Première greffe cardiaque de l'histoire
Texte rédigé par l'équipe de Perspective monde

Christiaan Barnard
Une équipe de médecins sud-africains, dirigée par le chirurgien Christiaan Barnard, effectue la première greffe du coeur de l'histoire le 3 décembre 1967. Le patient, Louis Washkansky, décédera 18 jours plus tard. Cette opération pavera néanmoins la voie à une pratique qui deviendra courante à travers le monde.
Les découvertes médicales évoluent rapidement après la Deuxième Guerre mondiale. Le 2 décembre 1952, des spécialistes de l'Université du Minnesota, Walton Lillehei et John Lewis, effectuent une première chirurgie à coeur ouvert. Le 3 décembre 1967, une équipe de médecins sud-africains, dirigée par le chirurgien Christiaan Barnard, épate le monde entier en réussissant une greffe cardiaque dans un hôpital du Cap (Cape Town). Il y avait déjà eu des transplantations rénales et des greffes du foie, mais c'est la première fois qu'un coeur est greffé avec succès. Le malade, un quinquagénaire diabétique du nom de Louis Washkansky, reçoit à cette occasion le coeur d'une jeune femme décédée dans un accident de voiture. L'opération dure presque 5 heures. Une fois le coeur greffé au patient, il est stimulé avec des électrodes pour le repartir. Une des craintes des médecins est un rejet immunitaire. Afin de l'éviter, Washkansky reçoit des stéroïdes et des traitements de radiation au cobalt. Cette percée fait rapidement le tour du monde. Si elle suscite des réactions positives sur le plan scientifique, elle soulève également des questions éthiques, notamment de la part de groupes religieux. Malgré la mort du patient de complications pulmonaires, le 21 décembre, ainsi que quelques échecs dans des hôpitaux américains, les greffes cardiaques deviendront rapidement une pratique courante. On estime en 1969 qu'une soixantaine d'équipes médicales avaient déjà procédé à un remplacement cardiaque. D'autres avancées, comme l'utilisation de la cyclosporine, un immunosuppresseur, auront aussi un impact important sur le taux de réussite de ces opérations et la durée de vie des greffés. Au début du XXIe siècle, le nombre de transplantations cardiaques à travers le monde s'élèverait à plus de 5000 annuellement.
Dans les médias...
Eugène Tesson, « Les greffes du coeur »
«...Notons d'abord que ce mot même dissimule l'ambiguïté de l'attitude médicale dans cette intervention. D'après les renseignements que nous pouvons posséder par la presse et autres moyens de diffusion, les chirurgiens ont attendu qu'un malade, qu'un blessé leur fût amené et que son coeur ait cessé de battre pour enlever celui-ci et pour le transplanter dans un autre organisme. Rien qui puisse ressembler à un don. Pour employer le langage courant, on a guetté la mort du malade ou de l'accidenté pour opérer le prélèvement. Passons cependant sur ce que cette impatience difficilement surmontable peut avoir d'inhumain, pour en venir à la question essentielle : quand a-t-on le droit d'affirmer qu'un être humain est mort ? Ce n'est certes pas la première fois que cette interrogation a été faite, mais, jusqu'à une date récente, c'était exclusivement pour se demander quand devait cesser la défense de la vie et non quand on pouvait profiter de la mort. De l'aveu d'une défaite on passe à l'attente d'un événement qui pourra permettre une victoire. Changement notable d'attitude à signaler. »
Études (France), mars 1968, p. 323.
Françoise Giroud, « En pièces détachées »
«...Si de tels transferts deviennent fréquents, avant que ne soit mis au point le coeur artificiel, dans quelle confusion de sentiments se trouveront ceux qui, auprès d'un futur « rénové », attendront qu'un autre perde la vie pour le « décardiaquer » ? On aurait déjà mauvaise conscience à attendre qu'un cycliste brise sa monture pour en soustraire le pédalier. Que dire d'une vie ! On ne s'y reprend pas à deux fois pour greffer un organe unique à la place d'un autre. Si la substitution rate, l'opéré qui, dans la plupart des cas, disent les spécialistes, aurait pu vivre longtemps avec un coeur fragile, est condamné. Qui prendra la responsabilité de lui suggérer l'échange ? De l'y inciter ? Il restera toujours exclu - du moins peut-on l'espérer - de le tenter sans l'accord de l'intéressé. Mais elle doit avoir quelque chose de profondément perturbant, pour un malade, cette perspective de ne pouvoir se réveiller qu'avec le coeur d'un mort inconnu dans la poitrine. »
L'Express (France), 11 au 17 décembre 1967, p. 3.
S.A., « The Heart : Miracle in Cape Town »
«...even if the worst should happen, the operation would mark the opening of a new era in medicine. Doctor and patient alike have been catapulted irrevocably into a new transplant age by the Cape Town operation - an era as significant as the age of the atom and with its own special promises and perils. To some, the sound of a fresh heart beating in place of an old, worn-out heart seemed to herald a brave new world. « Tomorrow, » trumpeted Paris's France-Soir, « It will be commonplace to live to 100. » Others, however, discerned a more terrifying prospect in the surgical achievement, at Cape Town. « Can I ever be certain, » asked an English matron, « that doctors would do everything possible to save my life if I had a nasty accident or a terrible disease, that they would not be influenced by what I could contribute to another person...? »
Newsweek (États-Unis), 18 décembre 1967, p. 86.
Gouvernance et gouvernement [ 3 décembre 1967 ]
Pays | Niveau de démocratie | Chef de l'État | Chef du gouvernement |
---|---|---|---|
![]() | Intermédiaire | Jozua François Naudé | Balthazar Johannes Vorster |
Les informations précédentes renvoient précisement à la date de l'événement. Le niveau de démocratie est établi à partir des travaux de l'équipe de Polity IV. L'indice renvoie à la démocratie institutionnelle. Les noms des gouvernants sont établis à partir de nos bases de données les plus récentes. Là où on ne trouve aucun nom pour chef du gouvernement, il faut conclure que le chef de l'État est aussi, et sans intermédiaire, le chef du gouvernement, ce qui est le cas des systèmes présidentiels classiques (les États-Unis par exemple).