Nationalisations d'entreprises et du crédit en France
Texte rédigé par l'équipe de Perspective monde

Charles de Gaulle
Entre décembre 1945 et avril 1946, les secteurs du crédit, des ressources énergétiques et de l'assurance sont nationalisés par le gouvernement provisoire en France. Cette décision survient quelques mois après le dénouement de la guerre en Europe.
La volonté du général Charles de Gaulle de nationaliser des secteurs de l'économie française avait été exprimée dès 1942 lors d'un discours à Londres. Il justifiait alors cette politique par son ambition de restaurer le rôle central de l'État français. À la tête du gouvernement provisoire formé après la libération, de Gaulle passe aux actes. Par définition, la nationalisation consiste à transférer, par l'entremise de l'État, une entreprise du secteur privé vers le secteur public. Une première vague de nationalisations est déclenchée en décembre 1944 pour sanctionner des entreprises soupçonnées d'avoir collaboré avec l'occupant allemand durant la guerre. C'est notamment le cas du constructeur automobile Renault, nationalisé le 16 janvier 1945. Le 2 décembre 1945 marque le début d'une deuxième vague qui touche le Crédit lyonnais, le Comptoir national d'escompte de Paris, la Banque nationale pour le commerce et l'industrie et la Société générale. Pour leur part, les compagnies charbonnières, de gaz et d'électricité passent aux mains de l'État le 8 avril 1946. Plus tard en avril, 34 sociétés d'assurances sont nationalisées. La Constitution de la IVe république (27 octobre 1946), met l'accent sur le caractère essentiel de la nationalisation. Comme l'indique cet extrait du préambule : «tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité». Une troisième vague de nationalisations aura lieu en 1948 dans les secteurs du transport terrestre, aérien et maritime.
Dans les médias...
L’A., « Première réforme de structure »
«...Voilà donc enfin l’État français maître du crédit de la France. Ça, c’est une Révolution. Une Révolution comme il faut les souhaiter. Elle s’est faite, non seulement sans convulsion, mais sans heurt. Elle s’est faite par un vote du parlement, et sans que, dans ce Parlement, une majorité précise, mais incertaine, ait pris ses responsabilités. Non : 517 voix contre 35. C’est dire que le pays tout entier, par le truchement de ses élus, acceptait, demandait, réclamait une réforme nécessaire : celle qui, après l’expérience de 1924-1925, s’imposait à tous les partis de gauche : radicaux, socialistes et communistes [...] Reste à savoir ce que fera l’État de l’autorité nouvelle qui vient ainsi de lui être conférée. Ou bien le crédit sera distribué par lui selon un plan précis, et pour le plus grand bien de l’économie nationale. Ou bien il le sera suivant les caprices d’une administration irresponsable, selon les influences particulières et les jeux de la politique. »
L’Aurore (France), 4 décembre 1945, p. 1.
J.-M. Garraud, « Seuls les modérés se sont prononcés contre le texte gouvernemental »
«...La nationalisation du crédit! On imagine à peine ce que ces mots eussent pu soulever, voici quelques années, de protestations indignées, de polémiques et de campagnes de presse. Et pourtant, aujourd’hui, le principe même de la nationalisation a été admis presque sans opposition, tant est puissante la volonté de réformes manifestée par l’immense majorité du pays. Une France nouvelle ne peut s’élever que sur des bases économiques nouvelles. Ainsi le projet gouvernemental, ayant maintenant force de loi, prend-il une valeur particulière dépassant le cadre même de ses dispositions. Il ouvre une ère de réformes, hardies peut-être, mais justes et nécessaires. L’examen d’un tel texte aurait également donné lieu, autrefois, à des débats parlementaires interminables dans lesquels bien des intérêts se seraient heurtés, dans lesquels aussi la politique et la technique se seraient âprement opposées [...] Aujourd’hui, les temps ont changé et avec elles les méthodes de travail parlementaire. »
La Croix (France), 4 décembre 1945, p. 1.
Georges Cogniot, « Un pas en avant »
«...Dimanche, quelque chose a commencé de changer. Et personne, certes, ne contredira les esprits logiques qui rattacheront à ce début de changement, à ce début d’application de la charte de la Résistance, la présence des communistes, ces réalisateurs, au sein du gouvernement... Un pas réel en avant vaut mieux qu’une douzaine de programmes. C’est bien le cas de rappeler cette grande vérité, et s’il est exact que les nationalisations avaient été mentionnées depuis cinquante ans par tel ou tel programme, il n’empêche que toutes les inscriptions « pour mémoire » et tous les autres plans sur lesquels on peut bavarder à loisir ne pèsent pas lourd en face de l’action effective que la Constituante a amorcée contre l’omnipotence des féodalités d’argent. »
l’Humanité (France), 4 décembre 1945, p. 1.
André Sauger, « Première étape de la nationalisation du crédit »
«...Ce débat a été, il faut le dire, sans histoire. Les représentants de la droite se sont, tout le long d’une longue séance, obstinés à présenter et à défendre des amendements que les membres de la majorité se sont obstinés à systématiquement repousser. Telle a été la physionomie de ce débat, qui a porté sur une des plus importantes inscrites dans la charte du C.N.R. et qui avait été solennellement promise au pays. Le texte, qui a été adopté par 521 voix contre 35 et 27 abstentions, répond-il complètement à toutes nos espérances? Ce serait altérer la vérité que de répondre à cette question par l’affirmative. Nous aurions préféré – pourquoi le cacherions-nous? – une loi assurant un contrôle plus étendu du système bancaire. Cette réserve ne signifie pas, toutefois, que nous faisons fi des mesures édictées. Elles ont une importance que nous sommes les premiers à reconnaître. La Banque de France et quatre grands établissements de crédit sont nationalisés. C’est là quelque chose. Le reste viendra après. »
Franc-Tireur (France), 4 décembre 1945, p. 1.
Gouvernance et gouvernement [ 2 décembre 1945 ]
Pays | Niveau de démocratie | Chef de l'État | Chef du gouvernement |
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Les informations précédentes renvoient précisement à la date de l'événement. Le niveau de démocratie est établi à partir des travaux de l'équipe de Polity IV. L'indice renvoie à la démocratie institutionnelle. Les noms des gouvernants sont établis à partir de nos bases de données les plus récentes. Là où on ne trouve aucun nom pour chef du gouvernement, il faut conclure que le chef de l'État est aussi, et sans intermédiaire, le chef du gouvernement, ce qui est le cas des systèmes présidentiels classiques (les États-Unis par exemple).