20 janvier 2001
Départ du président philippin Joseph EstradaTexte rédigé par l'équipe de Perspective monde
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 Joseph Estrada |
D'importantes manifestations publiques se déroulent aux Philippines afin d'exiger le départ du président Joseph Estrada, soupçonné de corruption. Le 20 janvier 2001, sa vice-présidente Gloria Macapaga-Arroyo lui succède. La situation du pays demeure néanmoins instable, malgré la tenue d'élections en mai de la même année.
Le 11 mai 1998, Joseph Estrada est élu à la présidence avec une forte avance après s'être engagé à lutter contre la pauvreté. Sa popularité connaît une forte chute en octobre 2000 alors que l'un de ses proches fait des révélations sur la corruption pratiquée sous son régime. Des accusations de fraudes et de pots-de-vin sont notamment portées contre le président. L'autorité morale de ce dernier est ébranlée et des mécanismes de destitution parlementaire (impeachment) sont enclenchés. Un bras de fer entre sénateurs mène à la démission de ceux d'entre eux qui réclament le dévoilement d'informations pouvant incriminer Estrada. À partir du 17 janvier 2001, des foules se rassemblent près d'une petite église de Quezon City, consacrée à la vierge Marie, érigée sur l'emplacement de manifestations précédant le départ de Ferdinand Marcos en 1986. Elles sont composées de centaines de milliers d'étudiants et d'activistes. Le coup de grâce pour le régime vient cependant de la police et de l'armée qui accordent leur appui aux contestataires. Le 19 mai, Estrada annonce la tenue d'élections, en mai, auxquelles il ne sera pas candidat. Le lendemain, sa vice-présidente Gloria Macapagal-Arroyo, la fille de l'ex-président Diosdado Macapagal, est assermentée à la présidence. Cette « révolution » surnommée ESDA, du nom d'une importante autoroute, est bien accueillie aux États-Unis, mais plusieurs s'interrogent sur la constitutionnalité de ce changement à la présidence. Certains le considèrent même comme un coup d'État. Les Philippines demeurent un pays instable, déchiré par le conflit avec le Front de libération islamique Moro. Les élections de mai 2001 se déroulent aussi dans un climat de tensions, alors que des dizaines de personnes sont tuées ou blessées. |
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Arnaud Dubus, « Gloria Macapagal Arroyo, nouvelle présidente philippine »
«...la plupart des analystes reconnaissent qu'elle est une incontestable amélioration par rapport à la présidence corrompue et chaotique de son prédécesseur. D'une petite taille qu'elle compense par un naturel énergique, elle dégage une image de compétence qui contraste fortement avec le «cancre Estrada». Titulaire d'un doctorat en économie de l'université des Philippines, elle a également fréquenté les bancs de l'université Georgetown à Washington où elle s'était d'ailleurs liée d'amitié avec Bill Clinton. Elle paraît bien équipée pour stopper la dérive économique du pays et restaurer la confiance des investisseurs étrangers, ce qu'elle a annoncé comme sa mission prioritaire. Elle est aussi énormément populaire auprès des Philippins: lors de son élection à la vice-présidence en 1998, elle avait emporté 59 % des voix (contre 38 % pour Estrada lors du scrutin présidentiel). Une partie de cette popularité vient de ses antécédents familiaux. Les Philippins se rappellent avec respect son père, Diosdado Macapagal, le dernier président avant Ferdinand Marcos, qui aimait à se présenter comme «le garçon pauvre de Pampanga», la province d'origine des Macapagal. Bien qu'éduquée dans les meilleures écoles de l'archipel, sa fille continue à entretenir cette fibre populiste. »
Libération (France), 22 janvier 2001, p. 14.
