29 mars 2025
24 mars 1980

Assassinat de l'archevêque de San Salvador, Oscar A. Romero

Texte rédigé par l'équipe de Perspective monde


Oscar Romero

Monseigneur Oscar A. Romero, archevêque de San Salvador, capitale du El Salvador, est assassiné à cause de son opposition à la violence et de son appel à un compromis dans la guerre civile qui déchire le pays. Romero s'était préalablement attiré l'ire des groupes paramilitaires d'extrême droite par son opposition aux arrestations arbitraires.

L'assassinat de Mgr Romero alors qu'il officie la messe, le 24 mars 1980, s'inscrit dans une politique d'élimination des membres du clergé de gauche perpétrée au El Salvador à cette époque. Défenseur de la justice sociale, Romero émergeait alors comme la seule voix non censurée du pays. Sa campagne pour les droits de l'Homme dans la terrible guerre civile qui ravage le El Salvador lui vaut une reconnaissance internationale, dont une nomination pour le prix Nobel de la Paix en 1979. Mais les hauts officiers accusent les autorités religieuses d'adopter des prises de position qui font le jeu de la guérilla et des communistes. Ils deviennent la cible de la répression des militaires. Cette interprétation de ses positions en faveur des démunis est rejetée par Mgr Romero qui dénonce la violence, peu importe son origine. Sa nomination comme archevêque de San Salvador avait d'ailleurs été applaudie par les militaires et reçue avec un certain scepticisme par le clergé de gauche. Opposant aux réformes du concile Vatican II et aux accords de Medelin en faveur de la théologie de la libération, Romero avait alors la réputation d'être conservateur. Aussi, son engagement pour la justice et les plus démunis a constitué une surprise. Mais ses appels à la non violence étaient de trop pour les extrémistes de droite. Une rapport onusien de 1993 démontrera que Rafael Savaria, l'assassin de Romero, était un capitaine de l'armée de l'air, membre d'un parti d'extrême droite et des escadrons de la mort. Il sera accusé en 2004 devant une cour fédérale américaine. À un autre niveau, le processus de béatification et de canonisation de Mgr Romero, qui reste profondément admiré par les San Salvadoriens, débutera en 1997.

Dans les médias...

Jacques Renard, « Salvador : le massacre des rameaux »

«...La mort est chez elle en ce pays. Elle y règne en despote aveugle, et c'est en lettres de sang qu'elle écrit l'histoire quotidienne du Salvador et de son peuple martyr. Disputant à Dieu lui-même son royaume, les portes de l'Église ne l'arrêtent pas. Le vin du calice se mêlait au sang sur la chasuble et l'étole de Mgr Romero, tué d'une balle en plein coeur, alors qu'il célébrait une messe de Requiem, le lundi 24 mars, dans une chapelle d'hôpital. Six jours plus tard, ses obsèques serviront de prétexte au « massacre du dimanche des Rameaux » : plus de trente morts, près de cinq cents blessés (...) Le Salvador vient de sombrer un peu plus dans la folie meurtrière qui le conduit presque immanquablement vers la guerre civile. Et cela, quels que soient les assassins de l'archevêque de San Salvador et les instigateurs du massacre des Rameaux. La junte des deux jeunes colonels « modérés » qui ont renversé, le 15 octobre dernier, le régime du général Humberto Romero est impuissante. Même à retenir les trois civils avec qui elle tient à exercer le pouvoir. »

L'Express (France), 12 avril 1980, p. 48.

