Près de 38 ans après la disparition de
Salvador Allende, la justice chilienne a décidé d'ouvrir une première enquête sur les circonstances de la mort de l'ancien
président socialiste. Décédé lors du coup d'État du 11 septembre 1973 orchestré par le général Augusto
Pinochet,
Salvador Allende s'était-il enlevé la vie ou avait-t-il été assassiné(1)? Quelques mois après l'ouverture du dossier, la justice a tranché. L'ancien
président se serait bel et bien enlevé la vie comme le soutenait la version officielle(2).
La fin du président
En 1970,
Salvador Allende devient le premier
président socialiste à diriger le
Chili après avoir été élu en septembre. Des réformes économiques sont dès lors entreprises par son
gouvernement, telle la nationalisation des industries minières. Ces réformes ont suscité des frustrations chez les partis d'opposition ainsi qu'au sein du
gouvernement américain de l'époque(3).
La fin de la
gouvernance d'
Allende avait notamment été marquée par des grèves et manifestations de grande ampleur qui avaient paralysé le pays tout entier. Une atmosphère tendue y régnait avant le coup d'État(4).
Les forces militaires chiliennes, menées par le général Augusto
Pinochet, ont frappé le palais
présidentiel de Santiago, La Moneda, le matin du 11 septembre 1973(5).
Salvador Allende est retrouvé mort à la suite des bombardements de La Moneda par l'armée de l'air(6). L'autopsie pratiquée à l'Hopital militaire de Santiago, ainsi que le témoignage du médecin ayant constaté son décès, Patricio Guijon, ont révélé que l'homme s'était enlevé la vie en se tirant une balle sous le menton(7). L'arme utilisée par le défunt était vraisemblablement un fusil automatique AK-47 qui lui avait été offert par le leader cubain, Fidel
Castro(8).
La fin de l'ère
Allende a laissé place à 17 années de
dictature sous
Pinochet, qui resta au pouvoir jusqu'en 1990. Les années
Pinochet ont fait plus de 3 000 victimes ou disparus et les cas de tortures s'élèvent à près de 28 000. Actuellement, les actes criminels commis sous la
dictature par 560 anciens militaires font l'objet de poursuites judiciaires(9).
De nombreuses hypothèses, une seule vérité
La thèse du suicide est devenue la version officielle de la mort de l'ancien
président. C'est d'ailleurs celle qui a été reconnue par sa famille. « Mon père a pris la décision de mourir dans un geste de cohérence politique pour défendre le mandat que lui avait remis le peuple »(10), a rappelé sa fille, la sénatrice Isabel
Allende.
Toutefois, cette thèse ne faisait pas l'unanimité. Certains ont contesté la version officielle des faits, comme le cinéaste et ancien conseiller en images d'
Allende, Miguel Littin, qui soutient que celui-ci aurait été assassiné durant le coup d'État(11). Une troisième hypothèse était soutenue, celle du « suicide assisté ». L'auteur d'un livre traitant du coup d'État, Camilo Taufic, a en effet avancé que le
président s'est blessé d'un premier coup de balle et a ensuite été achevé par solidarité par l'un de ses collaborateurs(12).
Le cas de la mort d'
Allende figure parmi quelque 726 dossiers de violations des droits de l'Homme du temps de la
dictature qui ont été ouverts en janvier 2011. Même si sa famille était convaincue par la thèse du suicide, elle a jugé important qu'une enquête précisant les circonstances de la mort de l'ancien
président soit effectuée(13). Mario Carroza, juge en charge de mener l'enquête, a ordonné l'exhumation de la dépouille d'
Allende pour mai 2011. Selon Isabel
Allende, l'enquête « permettra d'éclaircir définitivement un aspect de notre histoire qui n'a jamais été pacifié(14) ».
Des experts chiliens ont validé en juillet 2011 la thèse du suicide. Le directeur du service médico-légal a assuré que l'identité du corps a été vérifiée et qu'
Allende est mort par une balle, qu'il a sans doute tirée lui-même. La famille du défunt s'est dite soulagée, car cette enquête a permis de lever les principaux doutes entourant un événement ayant marqué considérablement l'imaginaire collectif des
Chiliens(15).
À la demande de sa famille, des funérailles publiques ont eu lieu le 4 septembre 2011. Cette date marque la journée lors de laquelle, 41 ans plus tôt, le
président socialiste était élu à la tête du pays. Il s'agit de la troisième cérémonie de funérailles organisée en l'honneur de
Salvador Allende. La précédente avait eu lieu le 4 septembre 1990, quelques mois après la fin de la période de la
dictature, tournant de l'histoire chilienne qui marquait le retour de la
démocratie(16).