Les
Boliviens ont appuyé à plus de 60% le projet de nouvelle
Constitution lors du
référendum tenu le 25 janvier 2009. Le pays est toutefois divisé en deux, les cinq régions les plus riches du pays ayant rejeté massivement le projet de réforme.
Une nouvelle Constitution pour des changements profonds
Lors des élections de 2005, le
président Evo Morales avait promis de réformer la
Constitution bolivienne pour la rendre plus équitable. Bien qu'elle détienne la deuxième plus grande réserve de gaz en Amérique latine, la
Bolivie est le pays le plus pauvre de la région. La richesse est concentrée entre les mains de la minorité blanche et métisse de l'est du pays, tandis que la majorité autochtone, vivant surtout dans les régions andines, est tenue à l'écart du développement économique (1).
La nouvelle
Constitution est un texte complexe de 411 articles (2). Au niveau des principes, elle vise à faire une « place prépondérante aux communautés indigènes, à la justice sociale et au rôle de l'État » (3). La
Constitution garantit une représentation législative à la majorité autochtone du pays et elle enchâsse l'égalité de leurs droits. Elle reconnaît 36 groupes indigènes différents, leurs croyances et la propriété communautaire (4).
La nouvelle loi
constitutionnelle renforce les pouvoirs étatiques sur les ressources naturelles. Elle limite la taille maximale autorisée pour les grandes exploitations agricoles à 5 000 hectares et permet le transfert de terres non cultivées à des paysans. La
Constitution permet aussi au pouvoir central de réaffirmer son contrôle sur les grandes réserves d'hydrocarbure du pays. Grâce à cette réforme, le
gouvernement prévoit redistribuer les revenus du gaz qui ont traditionnellement profité aux provinces riches où se trouvent les gisements (5).
Pour le reste, la réforme autorise Evo Morales à se présenter pour un nouveau mandat. La
Constitution consacre la séparation de l'Église et de l'État. Elle représente aussi une avancée majeure sur le plan des droits,
constitutionnalisant le droit à l'eau, à l'alimentation, à la sécurité sociale, à l'éducation, à l'habitat et à la santé (6). La nouvelle loi
constitutionnelle a donc le potentiel pour insuffler des changements profonds à la configuration politique, économique et sociale de la
Bolivie. C'est toutefois son application concrète qui révélera ses réelles avancées (7).
Un pays divisé
Les transformations ne sont pas vues d'un bon oeil par tous les
Boliviens. Les cinq régions autonomistes de droite, le poumon économique du pays, ont rejeté le projet de réforme : Santa Cruz (est), Tarija (sud), Chuquisaca (sud), Pando (nord) et Beni (nord). Le Non a d'ailleurs recueilli plus de 70% des voix dans la région de Santa Cruz, la plus riche du pays. À l'opposé, le Oui arrive largement en avance dans les régions andines, plus pauvres (8).
Les résultats du
référendum sont à l'image des trois années de crise politique qu'a vécues la
Bolivie depuis que son
président a lancé la réforme
constitutionnelle. Les gouverneurs des cinq régions autonomistes ont dirigé l'opposition au projet (9). Ces départements contrôlent une grande partie des ressources agricoles et industrielles du pays et la quasi totalité des réserves d'hydrocarbure (10). De plus, elles s'opposent farouchement à la redistribution des revenus du gaz et souhaitent continuer à exercer un contrôle qui leur a été profitable par le passé (11).
Les opposants ont choisi la stratégie du chaos pour tenter de faire avorter le projet. Des bâtiments
gouvernementaux ont été vandalisés, des pipelines sabotés et des violences organisées ont mené le pays au bord de la
guerre civile. En septembre 2008, des affrontements entre autonomistes régionaux et partisans du
président Morales ont fait une trentaine de morts et une centaine de blessés dans le département de Pando (12).
Bien que le texte final de la
Constitution ait fait l'objet de concessions importantes à l'opposition de droite qui domine le
Sénat, il n'a pas su rallier les opposants des régions autonomistes. La gouverneur de la région de Chuquisaca, Mme Savina Cuellar, a appelé à la «désobéissance» face à la loi nouvellement plébiscitée (13). Pour Carlos Dabdoub, un dirigeant politique de Santa Cruz, la
Constitution ne pourra pas être appliquée parce qu'elle n'a pas été approuvée dans tous les départements (14). En somme, rien n'indique que les conflits régionaux s'apaiseront maintenant que la
Constitution a été approuvée par le peuple.