5 mars 2013
Décès du président vénézuélien Hugo ChavezTexte rédigé par l'équipe de Perspective monde
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 Hugo Chavez, Fidel Castro |
La mort du président Hugo Chavez, après un règne de 14 ans, suscite de fortes réactions au Venezuela et dans la communauté internationale. Un deuil national de sept jours est décrété en hommage à ce leader controversé, figure emblématique du courant de gauche qui souffle sur l'Amérique latine depuis quelques années.
Après un coup d'État raté en 1992, Hugo Chavez, un militaire de carrière, emprunte la voie démocratique et est élu président en 1998. Il met en branle la Révolution bolivarienne, défendant un modèle socialiste qui prévoit des réformes agraires, des nationalisations, une démocratie plus participative et l'adoption de programmes sociaux permettant d'améliorer les conditions de vie des plus défavorisés. Ceux-ci l'appuient d'ailleurs massivement lors de ses réélections, en 2000, 2006 et 2012. En revanche, ses politiques de gauche, le discours tranché de Chavez ainsi que sa volonté de consolider le pouvoir présidentiel suscitent une forte opposition. Elle s'exprime, entre autres, lors du coup d'État raté de 2002. Figure emblématique du virage à gauche que prennent plusieurs pays du continent, cet admirateur du leader cubain Fidel Castro prône une plus grande autonomie de l'Amérique latine, notamment par la création de la Banque du Sud. Farouche adversaire du président américain George W. Bush, il fait aussi la manchette en affichant son soutien à des régimes controversés - Libye, Iran, Syrie. L'état de santé de Chavez suscite des inquiétudes à partir de 2011. Sa situation se détériore à un point tel qu'il ne peut être assermenté à la suite de sa réélection, en 2012. Sa mort, le 5 mars 2013, provoque de vives réactions. Ses partisans prennent la rue et rappellent son engagement envers les plus démunis. Ses détracteurs pointent pour leur part son bilan au chapitre des libertés individuelles, le fort taux de criminalité et la dépendance de l'économie vénézuélienne au pétrole. Les perceptions partagées à l'endroit de ce personnage charismatique se reflètent aussi dans les réactions à l'internationale qui vont des éloges à la froideur. C'est le vice-président Nicolas Maduro, un protégé de Chavez, qui assumera l'intérim en attendant les élections du 14 avril. Il sera élu président à cette occasion, après un vote serré. |
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S.A., « Il reste au chavisme trois piliers sur quatre pour durer »
«...La polarisation est un élément central du chavisme. Il faut toujours désigner un ennemi, un coupable des malheurs du peuple. Ainsi, cette semaine, le gouvernement a accusé Washington d'avoir provoqué le cancer de Chavez et a dans la foulée expulsé l'attaché militaire américain. Quand il y a des pénuries, c'est la bourgeoisie qui l'organise ou les grands propriétaires terriens qui refusent de produire. Tout problème que le gouvernement peine à résoudre trouve sa source dans « l'oligarchie » ou « à Washington ». La qualité qui manquera au successeur de Chavez sera son exceptionnel charisme. Hugo Chavez, par sa façon de parler, de bousculer les conventions, de menacer « l'ennemi », fût-il le caméraman en train de le filmer, plaisait beaucoup aux foules, qui se sentaient considérées. Pour les Vénézuéliens, Chavez appartenait au peuple. Les réactions observées depuis la mort du président Chavez attestent de cet attachement d'un peuple à son chef. »
Le Figaro (France), 8 mars 2013.
Cathy Ceïbe, « Il incarnait la révolution de tout un peuple »
«...dans la conscience collective, Hugo Chavez était le centre de gravité d'un Venezuela transformé, d'une patrie debout. Nationaliste, révolutionnaire, croyant, patriote, bolivarien, latino-américain, internationaliste, solidaire, humaniste, intransigeant, Hugo Chavez a été tout cela. Les classes populaires l'ont porté haut, s'identifiant à cet homme qui parlait d'elles et agissait en leur faveur. Les couches moyennes, la droite, le patronat et les médias privés l'ont exécré, la majorité de leurs homologues internationaux leur emboîtant le pas. La diabolisation du personnage visait son anéantissement politique. « Populiste », « dictateur », « autocrate », la logorrhée des autoproclamés spécialistes, chercheurs et autres journalistes, ont délibérément tordu la réalité au mépris de l'éthique et de l'honnêteté intellectuelle. Qu'importent les treize scrutins remportés sur les quatorze organisés depuis sa première élection, en 1998. On aura rarement autant bafoué un peuple, un pays, une région engagés dans un bras de fer avec la première puissance mondiale qui a toujours considéré l'Amérique latine comme son arrière-cour. »
L'Humanité (France), 7 mars 2013.
