En septembre 2008, après près de deux ans d'attentats et de sabotages contre les installations pétrolières d'exploitants étrangers basés au
Nigeria, le Mouvement pour l'émancipation du delta du
Niger (MEND) annonce qu'il entend observer un « cessez-le-feu unilatéral ». Cette trêve est décrétée à la suite d'une série d'affrontements entre les forces armées nigérianes et le MEND, ainsi que des attaques contre les installations pétrolières de la compagnie Shell, situées dans le delta du
Niger(1). Plusieurs mois plus tard, le 7 juin 2009, alors qu'il est aux prises avec une offensive militaire venant de l'État du
Nigeria, le MEND annonce la relance de la « guerre du pétrole »(2). Depuis, plusieurs attaques contre des installations pétrolières ont été perpétrées dans le pays.
Un cessez-le-feu fragile
Le Mouvement pour l'émancipation du delta du
Niger (MEND) a été créé en 2006. Il est désormais considéré comme le principal groupe armé du sud du
Nigeria. Son objectif est de défendre les populations du delta du
Niger et de forcer une meilleure redistribution des richesses pétrolières(3). Par ailleurs, le MEND a précisé à répétition que son objectif n'est pas de tuer des civils ni même des membres des forces armées nigérianes. Il souhaite plutôt forcer les compagnies de pétrole à quitter le delta du
Niger afin de paralyser l'économie nigériane et d'ainsi obliger des réformes(4). Pour arriver à ses fins, le MEND pratique des enlèvements d'expatriés, des sabotages ainsi que des attaques à l'explosif(5). Les violences qui sévissent dans le delta du
Niger depuis trois ans ont fait chuter la production quotidienne de barils de pétrole à 1,7 millions contre 2,6 millions en 2006(6).
En juin et juillet 2009, le MEND a revendiqué toute une série d'attaques dirigées contre des filières de multinationales basées dans cet État, notamment Chevron Corporation et Shell. Le 15 juin 2009, le MEND revendique la destruction, « à l'aide d'explosifs », de plusieurs parties du site de pompage d'Abiteye, situé dans le delta du
Niger, ayant ainsi causé « un énorme incendie qui [aurait consumé] l'installation toute entière »(7). Cette attaque visait des équipements appartenant à la multinationale Chevron Corporation. Le 16 et le 21 juin 2009, le groupe rebelle revendique des attaques contre plusieurs oléoducs appartenant à Shell(8). Le 13 juillet 2009, le MEND attaque cette fois un terminal pétrolier situé en face de Victoria Island, à l'intérieur de la capitale économique nigériane, Lagos. Cinq morts sont reportés(9). Puis, deux jours plus tard, coup de théâtre : le MEND décrète un cessez-le-feu provisoire de soixante jours. La trêve se veut une réponse à la libération d'un chef présumé du groupe armé, Henry Okah(10).
Quelques semaines plus tard, le 22 août 2009, plusieurs commandants du MEND ainsi qu'un millier de ses combattants décident de déposer les armes suivant une offre antérieure du
gouvernement nigérian d'un programme d'amnistie pour les membres du groupe rebelle. Par la voix d'un de ses porte-parole, le MEND affirme toutefois que le reste du groupe armé n'envisage pas de profiter de l'amnistie et qu'il considère « reprendre ses attaques féroces » contre les installations pétrolières dès la fin du cessez-le-feu prévue pour le 15 septembre 2009(11).
Cependant, dans la nuit du 15 au 16 septembre 2009, le MEND annonce une extension de trente jours du cessez-le-feu. Par la même occasion, le groupe rebelle réitère qu'il « ne reconnaît pas » l'offre d'amnistie de l'actuel
président nigérian, Umaru Yar'Adua(12).
Le pétrole nigérian : bénédiction ou malédiction ?
L'exploitation pétrolière joue un rôle majeur dans l'économie nigériane. Le
Nigeria occupe le septième rang parmi les producteurs de pétrole de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP). Le pétrole représente 90% du montant des exportations de l'État, ainsi que 70% de ses ressources fiscales(13). L'exploitation pétrolière aurait occasionné des retombées de plus de 600 milliards de dollars depuis les années 1960(14).
La gestion de l'exploitation des ressources pétrolières est assurée en grande partie par des multinationales étrangères, à travers des consortiums dont une majorité des capitaux appartiennent néanmoins à l'État nigérian. Les multinationales telles que la britannique Shell, l'américaine Chevron Corporation et la française Total se classent parmi les plus importants opérateurs étrangers. Elles représentent des moteurs économiques imposants pour le pays. Elles sont également sollicitées pour financer des projets de développement comme la construction d'infrastructures routières, d'écoles, de « programmes de formation pour les jeunes et des dispensaires »(15).
D'un autre côté, de nombreux reproches sont adressés à ceux qui contrôlent cette industrie lucrative. Elle aurait entraîné, outre plusieurs catastrophes environnementales, « la paupérisation, les conflits, les atteintes aux droits humains et le désespoir », particulièrement dans la région du delta du
Niger(16).
De plus, Amnesty International rapporte que « le
gouvernement nigérian ne parvient pas à faire rendre des comptes aux compagnies pétrolières pour les pollutions qu'elles ont causées », et que lesdites compagnies « profitent depuis trop longtemps de la faiblesse du système réglementaire nigérian ». De fait, les lois et les règlements nigérians exigeant des compagnies pétrolières qu'elles se conforment aux normes internationales de « bonnes pratiques en matière d'exploitation pétrolière » seraient peu respectés. Il en va de même des autres mesures législatives supposées protéger l'environnement. La situation semble grave au point où le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) décrit la situation socioéconomique et environnementale du delta du
Niger comme « l'un des exemples les plus frappants et les plus inquiétants de la "malédiction des ressources" »(17).