Blum, Léon | 1872-1950 | ||
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Rémy Roure, «Léon Blum», Le Monde (France), 1e avril 1950, p. 1. «...C'est à lui sans doute que l'on doit le maintien du parti S.F.I.O. dans la majorité actuelle. Il semble que dans ces derniers temps surtout Léon Blum se soit efforcé de concilier et d'apaiser. L'histoire lui saura gré d'avoir été depuis Jaurès le représentant d'un socialisme plus réaliste à la fois et plus humain, d'un socialisme comme il l'a écrit lui-même, ramené «à l'échelle humaine». Mais a-t-il réussi dans sa tâche ? Il serait difficile de l'affirmer, il serait injuste de le nier tout à fait (...) Léon Blum était un grand idéaliste. Il lui a manqué sans doute ce magnétisme que dégagent les entraîneurs de foules. Orateur lucide, un peu précieux, il savait convaincre, mais l'esprit était plus touché que le coeur. Il y avait en lui trop d'intellectualisme. Les masses qu'emportait Jaurès dans la tempête de l'éloquence ne le suivaient plus guère.» Henri Dufresne, «Feu Léon Blum», La Patrie (Québec, Canada), 31 mars 1950, p. 8. «...Si ses idées politiques furent diversement appréciées, on ne peut s'empêcher de reconnaître qu'il y avait chez Blum beaucoup d'humanité et de générosité. C'est lui qui instaura la semaine de 40 heures pour l'ouvrier français. C'est à lui également que l'ouvrier doit, sauf erreur, les vacances payées, la sécurité sociale et le contrat collectif. Ses adversaires lui ont reproché d'avoir, par l'adoption trop hâtive de ces réformes - bonnes en elles-mêmes - affaiblit la France et réduit son rythme de production au moment où les usines allemandes travaillaient nuit et jour à fabriquer des armes. Mais son rôle après la guerre lui valut la considération et la reconnaissance de tous les Français, sauf les communistes (...) La France perd en ce chef du parti socialiste un homme politique d'une vaste expérience, assagi par les malheurs - les siens propres et ceux de sa patrie - et un fin lettré et amateur d'art qui oubliait dans cette ambiance hautement spirituelle les épreuves de sa vie.» Jean Lacouture, «Léon Blum», Coll. «Points», Paris, Éditions du Seuil, 1977, p. 590-591. «...La justice fut la grande cause de sa vie -il l'appelait le socialisme. Elle le resta quand il s'aperçut qu'au nom de la recherche de la justice et de la nécessaire destruction d'un système d'exploitation économique, fascisme et stalinisme pouvaient confisquer les libertés conquises et vouer à une oppression nouvelle la classe ouvrière «désaliénée». La bataille sur deux fronts lui était familière, lui qui fut l'homme le plus haï et réellement combattu par la bourgeoisie française et le fascisme international- et, depuis le congrès de Tours, la cible favorite des porte-parole du dogmatisme armés de la vulgate marxiste. Mais il savait aussi que, jusqu'à l'intérieur du camp de barbelés de Dachau, on peut parler aux autres, il savait -ou il croyait- qu'à condition de ne pas mépriser, mentir, bafouer, à condition de tenir sa parole, on peut convaincre (...) Cette passion, cet espoir de convaincre, cette foi du « citoyen », c'est peut-être ce qui reste avant tout exemplaire chez lui. Il aura été l'homme qui crut pouvoir changer la vie par la force des mots, rectifiant la force des choses.» |