18 juin 1973
Début de la visite aux États-Unis du leader soviétique Leonid BrejnevTexte rédigé par l'équipe de Perspective monde
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 Leonid Brejnev |
Un an après avoir accueilli le président américain Richard Nixon à Moscou, le secrétaire général du Parti communiste de l’Union soviétique (URSS), Leonid Brejnev, effectue une visite officielle aux États-Unis. Même si elle n’est pas marquée par des annonces majeures, elle consolide l’élan donné à la détente et au rapprochement entre les deux superpuissances.
En mai 1972, Richard Nixon devient le premier président de l’histoire des États-Unis à effectuer une visite officielle en URSS. Lui et Brejnev posent alors leur signature sur les négociations sur la limitation des armes stratégiques (SALT) ainsi que d’autres accords de coopération dans différents domaines. Le 18 juin 1973, ce rapprochement se confirme avec la visite de Brejnev aux États-Unis, la première qu’il effectue en Amérique. Même si Nixon est à ce moment dans la tourmente du scandale du Watergate, la visite d’une semaine se déroule dans un contexte très positif. Brejnev, qui démontre beaucoup d’enthousiasme, reçoit en cadeau une voiture de luxe et séjourne même quelques jours dans la résidence du président à San Clemente, en Californie. Plusieurs sujets sont abordés avec Nixon, mais aussi avec des membres du Congrès et des gens d’affaires. Il est notamment question de sécurité internationale, des récents accords du Paris sur le conflit au Vietnam, de l’Europe, du Moyen-Orient et des intérêts économiques entre les deux superpuissances. Même si elles n’ont pas la portée de SALT, des ententes sont conclues dans une foule de domaines, dont une sur les principes de base de futures négociations sur la limitation des armes stratégiques. Une autre, rendue publique le 22 juin, porte sur la prévention d’une guerre nucléaire entre les États-Unis et l’URSS, entre eux ou avec d’autres pays. Par contre, peu d’avancées sont réalisées relativement à l’acquisition du statut par l’URSS de la nation la plus favorisée, un avantage que des politiciens américains veulent lier à une hausse de l’émigration des juifs soviétiques. Peu avant son départ, le 24 juin, Brejnev prononce un discours qui est retransmis dans les foyers américains. Cette rencontre, considérée comme un des moments forts de la détente, sera suivie par un retour de Nixon à Moscou, à l’été 1974. |
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Joel Blocker, « Bons baisers de Washington »
«...Dans le domaine qui lui importe le plus et dans lequel il espère laisser sa marque sur l’histoire, Nixon a durement appris à ses dépens à quel point les contraintes intérieures peuvent empêcher d’aboutir même les meilleures intentions d’un président dont le pouvoir est affaibli. Quant à Brejnev, il devra s’estimer heureux de repartir en laissant derrière lui l’image, maintenant solidement implantée dans l’esprit des Américains, d’un dirigeant étranger raisonnable et, finalement, amical. Peut-être ne rapporte-t-il pas grand-chose de Washington. Mais son prestige croissant le laisse libre de chercher ailleurs – et particulièrement en Europe – ce dont il a le plus besoin : plus de crédits, plus d’investissements, plus d’accords commerciaux avec divers pays. Et, dans un moment où les affaires diplomatiques sont de plus en plus des affaires tout court, cela peut signifier que l’U.R.S.S. va être amenée à nouer des liens de plus en plus étroits – politiques, stratégiques et commerciaux – avec d’autres pays occidentaux. »
Le Nouvel Observateur (France), 25 juin 1973, p. 30.
Pierre Rocheron, « « Nous deux » »
«...L’un des facteurs de ce changement (depuis la visite de Khrouchtchev en 1959), c’est qu’on s’est rendu compte – à Moscou comme à Washington – qu’aucun des deux pays ne peut détruire l’autre sans être lui-même anéanti. C’est la base des efforts pour une régulation des armements, qui ont commencé à porter leurs fruits au cours des dernières années. Quand la terreur est mutuelle, chaque pays est obligé de faire un peu plus confiance à l’autre. Brejnev et ses collègues du Politburo ont fait en 1971 un choix capital : rechercher désormais des relations meilleures, moins tendues avec les États-Unis. Deux motivations essentielles : partager l’avance technologique de l’Occident, mais aussi reporter la plus grande partie de l’effort militaire sur le front oriental, où les incidents avec la Chine inquiétaient profondément les maîtres du Kremlin. Et les gestes soviétiques en direction de l’Occident semblent avoir coïncidé avec la montée aux États-Unis de la conviction que les vieux clivages idéologiques sont dépassés. Le péril rouge appartient désormais au folklore des années 50. Rétrospectivement, les Américains attribuent à cette hantise la désastreuse « croisade anticommuniste » dans laquelle ils se sont lancés au Vietnam. Cette nouvelle atmosphère a permis à l’administration Nixon de prendre des initiatives sans commune mesure avec celles des gouvernements antérieurs. »
Jeune Afrique (France), 7 juillet 1973, p. 30.
