Démission du président des États-Unis, Richard M. Nixon
Texte rédigé par l'équipe de Perspective monde

Nixon quittant la Maison Blanche aprés avoir démissionné, 9 août
Nixon Presidential Materials Project
Alors que la Chambre des représentants s'apprête à le destituer de ses fonctions, le président des États-Unis, Richard M. Nixon, annonce sa démission. Il devient par le fait même le premier président américain à quitter son poste de cette façon.
Nixon, âgé de 61 ans, annonce ses intentions au peuple américain à la télévision le 8 août. Il quitte la Maison-Blanche le lendemain, après avoir prononcé un discours de 16 minutes dans lequel il défend chacune de ses actions. Le scandale du Watergate, qui est à l'origine de sa démission, remonte à juin 1972. Des membres du Comité pour la réélection de Nixon avaient alors été arrêtés après s'être introduits par effraction dans les bureaux du Parti démocrate à Washington. Une enquête journalistique mena à des révélations étonnantes sur le rôle joué par l'entourage du président dans cette affaire. Pressé par le Comité judiciaire de la Chambre des représentants, Nixon fait face à des accusations d'obstruction à la justice et d'abus des pouvoirs présidentiels, ce qui pourrait entraîner sa destitution (« impeachment »). Sans issu, il démissionne le 9 août. Le vice-président Gerald Ford, un membre de la Chambre des représentants originaire du Michigan, lui succède la même journée. Un mois plus tard, le 8 septembre, il accordera le pardon présidentiel à Nixon.
Dans les médias...
Pierre Salinger, «Le ciment américain»
«...Le fin de Richard Nixon marquera peut-être la fin des onze années de cauchemar qui ont commencé avec l'assassinat du président John Kennedy. Pendant ces onze années, le pays a été déchiré par les crises : la guerre du Vietnam, les conflits raciaux, la mort de Martin Luther King, celle de Robert Kennedy. Le Vietnam a montré les limites de leur puissance. Watergate a montré aux futurs dirigeants de ce pays les limites du pouvoir de la Maison-Blanche. Certes, la Constitution américaine est fondée sur le principe d'un président fort. Mais celui-ci doit respecter la loi et l'opinion publique. De toute façon, avec le développement extraordinaire des moyens modernes d'information de masse, le temps des politiques élaborées dans le secret des cabinets est révolu.»
L'Express (France), 12 au 18 août 1974, p. 25.
Jean Daniel, «Un enfant de la pluie»
«...Capable de porter à la présidence un homme aussi corrompu que Nixon mais tout aussi capable de destituer ce même homme, telle se révèle donc cette société américaine décidément si complexe et si imprévisible. Ce qu'elle a en l'occurrence de plus remarquable et ce qui l'éloigne radicalement de toutes les sociétés totalitaires, c'est qu'elle ignore la raison d'État (...) S'agit-il d'une cérémonie expiatoire conduisant à faire de Nixon le bouc émissaire de tous les péchés d'un régime encore plus corrompu que son président ? C'est possible. C'est même probable. Reste que la cérémonie a eu lieu, qu'on souhaite qu'elle puisse avoir lieu ailleurs. Reste surtout qu'à une époque où le présidentialisme passe pour être l'institution la mieux adaptée à notre siècle où les pouvoirs du président ont tendance à être sacralisés, ce rappel à l'ordre donné par un peuple souverain à son président n'est ni sans saveur ni sans utilité.»
Le Nouvel Observateur (France), 12 août 1974, p. 20-21.
Gilles Boyer, «Les adieux de Nixon»
«...Nixon, après avoir donné une telle mobilité à la politique étrangère américaine, en était venu à paralyser la vie politique de son pays, ce qui se répercutait à l'étranger. L'affaire Watergate, comme il l'affirmait lui-même dans son discours d'adieu, empêchait à la fois la présidence et le Congrès de vaquer normalement à toutes les affaires de l'État (...) Les événements qui se sont bousculés dans la découverte de l'affaire Watergate témoignent de l'indépendance des niveaux divers du pouvoir aux États-Unis, mais posent dans toute son acuité le problème des limites du pouvoir présidentiel. C'est dire qu'au niveau des institutions politiques américaines, le départ de Nixon ne clôt pas le débat du Watergate.»
Le Soleil (Québec, Canada), 10 août 1974, p. 4.
Alain-Marie Carron, «Devant des dizaines de milliers de téléspectateurs»
«...Assis à son bureau, entre deux drapeaux américains, M. Nixon jetait de temps à autre un coup d'oeil aux feuillets qu'il tenait entre les mains, et le plus souvent fixait la caméra avec détermination. Infime détail dans ce moment d'histoire, c'est les yeux baissés qu'il a prononcé la phrase fatidique : «Je démissionnerai.» Environ cent trente millions d'Américains regardaient à ce moment la télévision chez eux. Dans les lieux publics, des cris de joie ont éclaté parmi les personnes rassemblées, mais ils étaient peu nombreux. Aucune des personnes interviewées par les journalistes des diverses chaînes de télévision, après l'allocution du président, ne s'est montré tout à fait hostile. Le plus souvent l'homme de la rue avait visiblement ressenti de manière aiguë que M. Nixon vivait une épreuve dramatique, plus dure encore pour lui que pour le pays, qui pouvait maintenant espérer une vie politique normale.»
Le Monde (France), 10 août 1974, p. 1-2.
Éditorial
«...But what he did not say, and has not said yet, is that he had acted in any way beyond, outside of, or contrary to the law and the Constitution of the United States. No admission of anything more than misjudgment; no suggestion that he and his closest associates had committed execrable offenses against the American people, the full exposure of which must still be carried to their completion in the interests of justice and of equality under the law (...) This is the tragedy of Mr. Nixon, an articulate, knowledgeable, able political leader with notable accomplishments in the field of foreign policy -but a leader who failed himself, his family, his supporters and the millions of Americans who had faith in him. He defeated himself and, in doing so, he nearly defeated both the American people who had elected him and the institutions of American democracy that had sustained him. But not quite.»
The New York Times (États-Unis), 11 août 1974.
Gouvernance et gouvernement [ 9 août 1974 ]
Pays | Niveau de démocratie | Chef de l'État | Chef du gouvernement |
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![]() | Élevé | Gerald R. Ford |
Les informations précédentes renvoient précisement à la date de l'événement. Le niveau de démocratie est établi à partir des travaux de l'équipe de Polity IV. L'indice renvoie à la démocratie institutionnelle. Les noms des gouvernants sont établis à partir de nos bases de données les plus récentes. Là où on ne trouve aucun nom pour chef du gouvernement, il faut conclure que le chef de l'État est aussi, et sans intermédiaire, le chef du gouvernement, ce qui est le cas des systèmes présidentiels classiques (les États-Unis par exemple).