Ch. A., « La mort d'un évêque : Mgr Romero »

«...Cette mort est un événement considérable du point de vue politique dans le cadre du Salvador, mais c'en est un aussi pour toute l'Église latino-américaine. Il va devenir le porte-drapeau de toute l'Église conciliaire de ce continent, celle qui veut s'inspirer de Medellin et de Puebla, qui veut agir en priorité pour et avec les pauvres, qui prône la non-violence. On peut espérer aussi que cette mort fera prendre conscience à Jean-Paul II que s'il a l'expérience des dangers qu'un régime marxiste fait courir au christianisme, il lui manque de connaître des régimes catholiques qui tuent un archevêque au nom de la défense de l'Église. En fait les régimes de Pinochet, Videla et compagnie sont des régimes maurrassistes et à ce titre non moins opposés que les régimes marxistes à la foi chrétienne. Il faut dire pourtant que non seulement le Vatican ne paraît pas très éclairé sur ce danger d'asservissement de l'Église à une politique d'ordre et de privilèges sociaux, mais que dans l'Église d'Amérique latine elle-même il y a des divisions profondes. Si dans son diocèse Mgr Romero était parvenu à faire presque l'unanimité des chrétiens, dans le cadre du Salvador il n'en va pas de même...»

Esprit (France), mai 1980, p. 106.

Bertrand de la Grange, « L'assassinat de l'archevêque »

«...Ne serait-ce que parce qu'il n'est pas signé, l'assassinat de Mgr Romero doit être attribué à l'extrême-droite, dont il était devenu l'ennemi juré. Son influence dans le pays dépassait en effet largement celles des organisations révolutionnaires, dont on évalue pourtant le nombre des sympathisants à quelque deux cent mille personnes. (...) « Ce n'est pas à l'Église de décider de l'heure de l'insurrection » déclarait récemment Mgr Romero qui ajoutait : l'Église ne peut condamner la violence « dès lors que tous les moyens pacifiques d'évolution vers la justice sociale ont été épuisés et que les dommages causés par l'insurrection seraient un moindre mal par rapport à la situation actuelle ». Sa mort démontre sans nul doute que « les moyens pacifiques » sont épuisés mais il n'est pas sûr que l'extrême-gauche puisse tirer profit de la situation, dans la mesure où le choc pourrait avoir été trop grand pour mobiliser davantage la population. Les Salvadoriens n'ont en effet pas oublié le massacre de 1932 au cours duquel l'armée tua de 20,000 à 30,000 personnes pour mater une insurrection prématurément lancée par le parti communiste. L'extrême-droite vient de prouver aujourd'hui qu'elle ne fera pas de quartier. »

Le Devoir (Québec, Canada), 26 mars 1980, p. 8.

Éditorial

«...Especially with Archbishop Romero's death, many in El Salvador are yielding to a fatalistic view that further violence is unavoidable - to resolve conflicts seemingly unresolvable by political means and to purge the country of its deadly past. In this spirit, despairing admirers of the murdered prelate urge that the United States remove itself from the Salvadoran struggle, specifically, by countermanding its offer of military equipment to the civilian-military junta ruling - precariously - there. That junta, however, including respected Christian Democratic politicians and reform-oriented officers, seems to the administration - and to us - to offer the last available barrier to a collapse into total barbarity and civil war. El Salvador's infamous oligarchy, with its private armies, on the right and various terrorists, some Cuban-equipped, on the left oppose the junta for its promise of order and reform. That is its challenge and its best advertisement too. »

The Washington Post (États-Unis), 2 avril 1980.

Gouvernance et gouvernement [ 24 mars 1980 ]

Pays Niveau de démocratie Chef de l'État Chef du gouvernement
flagSalvadorFaibleJosé Napoleón Duarte Fuentes

Les informations précédentes renvoient précisement à la date de l'événement. Le niveau de démocratie est établi à partir des travaux de l'équipe de Polity IV. L'indice renvoie à la démocratie institutionnelle. Les noms des gouvernants sont établis à partir de nos bases de données les plus récentes. Là où on ne trouve aucun nom pour chef du gouvernement, il faut conclure que le chef de l'État est aussi, et sans intermédiaire, le chef du gouvernement, ce qui est le cas des systèmes présidentiels classiques (les États-Unis par exemple).

Évolution des composantes du système politique

Profil Gouvernants Démocratie Partis politiques
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