Polémique et ne redoutant pas la controverse, Rush Limbaugh est l'animateur de
radio le plus populaire aux
États-Unis depuis les vingt dernières années. Homme
à l'égo surdimensionné et formidable orateur, on lui crédite la mobilisation
qui permit au Parti républicain de prendre le contrôle du Congrès américain en
1994, ainsi que le mouvement demandant «l'impeachment» du
président Bill
Clinton en 1999, dans l'affaire «Monica Lewinsky» (1). Plus récemment, il a
galvanisé le Parti républicain par son opposition au plan de relance économique
du
président Barack Obama (2).
Ce personnage haut en couleur est né le 12 janvier 1951 à Cap-Girardeau dans
l'État du Missouri. Il est le petit-fils d'un avocat qui pratiqua le droit même
après avoir dépassé le cap du centenaire. Rush Limbaugh entreprit des études à
la Southeast Missouri State University mais les abandonna après une année, à la
suite de mauvais résultats académiques (3).
C'est à l'âge de 16 ans que Rush Limbaugh prit contact avec le monde de la radio
en suivant un cours d'ingénieur radiophonique. Dans les années 1980, il a
travaillé pour le club de baseball les Royals de Kansas City pour un salaire
annuel de 12 000 $. À cette époque, il songea même à quitter cet emploi pour
celui plus lucratif de distributeur de croustilles (4).
Le chevalier de la droite américaine
Sa véritable carrière radiophonique débuta au mois d'août 1988. Le «Rush
Limbaugh Show» allait devenir au fil des ans, mais surtout sous la présidence de
Bill Clinton, un des plus grands succès radiophoniques des
États-Unis (5).
Aujourd'hui, avec un salaire annuel de plus de 50 millions de dollars, il arrive
en deuxième position des animateurs de radio les mieux payés au pays. Il n'est
devancé que par l'animateur new-yorkais, Howard Stern (6). D'ailleurs, la
revue Forbes plaça Limbaugh en 36e position des hommes les plus fortunés des
États-Unis en 2007 (7).
Limbaugh diffuse ses émissions quotidiennes de trois heures, du lundi au
vendredi, à partir d'un lieu tenu secret de West Palm Beach en Floride. Maniant
l'art oratoire d'une manière extrêmement efficace, il cultive littéralement
l'attention de ses millions d'auditeurs. Il expose, sans complexes, ses
positions ultra
conservatrices et ses attaques contre les démocrates, les
féministes, les homosexuels, les libéraux, les environnementalistes, les
travailleurs sociaux, les impôts, l'
État-providence, l'immigration, le
Congrès, les grandes sociétés, etc. Bref, tout ce qui est progressiste ou trop
étatique et qui menace la tranquillité et les valeurs des gens de la classe
moyenne (8). Rush Limbaugh est un personnage tellement polémique que le
Washington Post dit de lui qu'«il est à la gauche, ce que la bombe atomique fut
à Hiroshima» (9). De plus, Limbaugh affirme incarner la défense d'une espèce,
l'homme blanc, qui s'estime menacée par les
féministes et les minorités (10).
Son auditoire radiophonique journalier est estimé à près de 20 millions de
personnes. Un sondage effectué par la firme Annenberg en 2004, fit ressortir
des informations étonnantes. Selon ce sondage, son auditoire le plus fidèle est
composé d'un peu plus de 35 % d'auditeurs âgés et assez
conservateurs. Les
Latino-Américains arrivent en deuxième position avec 34 %. Suivent en troisième
position les Afro-Américains et les employés du secteur des services des
petites communautés. Mais ce qui est le plus intéressant ce sont les deux
groupes
conservateurs types, la droite religieuse et le milieu agricole, qui ne
figurent pas parmi ses auditeurs les plus fidèles. Enfin, il est important de
souligner que seulement 26 % des auditeurs de Rush Limbaugh s'identifient
clairement comme étant des républicains (11).