Walter Schütze, « Détente et sécurité en Europe : situation actuelle et perspectives d’avenir »
«...Jusqu’ici, le jeu dissuasif consistait à faire savoir à l’adversaire potentiel que, lorsqu’il franchirait un certain seuil, il s’exposerait à une riposte comportant le risque incalculable d’une escalade par l’emploi des armes nucléaires. (…) C’est ce mécanisme qui a fonctionné tout au long de la guerre froide, mais qui avait le double inconvénient d’exiger des moyens militaires énormes et de ne plus correspondre à l’évolution politique générale, tant dans le cadre global que sur notre continent. Le premier pas logique pour adapter l’instrument de force à ce nouveau climat politique fut évidemment l’engagement réciproque Washington-Moscou de renoncer à toute tentative de percée technologique qui aurait rompu l’équilibre stratégique et aurait ainsi « déstabilisé » la situation. Le deuxième pas fut l’engagement de prévenir un conflit, non séparément et par les moyens militaires, mais conjointement et en mettant en œuvre les moyens politiques. C’est là le sens véritable de l’accord Nixon-Brejnev du 22 juin 1973, qui complète la déclaration commune publiée lors du sommet de Moscou en mai 1972, obligeant les deux parties à se concerter afin de maîtriser des crises risquant de mettre en jeu les armes nucléaires. Nous passons donc d’un constat tacite de non-agression à des consultations quasiment institutionnalisées au niveau de deux Grands. »
Études (France), août-septembre 1973, p. 188-189.
Wolfgang Leonhard, « The Domestic Politics of the New Soviet Foreign Policy »
«...Dissension and disagreements on the scope and limits of the new Soviet foreign policy are obviously continuing, even after Brezhnev’s visit to the United States. The unity in the Soviet political hierarchy is not as monolithic as official Soviet publications try to make it seem. Hints in recent Soviet articles indicate the existence of neo-Stalinist hard-liners who hold the opinion that the Soviet Union industrialized quite well without the help of the capitalists in the past; some would even prefer an improvement of relations with China to the present « opening to the West. » Others have doubts if the economic coöperation with the West will really be as fruitful as some Soviet leaders, notably Brezhnev himself, hope. Any dramatic shift in international relations – either a sudden improvement of Sino-Soviet relations or a setback in the economic coöperation with the West – would most likely strenghten the skeptical hard-liners, which would have repercussions in Soviet foreign policy. On the other hand, in the Soviet hierarchy, particularly in the state and economic bureaucracies, moderate groups would like to combine the present « opening to the West » with certain, albeit limited, reforms in the domestic sector – greater autonomy and initiative, less tutelage from above, greater efficiency and pragmatism. As before, the Brezhnev leadership has to reckon with both the hard-liners and the moderates. »
Foreign Affairs (États-Unis), octobre 1973, p. 72.
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Gouvernance et gouvernement [ 18 juin 1973 ]
Pays | Niveau de démocratie | Chef de l'État | Chef du gouvernement |
 États-Unis | Élevé | Richard M. Nixon | |
 Russie | Faible | Nikolai Podgorny | Aleksei Kossyguine |
Les informations précédentes renvoient précisement à la date de l'événement. Le niveau de démocratie est établi à partir des travaux de l'équipe de Polity IV. L'indice renvoie à la démocratie institutionnelle. Les noms des gouvernants sont établis à partir de nos bases de données les plus récentes. Là où on ne trouve aucun nom pour chef du gouvernement, il faut conclure que le chef de l'État est aussi, et sans intermédiaire, le chef du gouvernement, ce qui est le cas des systèmes présidentiels classiques (les États-Unis par exemple).
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Évolution des composantes du système politique
Profil | Gouvernants | Démocratie | Partis politiques |
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