L'argent est le « nerf de la guerre » en politique. Le Chicago Sun Times écrivait en 2003 : « Vous voulez savoir comment votera un sénateur [...] ? Alors suivez l'argent »(1). Cette situation est particulièrement vraie lorsqu'il s'agit de campagnes
présidentielles américaines. Le territoire est énorme, les publicités gigantesques et elles demandent un budget en conséquence. La capacité à recueillir des dons est souvent un des facteurs influençant l'issue de l'élection. Il est alors important de suivre d'où vient cette argent, et où elle va pour mieux comprendre son impact dans la vie politique américaine.
Le peuple au pouvoir ?
Avant 2002, les trois quarts des sommes dépensées au cours des campagnes étaient d'origine privée. La loi limitait à 1000 dollars les dons des particuliers alors que les corporations, et autres personnes morales, pouvaient investir selon leurs désirs. C'est pourquoi le Congrès américain votait, en 2002, une loi qui limitait le financement des partis politiques : « Cette loi autorise les dons de particuliers aux appareils politiques jusqu'à 2000 dollars, mais prohibe désormais purement et simplement les contributions directes des entreprises, groupes de pression et
syndicats »(2). Les primaires et les élections
présidentielles étant considérées comme distinctes, une même personne peut donc donner 4000 dollars en une même année
présidentielle pour un même candidat (3).
Si cette loi semble un rêve sur papier, l'élection de 2004 en a désenchanté plus d'un. Loin d'êtres limitées, les entreprises privées ont utilisé des moyens détournés pour influencer l'issue du vote. Plusieurs entreprises ont donné par le biais de leurs employés. Par exemple, 40 employés de la Maryland Bank National Association ont donné le montant maximal de 2000 dollars à la campagne de George W.
Bush selon le site Public Integrity (4). D'autres entreprises ont plutôt décidé de s'investir directement en politique en finançant des campagnes publicitaires parallèles, soit anti-
Bush (comme Move-On), soit anti-Kerry (comme Swiftboat Veterans for Truth). En vertu du règlement no 527 de la loi électorale, les individus ou les organismes peuvent tenter d'influencer certains sujets chauds de la campagne, dans la mesure où ils ne tentent pas directement d'influencer les actions de l'électorat en l'orientant vers l'un ou l'autre des candidats (5).
Le coût de la présidence
En 2004, le comité
Bush-Cheney avait recueilli 269,6 millions de dollars alors que le sénateur John Kerry avait accumulé 234,6 millions de dollars grâce à des contributions d'individus (6). Si l'on ajoute à ces sommes les quelques 450 millions investis par les divers groupes de pressions 527 (7) (du règlement du même nombre), le financement de la campagne
présidentielle de 2004 a donc atteint près d'un milliard de dollars.
Les immenses sommes d'argent amassées en 2004 ont été utilisées d'une manière très stratégique par les deux partis. La grande majorité des dépenses furent utilisées pour la diffusion de messages publicitaires, principalement télévisuels, tout au long de la campagne(8).
Les publicités électorales sont surtouts utilisées dans des États cibles. Forts de leur nombre de grands électeurs, ces États sont courtisés par les divers candidats à la présidence. Entre octobre et novembre 2004 « près des deux tiers des dépenses publicitaires se [concentraient] en Floride, en Pennsylvanie et en Ohio » (9), les principaux États pivots.
Ces dépenses publicitaires ne datent pas d'hier. Dans son livre Packaging the Presidency, Kathleen Hall Jamieson relate l'histoire du phénomène des affiches au début du siècle, puis de la télévision dans les années 1940 lors de chaque élection
présidentielle (10). Dernièrement, le développement d'Internet a poussé les stratégies publicitaires et leurs coûts vers de nouveaux sommets.
Investir dans 2008
Si la campagne
présidentielle de 2004 fut la plus financée de l'histoire américaine, plusieurs s'attendent à ce que celle de 2008 soit plus coûteuse encore. Selon le magazine français L'expansion : « l'élection
présidentielle 2008 risque d'être une des plus chère [sic] de l'histoire américaine » (11). Selon des stratèges des deux parties, l'élection pourrait couter jusqu'à 500 millions par parti, soit le double de la campagne de 2004 (12). Les candidats doivent mettre la machine électorale en marche. Du côté démocrate, c'est déjà le branle-bas de combat. Les deux principaux candidats espèrent avoir accumulé 75 millions à la fin de 2007.
Pour Hillary Clinton, la course est déjà bien partie : elle avait déjà en banque 14 millions de sa campagne sénatoriale (13). À titre comparatif, le sénateur John Kerry avait recueilli $7.5 millions en avril 2003, ce qui démontre l'avance d'Hillary dans la campagne. Forte des campagnes de financement, elle avait réussi à accumuler 45 millions de dollars grâce à la générosité de 250 000 donateurs pendant les législatives de 2006 (15).
John Edwards, l'ancien candidat à la vice-présidence, travaille pour sa part au sein de son réseau de contact, formé principalement d'avocats, sa profession initiale. Son objectif pour 2008 reste de se former une équipe solide de collecteurs de dons (16).
De son côté, le sénateur Barack Obama accuse un retard, puisque le sénateur n'avait réussi qu'à obtenir 756 000 dollars à la fin de janvier 2007. D'un autre côté l'industrie cinématographique hollywoodienne semble déjà pencher pour Obama, avec des appuis de Steven Spielberg, David Geffen et Jeffrey Katzenberg, de la société de production DreamWorks (17). D'ailleurs, « l'acteur-réalisateur militant George Clooney l'appelle son ami et ne jure que par lui (18). »
Si l'appui de l'industrie cinématographique est à ce point important pour Obama, c'est qu'elle est l'une des principales bases de financement du Parti démocrate. En 2000, plus de 38 millions ont été déboursés par l'industrie du cinéma, de la télévision et du disque. De cette somme, 64% ont été aux démocrates en 2000, et 69% en 2004. Si les acteurs ne peuvent pas dépenser plus que les 2000 dollars permis, ils peuvent cependant organiser des banquets et des réceptions pour les donateurs de leurs candidats (20).
Malgré les montants inimaginables d'argent recueillis et dépensés pendant les campagnes électorales, il faut cependant tenir compte plusieurs facteurs spécifiques aux
États-Unis. Les divers candidats ont 50 États à visiter, 9 millions de km² à couvrir, mais surtout près de 300 millions de personnes à convaincre (21). Si les budgets dépassent ceux de tous les autres pays, ils ne représentent qu'environ 2 à 3 dollars par individus, ce qui, pour faire vivre l'intérêt
démocratique, semble tout de même peu.