Le 9 septembre 2007 a eu lieu le premier tour des élections générales au
Guatemala, pays le plus violent et le plus pauvre d'Amérique latine (1). Prévu pour le 4 novembre 2007, le deuxième tour s'annonce serré pour les deux candidats restants, soit le général re
traité de droite Otto Pérez Molina et le businessman de centre-gauche Alvaro Colom (2).
Présidentielle et législatives dominées par l'UNE
La firme de sondage Vox Latina octroyait 30% des suffrages à chacun des deux candidats une semaine avant le premier tour (3). Cette prévision s'avéra juste pour Colom, de l'Union nationale de l'espérance (UNE), qui a amassé 28% des voix (4). Molina, du Parti Patriote (PP), se plaçait tout juste derrière avec 23% des votes (5). La prix Nobel de la paix 1992 Rigoberta Menchu a été écrasée par ses adversaires, ne récoltant qu'un mince 3% des voix, ce qui la place au même niveau qu'une dizaine d'autres candidats à la présidence (6).
En ce qui concerne les législatives, l'UNE de Colom est une fois de plus favorite aux yeux des Guatémaltèques, qui ont élu 48 de ses candidats (7). La Grande Alliance nationale (GANA) arrive deuxième avec 37 députés, dépassant le parti de Molina qui a obtenu 30 députés au Parlement (8). Le parti de Rigoberta Menchu, Rencontre avec le
Guatemala (EG), termine en dernière position avec 4 députés (9).
Sécurité, sécurité et...sécurité!
Qualifiée de « plus violente de l'histoire du pays » (10), la campagne électorale fut le théâtre d'une cinquantaine de meurtres d'hommes politiques et de militants guatémaltèques (11). Avec près de 6 000 cas de violence par année (12), le
Guatemala, souffrant encore des plaies causées par la
guerre civile (1960-1996), est une des plus importantes plaques tournantes de la cocaïne en Amérique latine (13). Conséquemment, le véritable enjeu de la campagne électorale est la sécurité.
Or, Molina « propose d'augmenter de 50 % les effectifs de la police, tient à rétablir la peine de mort et veut décréter l'état d'
urgence dans les régions les plus violentes » (14). Ayant comme symbole un poing serré, le parti a élaboré un programme axé sur un contrôle de l'État avec une main de fer. Avec un discours totalement différent, Colom a orienté son programme sur la lutte contre la délinquance et l'accroissement du rôle social que doit jouer l'État (15), et ce, en luttant contre la pauvreté et en initiant une réforme du système judiciaire (16).
Alvaro Colom croit aussi que l'élection du général Molina ne fera qu'aggraver la situation : « Le pays a déjà subi cinquante années de main de fer, Pérez Molina veut nous en offrir quatre de plus » (17). Plusieurs analystes et
observateurs abondent en ce sens : « Si la mano dura du général Perez apparaît à beaucoup de Guatémaltèques comme l'unique solution face à l'explosion de la criminalité, sa possible victoire inquiète nombre de démocrates qui redoutent une rés
urgence de l'autoritarisme militaire » (18).
La femme du Guatemala la plus connue au monde
L'échec de Rigoberta Menchu (19), tant à la
présidentielle qu'aux législatives, met en relief le paradoxe du
Guatemala : la majorité autochtone est dirigée par la minorité métis. Selon Rodolfo Stavenhagen des Nations unies, « les ethnies guatémaltèques n'avaient aucune participation dans les processus de décision » (20). Considérée comme une lueur d'espoir pour le peuple indigène guatémaltèque lors du dépôt de sa candidature au début de 2007, Menchu fut éliminée dès le premier tour, comme tous les candidats autochtones aux législatives : « Aucun d'entre eux ne se trouvait en tête de liste et presque aucun en position d'être élu » (21).
Menchu, dont la famille a été décimée par la
guerre civile, a subi tout au long de sa campagne électorale de nombreuses attaques tendant à la discréditer : « Elle est la cible d'une campagne virulente, affirmant qu'elle va supprimer les églises et exproprier les grands propriétaires terriens. On la compare aux
présidents vénézuélien Hugo
Chavez et bolivien Evo Morales » (22). La situation financière du parti est une autre variable pouvant expliquer cet échec aux élections, tout comme la division au sein même de la population maya, dont aucune des 23 ethnies ne parle la même langue (23).