1 avril 2025
30 septembre 1991

Renversement du président haïtien Jean-Bertrand Aristide

Texte rédigé par l'équipe de Perspective monde


Jean-Bertrand Aristide

Du 16 décembre 1990 au 30 septembre 1991, la république haïtienne connaît une période démocratique. Précarisée par les partisans du régime des Duvalier, qui a pris fin en 1986, elle se clôt par le renversement du président Jean-Bertrand Aristide par des membres des forces armées.

Le 16 décembre 1990, Jean-Bertrand Aristide, un prêtre catholique critique du régime Duvalier, remporte l'élection présidentielle avec une majorité de votes devant Marc Bazin, un ancien employé de la Banque mondiale. Cette élection constitue une transition démocratique réussie pour Haïti, régi par des puissances extérieures ou des dictatures depuis 1804. Mais les tensions persistent. Aristide a été la cible de trois tentatives d'assassinat entre septembre et décembre 1990 et ses supporteurs sont attaqués le 17 décembre par des hommes en uniforme de police. Ces actes font craindre le retour de la violence. Lors de l'investiture d'Aristide, le 7 janvier 1991, l'armée met d'ailleurs en échec un coup d'État orchestré par Roger Lafontant, le chef des milices Duvaliéristes. Il sera condamné à perpétuité. Entre-temps, René Préval, un activiste des droits humains, accède au poste de premier ministre. En août, alors que les membres du Parlement discutent d'un vote de non confiance contre lui, la session est ajournée lorsque des sympathisants d'Aristide, favorables à Préval, menacent de tuer des députés. Le 30 septembre, des militaires s'emparent du président et persuadent le général Raoul Cédras de prendre le contrôle du gouvernement. Pour justifier le coup, ses instigateurs affirment qu'Aristide avait interféré avec les affaires de l'armée par des purges et la création d'une garde présidentielle hors de la hiérarchie militaire. Les États-Unis, la France et le Venezuela obtiennent des rebelles le relâchement et la déportation d'Aristide. Les insurgés forceront ensuite la nomination de Joseph Nerette, un juge de la Cour suprême, comme chef d'État par intérim.

Dans les médias...

Yves Bénot, «La seconde indépendance encore ajournée»

«...La nouvelle dictature qui s'abat depuis déjà deux mois sur le peuple de Haïti ne s'ajoute pas seulement à celles contre lesquelles ce peuple a dû lutter depuis qu'il a renversé les Duvalier en 1986. Elle est un nouvel épisode de ce long combat de la majorité des Haïtiens, paysans essentiellement, plus, aujourd'hui, les exclus des bidonvilles urbains, contre la mince «élite» qui a confisqué la Révolution de l'indépendance politique. Un groupe si mince que, non content de gouverner par la force des baïonnettes, il lui faut aussi recourir à l'appui et à la bonne volonté de suzerains étrangers, qui furent ceux de Paris pendant une partie du XIXe siècle après 1825, puis ceux de Washington, aujourd'hui prédominants. Il est significatif que le candidat à l'élection présidentielle de décembre sur qui comptait l'Amérique, Marc Bazin, se retrouve au premier rang des soutiens déclarés du gouvernement imposé par le putsch des militaires. Quelques paroles de bonne volonté à l'égard du président Aristide prononcées par Bush ne sauraient donner le change.»

Le Nouvel Afrique-Asie (France), décembre 1991, p. 35.

Christophe Wargny, «La dignité d'un peuple»

«...Prêtre maudit pour les évêques, les généraux et les oligarques, le président s'employait à expliquer à un peuple en haillons que les miracles qu'on attend, résignés, ne sont que des miroirs aux alouettes, qu'il ne peut donner ou rendre que la justice ou la liberté. C'était déjà la sortie de l'enfer. Pour une poignée de privilégiés et pour la classe militaire, c'était trop. Il n'a eu qu'un seul tort : préférer la persuasion à la contrainte. Le général Cédras, digne successeur de Duvalier, Lafontant, Namphy, Avril, n'est ni plus ni moins parjure et félon. Son humour est aussi vil et macabre que celui de ses devanciers : il promet «le respect de la Constitution et des élections». On nous apprend même qu'il s'agit d'un «modéré». Modérément tortionnaire ? Encore loin des records de Duvalier ? Son premier geste est significatif : utiliser les macoutes (venus de République Dominicaine) pour terroriser la population.»

Le Monde (France), 3 octobre 1991, p. 7.

François Brousseau, «Le sursaut réactionnaire»

«...Les événements d'hier et d'avant-hier, dans la capitale d'Haïti et en province, ont un tel parfum de déjà vu, sentent tellement le tiers monde et les républiques de bananes dans ce qu'ils ont de plus triste, qu'on est vite tenté de n'y voir qu'un épisode de plus dans une histoire condamnée à se répéter sans cesse, entre misère, révoltes et révolutions de palais téléguidées par l'armée (...) Pourtant, on persiste à se dire que le pari d'Aristide était et reste jouable, malgré cette révolte d'un quarteron de militaires qui avancent des revendications catégorielles derrière lesquelles se cachent mal une pulsion réactionnaire plus générale. L'enjeu en Haïti, ce n'est pas seulement un peu plus d'argent pour les généraux, ou la non-séparation de la police et de l'armée (...) C'est, plus simplement et plus gravement, de savoir si, oui ou non, un gouvernement élu peut exister, appliquer son programme et instaurer la séparation des pouvoirs, lorsque n'existe qu'une tradition de violence et d'arbitraire, sur fond de grande misère. On le voit aujourd'hui sur toutes les latitudes : un vieux monde se meurt, le neuf n'est pas encore présent, et un chaos, parfois doux et enthousiasmant, souvent dur et effarant, se profile dans l'intervalle.»

Le Devoir (Québec, Canada), 1e octobre 1991, p. A8.

Charles Lane et al., «Haiti : Why the Coup Matters»

«...Most Haitians, as well as the United States and its allies, nevertheless regard Aristide as Haiti's only possible legitimate ruler. Many were warning of a mass revolt by his supporters if he is not returned to power -or a bloody vendetta against the Army if he is. That suggests that if outside forces from the United States, Latin America or both restore Aristide, they would have to remain to keep order. «There is no center in Haiti,» says one U.S. expert on the country. «If it came to sending a peacekeeping force it'il have to be a not-insignificant number a troops for a long time.» (...) Haiti's economic and social crises may be the best reason to hope diplomatic pressure alone will force the junta to negotiate. They may also explain why, even in the new world order, George Bush thinks the short flight to Haiti is too far for his soldiers.»

Newsweek (États-Unis), 14 octobre 1991, p. 36.

Gouvernance et gouvernement [ 30 septembre 1991 ]

Pays Niveau de démocratie Chef de l'État Chef du gouvernement
flagHaïtiIntermédiaireJoseph C. NéretteJean-Jacques Honorat

Les informations précédentes renvoient précisement à la date de l'événement. Le niveau de démocratie est établi à partir des travaux de l'équipe de Polity IV. L'indice renvoie à la démocratie institutionnelle. Les noms des gouvernants sont établis à partir de nos bases de données les plus récentes. Là où on ne trouve aucun nom pour chef du gouvernement, il faut conclure que le chef de l'État est aussi, et sans intermédiaire, le chef du gouvernement, ce qui est le cas des systèmes présidentiels classiques (les États-Unis par exemple).

Évolution des composantes du système politique

Profil Gouvernants Démocratie Partis politiques
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