à se tourner vers l'éthanol et à élargir sa production dans les pays avoisinants pour faire face à un éventuel déficit énergétique. Cette orientation vers les biocarburants semble d'ailleurs plaire aux
États-Unis, puisque le
président américain George W.
Bush a signé plusieurs accords en ce sens avec le
Brésil au début du mois de mars 2007 (6).
Da Silva est aussi motivé par des objectifs de développement économique et de rayonnement régional et international pour le
Brésil. Étant déjà sur le « strapontin du G8 (7) », une collaboration dans les biocombustibles avec les pays d'Amérique latine lui permettrait d'élargir son influence et de revendiquer sa place parmi les grandes puissances mondiales. Sans compter que cette position faciliterait sa prétention à un siège permanant au Conseil de Sécurité des Nations unies.
Le
président brésilien a cependant dû rivaliser avec une voix concurrente qui proposait une vision différente de l'avenir de l'Amérique latine. En effet, au même moment où il mettait de l'avant une intégration économique du continent basée sur le développement des biocarburants, le
président vénézuélien socialiste Hugo
Chavez faisait une tournée parallèle avec pour objectif de proposer sa propre vision du développement, basée sur la sécurité énergétique et les hydrocarbures (8). Plusieurs experts y ont vu un véritable affrontement diplomatique au cours duquel les deux dirigeants les plus charismatiques d'Amérique latine ont voulu s'imposer comme leader aux yeux des plus petits pays (9).
Bref, face à la montée des économies telles que la
Chine et l'
Inde et face à la flambée des prix du pétrole, la tournée de Da Silva a posé les balises d'une coopération qui pourrait bénéficier à l'ensemble de l'Amérique latine et surtout au
Brésil. Reste à savoir si
Chavez ne sera pas une entrave importante à la réalisation d'une intégration harmonieuse.