S.A., « « El Commandante », la révolution à tout prix »
«...Avec Hugo Chavez, c'est un personnage hors normes qui s'en va. Un géant politique qui, en positif mais aussi en négatif, a profondément changé l'Amérique latine. Premier président issu du peuple et gouvernant pour le peuple, Hugo Chavez, doté d'un charisme débordant, a indubitablement fait de Caracas la capitale mondiale d'une nouvelle gauche décomplexée. Il a aussi transformé le Venezuela en un laboratoire de ses politiques socialement généreuses mais pas toujours durables, utilisant la manne pétrolière au service de ses convictions mais en se révélant souvent piètre gestionnaire, sans hésiter, pour faire avancer sa « révolution bolivarienne » à malmener la séparation des pouvoirs et la liberté de presse. (...) Hugo Chavez, à la tête du premier exportateur de pétrole sud-américain, a bâti sa popularité sur de nombreux programmes sociaux, notamment dans la santé, l'éducation et le logement. Artisan d'un fort contrôle de l'économie par l'État, il n'a toutefois pas été en mesure de juguler une inflation parmi les plus élevées au monde ni de sortir le pays de sa dépendance aux pétro-dollars. « El Comandante » avait développé un style de gouvernement atypique, ultra personnalisé, faisant appel à son instinct redoutable et à sa formation de soldat, affichant un mélange de gauchisme et de militarisme aux accents religieux. »
Le Soir (Belgique), 6 mars 2013, p. 10.
Agnès Gruda, « Adios, Presidente »
«...À court terme, son vice-président, Nicolas Maduro, a toutes les chances de remporter la prochaine élection. Pour l'instant, le Venezuela est un pays en deuil. Et ce deuil joue en faveur du régime sortant. Mais par la suite, tous les scénarios sont ouverts. L'armée continuera-t-elle à soutenir le successeur de Chavez? La grogne suscitée par la dernière dévaluation du bolivar se traduira-t-elle par un mouvement de protestation plus vaste, une fois que les Vénézuéliens auront séché leurs pleurs? Et si c'est le cas, si le « chavisme » s'effrite dans les mois et années suivant la mort de Chavez, quel sera l'impact pour des pays comme Cuba ou le Nicaragua, économiquement branchés sur le pétrole vénézuélien? Quel impact pour tout ce mouvement de pays alignés sur Caracas, qui rejettent les États-Unis et fréquentent des régimes douteux, tels que ceux de l'Iran et de la Syrie de Bachar al-Assad? Pour l'instant, l'avenir du Venezuela est en forme d'immense point d'interrogation. Ce qu'on peut espérer, c'est que si le pays change de cap, il ne jette pas ses programmes sociaux avec la proverbiale eau du bain. »
La Presse (Québec, Canada), 6 mars 2013, p. A3.
S.A., « Venezuela after Chavez »
«...The bigger question in the months ahead will be how much will survive of Mr Chávez's « Bolivarian revolution », named for Simón Bolívar, South America's Venezuelan-born independence hero. His reluctance to surrender power despite his illness underlined just how personal his regime was. Through a mixture of unusual political talent and extraordinary good fortune, Mr Chávez managed to make himself into a world figure, perhaps the best-known Latin American after his friend and idol, Fidel Castro. His death means he will not be around to face the reckoning after 14 years of a corrupt, oil-fuelled autocracy. (...) A majority of Venezuelans may eventually come to see that Mr Chávez squandered an extraordinary opportunity for his country, to use an unprecedented oil boom to equip it with world-class infrastructure and to provide the best education and health services money can buy. But this lesson will come the hard way, and there is no guarantee that it will be learned. »
The Economist (Royaume-Uni), 9 mars 2013.
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Gouvernance et gouvernement [ 5 mars 2013 ]
Pays | Niveau de démocratie | Chef de l'État | Chef du gouvernement |
 Venezuela | Faible | Hugo Chavez | |
Les informations précédentes renvoient précisement à la date de l'événement. Le niveau de démocratie est établi à partir des travaux de l'équipe de Polity IV. L'indice renvoie à la démocratie institutionnelle. Les noms des gouvernants sont établis à partir de nos bases de données les plus récentes. Là où on ne trouve aucun nom pour chef du gouvernement, il faut conclure que le chef de l'État est aussi, et sans intermédiaire, le chef du gouvernement, ce qui est le cas des systèmes présidentiels classiques (les États-Unis par exemple).
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Évolution des composantes du système politique
Profil | Gouvernants | Démocratie | Partis politiques |
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