Ce contraste dans les cotes d'écoute reflète en quelque sorte les nombreuses
contradictions que l'on retrouve chez ce personnage. Même si Rush Limbaugh est
l'animateur de radio ultra
conservateur le plus populaire aux
États-Unis, il
n'en demeure pas moins qu'aux yeux de la droite religieuse et traditionnelle,
il représente une valeur douteuse. Ayant à son dossier trois divorces ainsi que
des démêlés avec la justice en 2006, dans une affaire de possession illégale de
médicaments, ainsi qu'une dépendance avouée à ceux-ci, il va s'en dire que Rush
Limbaugh est loin de mettre en pratique les valeurs qu'il prêche dans ses
émissions radiophoniques (12).
Espoir pour les uns, embarras pour les autres
Malgré tout, il est indéniable que Rush Limbaugh a toujours conservé une
certaine emprise sur le Parti républicain. Cette emprise remonte à l'époque de
la présidence de Ronald
Reagan. L'ancien
président américain faisait même son
éloge en le qualifiant de «voix numéro un du
conservatisme dans notre pays»
(13). Malgré le fait que Rush Limbaugh affirme que l'ancien
président Ronald
Reagan est sa plus grande influence personnelle, il est ironique de constater
que Limbaugh n'a jamais voté pour
Reagan, car ce n'est qu'à l'âge de 35 ans
qu'il s'est finalement enregistré comme électeur (14). Par contre, il est
incontestable que depuis la présidence de
Reagan, personne n'a porté le message
conservateur avec autant de force et d'aplomb que Rush Limbaugh lui-même (15).
À la suite de la débâcle des républicains lors des élections
présidentielle et
législatives du 4 novembre 2008, plusieurs stratèges républicains affirment
sans ambages que c'est Rush Limbaugh, plutôt que le candidat démocrate Barack
Obama, qui a contribué à la défaite du sénateur John McCain. Tout au long des
primaires et des caucus et pendant la campagne
présidentielle, Limbaugh ne
s'est jamais retenu de critiquer sévèrement John McCain, lui reprochant
notamment ses positions modérées et son désir d'établir un consensus avec les
démocrates (16).
Aujourd'hui, le Parti républicain est un parti à reconstruire. Discrédité par le
règne du
président George W.
Bush ainsi que par les guerres et la crise
financière, le Parti républicain traverse une crise politique et de direction
sans précédent. C'est pourquoi, plusieurs voient en Rush Limbaugh le seul qui
soit capable de représenter le parti et de parler au nom de ses intérêts (17).
Et, de fait, Rush Limbaugh est le seul personnage public
conservateur qui n'a
pas hésité avant le commencement de la présidence de Barack Obama à la
critiquer sévèrement et à souhaiter publiquement son échec (18). D'ailleurs,
Limbaugh a embarrassé bien des républicains en parodiant Obama dans ses
émissions en faisant jouer à plusieurs reprises une chanson intitulée «the
Magic Negro» (19).
Malgré ses excès, plusieurs républicains sont divisés quant à l'attitude à
adopter à l'endroit de Rush Limbaugh, car ils le craignent. Michael Steele, un
Afro-Américain qui est le nouveau
président du Parti républicain, avait
condamné les attaques de Limbaugh à l'endroit d'Obama. Mais il a dû rétracter
ses propos, avec humiliation, à la suite de contre-attaques en règle de
Limbaugh sur les ondes (20).
En somme, bien qu'étant une icône de la droite Américaine et le choix de
nombreux républicains pour diriger le Parti, il ne faut pas oublier que Rush
Limbaugh est un homme d'affaires aguerri, gagnant des dizaines de millions de
dollars par année, et non un politicien dans l'âme. C'est la polémique et non la
politique qui est sa raison d'être et son gagne-pain. Voilà pourquoi il est peu
probable que Rush Limbaugh soit à la tête du Parti républicain lors de la
prochaine élection
présidentielle.