Stéphane Dupont, « La chute de Joseph Estrada, un simple répit pour la fragile économie philippine »
«...Les Philippines seront en première ligne en cas d'atterrissage brutal de l'économie américaine »,confirme Nhu-Nguyen Ngo, économiste à BNP Paribas. « Le pays risque de souffrir. On ne peut pas exclure qu'il traverse une récession », ajoute-t-elle. L'archipel a déjà enregistré l'an passé la plus faible expansion de tous les États d'Asie orientale (entre 2 % et 4 %, selon les estimations). Une sévère baisse de régime paraît d'autant plus vraisemblable que la situation politique n'est pas encore vraiment stabilisée. Gloria Arroyo a été portée au pouvoir par une coalition pour le moins hétéroclite, qui risque de rapidement éclater, notamment à l'occasion des élections législatives très disputées qui doivent se tenir en mai prochain. Et les partisans de Joseph Estrada n'ont toujours pas abandonné la partie. Le chef de l'État renversé a laissé entendre qu'il n'avait pas renoncé au pouvoir. Surtout si l'enquête judiciaire qui a été lancée hier contre lui le pousse dans ses derniers retranchements. »
Les Échos (France), 23 janvier 2001, p. 10.
Marie-Pierre Verot, « La fin annoncée du président Estrada »
«...Un départ de Joseph Estrada ne peut que ramener la confiance dans le pays, dont l'économie s'est effondrée. La simple imminence de sa démission, pressentie dès l'après-midi, a entraîné la remontée du peso. Après sa déclaration télévisée, le chef de l'État s'est enfermé dans sa résidence et les négociations avec l'opposition ont pu commencer. Quelques heures plus tard, il proposait de quitter le pouvoir dans les cinq jours en échange de l'immunité pour lui et sa famille. Pendant qu'Estrada prépare son départ, des feux d'artifice illuminent le ciel philippin. C'est une triste fin pour cet ancien acteur populaire, adulé aux Philippines et qui fut élu en 1998 avec un nombre de suffrages records. Mais on ne s'improvise pas président. Dès le début, le règne d'Estrada a vu s'accumuler les scandales. Ce furent des cabinets de nuit très arrosés où se prenaient les décisions les plus contradictoires, ce fut une gestion pour et par les amis, des hommes d'affaires chinois qui l'avaient soutenu et se sont vus récompensés par des contrats, ce furent des opérations douteuses. Au total, le président est accusé d'avoir détourné des millions de dollars. »
Le Figaro (France), 20 janvier 2001, p. 4.
S.A., « New Leadership in the Philippines »
«...Mrs. Arroyo comes to the job well prepared. The daughter of a former Philippine president, she studied economics in the United States. She served in Mrs. Aquino's administration, won election as a senator and then, in 1998, was elected vice president. She must make clear that business interests will no longer be able to buy political influence and government contracts through campaign contributions to top legislators. Contracts should be submitted to open bidding. Independent judges should be named and insulated from political pressures. It would set a healthy example if prosecutors were allowed to follow through on the plans they announced yesterday to pursue criminal corruption charges against Mr. Estrada. With wise leadership, the Philippines, a country of more than 80 million people with a favorable geographic location, charter membership in the Association of Southeast Asian Nations and historic ties to the United States, could again become an economic leader in Southeast Asia. It could also become a positive example to its less democratic neighbors, like Vietnam and Myanmar. That is the formidable challenge awaiting Mrs. Arroyo. »
New York Times (États-Unis), 23 janvier 2001.
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Gouvernance et gouvernement [ 20 janvier 2001 ]
Pays | Niveau de démocratie | Chef de l'État | Chef du gouvernement |
 Philippines | Intermédiaire | Maria Gloria Macapagal Arroyo | poste aboli |
Les informations précédentes renvoient précisement à la date de l'événement. Le niveau de démocratie est établi à partir des travaux de l'équipe de Polity IV. L'indice renvoie à la démocratie institutionnelle. Les noms des gouvernants sont établis à partir de nos bases de données les plus récentes. Là où on ne trouve aucun nom pour chef du gouvernement, il faut conclure que le chef de l'État est aussi, et sans intermédiaire, le chef du gouvernement, ce qui est le cas des systèmes présidentiels classiques (les États-Unis par exemple).
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Évolution des composantes du système politique
Profil | Gouvernants | Démocratie | Partis politiques |
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