Le
Maroc vient de connaître ses deuxièmes élections législatives depuis la montée sur le trône de Mohamed VI comme souverain, en 1999. Le
Maroc est une
monarchie constitutionnelle et le système électoral est la proportionnelle à un tour. Plus de 15 millions d'électeurs devaient choisir 295 députés dans 95 circonscriptions et 30 députés sur une liste nationale séparée afin d'assurer un quota aux femmes.
La surprise
Ces élections, les plus médiatisées de l'histoire du
royaume, ont été suivies par des centaines de journalistes européens, américains et asiatiques, sans parler des
observateurs étrangers et locaux. Trente-trois formations politiques étaient en lice, mais la lutte se concentrait entre quatre formations, à savoir le Parti de la justice et du développement(PJD), le Parti nationaliste (l'Istiqlal), le mouvement populaire (MP), et le Parti socialiste (l'USFP). Les experts et les sondages prédisaient un raz-de-marée du PJD, le Parti islamiste modéré.
La surprise est donc totale pour le PJD, qui affichait de grandes ambitions. Il termine deuxième avec 46 sièges. C'est plutôt le Parti
conservateur de l'Istiqlal qui finit premier avec 52 sièges, se trouvant ainsi en position de former le nouveau
gouvernement. Enfin, l'autre surprise est la débâcle du Parti socialiste, grand perdant des élections avec 36 députés, contre 50 il y a cinq ans.
Ces élections ont été saluées par plusieurs pays. D'ailleurs, les
observateurs internationaux sur place ont estimé que le vote avait été marqué par « la transparence et le professionnalisme » (1). Le
Maroc peut donc être fier de réussir cet exercice
démocratique dans une région où les peuples sont rarement consultés afin d'élire leurs représentants. Un autre aspect positif est le quota réservé aux femmes afin d'assurer une certaine présence féminine au Parlement. En tant que pays musulman, le
Maroc fait donc des progrès
démocratiques non négligeables.
Le désenchantement
En revanche, ces élections législatives ont été marquées par le taux le plus bas de l'histoire du
royaume. En effet, le taux de participation a à peine dépassé les 41% selon le ministère de l'Intérieur (2). Il s'agit d'une abstention record qui pourrait faire ombrage aux progrès
démocratiques. Toujours selon le ministère, seulement deux inscrits sur cinq se sont déplacés pour voter. À titre de comparaison, lors des législatives de 2002, le taux de participation était de 52%. Même la représentativité des femmes a diminué, passant de 35 élues en 2002 à 34 pour cette année.
Les trois thèmes majeurs de la campagne ont été le chômage toujours grandissant, la corruption et enfin la pauvreté qui touche une large part de la population malgré les réformes sociales du roi. Mais c'est le taux de participation qui a été au coeur des préoccupations.
Pour la plupart des gens interrogés sur la rue : « les enjeux et les partis se ressemblent»(3). Selon le politicologue Mohamed Darif : « beaucoup de
Marocains considèrent le Parlement comme une simple chambre d'enregistrement»(4). Pour sa part, Tamara Cofman Wittes, membre du centre de réflexion américain Saban pour le Proche-Orient, affirme que : « l'abstention reflète les interrogations des
Marocains sur l'efficacité du
parlement et pose un grave dilemme au roi»(5). En effet, le roi détient des pouvoirs énormes sur les institutions du pays en tant que chef de l'exécutif, des armées et dirigeant religieux. Aussi, les
Marocains ont l'impression que peu importe leur choix, seul le roi a le dernier mot.
L'avenir
Désormais, c'est au roi Mohamed VI de désigner le futur
premier ministre comme lui autorise la
Constitution. Plusieurs prétendants sont en lice dont le favori et proche du roi, Fouad
Ali El Himma, ex vice-ministre de l'Intérieur. Les autres sont : Karim Ghellab, ministre des Transports, et Taoufiq Hejira, ministre du Logement. Le Parti Istiqlal, vainqueur des législatives, voudrait voir son chef Abbas El Fassi être sur les rangs. En plus de devoir choisir un
premier ministre, le roi Mohamed VI, devra tirer les leçons de ces élections, c'est-a-dire, choisir entre le statu quo ou donner plus de pouvoir aux représentants du peuple.