30 septembre 2018
Référendum en Macédoine sur un éventuel changement de nom du paysTexte rédigé par l'équipe de Perspective monde
|
Le 17 juin 2018, le premier ministre de la Macédoine et son homologue grec concluent un accord prévoyant, entre autres, que cette ex-république yougoslave porte dorénavant le nom de Macédoine du Nord. Le 30 septembre, cette entente est soumise à un référendum lors duquel 94,2 % des électeurs macédoniens expriment leur approbation, mais avec un taux de participation inférieur au seuil fixé.
Depuis l’indépendance de la Macédoine, en 1991, un différend oppose cette ex-république yougoslave à la Grèce. Cette dernière conteste en effet au nouveau pays, qui est slave, le droit de porter un nom ayant un caractère hellénique et étant historiquement associé au royaume antique des Argéades et des Antigonides. Se fondant sur ce différend, et sur une crainte que le maintien de ce nom ne sous-entende des ambitions territoriales, la Grèce s’oppose à une adhésion possible de la Macédoine à l’Union européenne (UE) ou à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Cet obstacle heurte la Macédoine, un pays pauvre qui a besoin de l’aide extérieure. La question prend une nouvelle tournure en 2018. Après des rencontres plus tôt dans l’année, le premier ministre macédonien, Zoan Zarev, et son homologue grec, Alexis Tsipras, concluent un accord le 17 juin au lac Prespa. Il prévoit que le nom Macédoine du Nord sera adopté pour le pays des Balkans, mais que ses habitants demeureront des Macédoniens et que leur langue conservera ce nom aussi. Un référendum sur la question est mis sur pied pour le 30 septembre. Les électeurs se prononcent en faveur du oui à 94,2 % sur la question « Êtes-vous favorable à une adhésion à l’OTAN et à l’UE en acceptant l’accord passé entre la République de Macédoine et la République de Grèce ? » Le taux de participation de 36,1 % est toutefois inférieur au seuil de 50 % fixé pour valider le projet de loi. Un boycott de l’opposition et de nombreux départs de Macédoniens toujours éligibles à voter, au cours des dernières années, expliquent en partie ce faible pourcentage. Le 19 octobre, Zarev obtiendra toutefois l'appui de deux tiers des parlementaires. Cela permettra de mettre le processus du changement de nom en marche. On prévoit que l'amendement constitutionnel le rendant possible sera passé au vote en 2019.
|
|
Benoit Vitkine, « Vote mitigé pour changer le nom de la Macédoine »
«...le pari, déjà ambitieux, s'annonce désormais très périlleux. Les sociaux-démocrates et leurs alliés de la minorité albanaise (25 % de la population) ne disposent pas de cette majorité des deux tiers. Il leur faudra convaincre une dizaine de députés de l'opposition de se rallier, le tout avec une crédibilité écornée par les résultats de dimanche soir. Ceux-ci compliquent également la tâche d'Alexis Tsipras, qui devra, lui aussi, en cas de vote positif du Parlement macédonien, convaincre son propre Parlement d'accepter l'accord. Son partenaire de coalition, les Grecs indépendants, y est opposé. Une période lourde d'inconnues s'ouvre pour la Macédoine. Et l'enjeu est de taille. La question du nom est à l'origine d'un contentieux irrésolu depuis vingt-sept ans avec la Grèce, pour qui le nom de Macédoine est uniquement celui de sa province septentrionale. Depuis l'indépendance de « l'Ancienne République yougoslave de Macédoine », la formulation acceptée par l'ONU et la plupart des organisations internationales, les Grecs crient à l'usurpation d'identité, à la spoliation d'héritage, notamment celui du roi antique Alexandre le Grand, et soupçonnent leurs voisins d'entretenir des ambitions irrédentistes. En mesure de rétorsion, Athènes impose son veto à toute tentative de Skopje de rejoindre l'UE et l'OTAN. »
Libération (France), 2 octobre 2018, p. 5.
Philippe Regnier, « Un air de guerre froide sur Skopje »
«...Les Macédoniens étaient appelés aux urnes pour répondre à une question… qui éludait le nouveau nom : « Etes-vous pour l’adhésion à l’UE et à l’Otan, en acceptant l’accord entre la République de Macédoine et la République de Grèce ? » Si le changement de nom divise à l’extrême la société, les sondages indiquent que les Macédoniens continuent à soutenir l’intégration « euro-atlantique » de leur pays. L’accord conclu par Zaev avec son homologue grec Tsipras consolide les identités respectives des deux peuples. Il reconnaît à Skopje l’usage de la nationalité et de la langue macédonienne, confirme les frontières actuelles, renforce la coopération bilatérale. Et prévoit donc que l’Arym soit rebaptisée « Macédoine du Nord ». Une fois validé, Athènes promet de lever son veto à l’adhésion de la Macédoine… du Nord à l’Otan et à l’UE (où la Grèce bloque depuis 2005 l’ouverture des négociations d’adhésion). Mardi, à la veille d’une réunion des ministres de la Défense des 29 pays de l’Otan, son Secrétaire général a redit qu’il « saluait le oui au référendum », « une claire majorité pour l’UE et l’Otan » , et que l’Alliance restait « prête à accueillir son trentième membre » – les négociations d’adhésion ont déjà commencé. Toutefois, a martelé Jens Stoltenberg, il n’existe absolument « pas d’alternative » à la mise en œuvre « complète » de l’accord avec Athènes pour adhérer à l’Otan. »
Le Soir (Belgique), 3 octobre 2018, p. 12.
Christian Makarian, « Macédoine : comment bien nommer un État? »
«...Certes, ce référendum n'est pas une grande victoire pour le gouvernement macédonien, dans la mesure où l'abstention très élevée jette une ombre sur la victoire. De surcroît, il faut encore obtenir la ratification du Parlement de Skopje, qui suppose les deux tiers des voix, processus qui doit également avoir lieu au Parlement d'Athènes, où le vote n'est pas encore acquis. Autant dire que le débat n'est pas achevé, car derrière ces émois sémantiques se cachent des défis essentiels. La Grèce, par exemple a exigé que l'ex-Macédoine yougoslave change de nom si elle veut adhérer à l'Union européenne et à l'OTAN; en cas contraire, elle mettra son veto à ces deux démarches. Tout le problème est là : se rapprocher de l'Europe et de l'OTAN demanderait donc un langage approprié, ce qui n'est évidemment pas du tout du goût des nationalistes de Skopje. Ces derniers estiment même que c'est une humiliation. Comme si la bonne nouvelle de l'accession à la tribune européenne devait être corrigée à la baisse par un prix à payer en matière d'identité nationale. Le même raisonnement prévaut en Grèce, en sens inverse : à Athènes, on considère légitimement que l'adhésion de la "République de Skopje" à l'Union ne peut absolument pas s'effectuer au détriment de la patrie près de trois fois millénaire des Hellènes. C'est du reste en "vendant" à ses électeurs l'adhésion à l'UE en échange du changement de nom que le chef du gouvernement de Skopje a arraché le oui au référendum. »
L’Express (France), 1er octobre 2018.
S.A, « A Referendum on Macedonia’s new name fails to settle anything : One step forward, two steps back in Skopje »
«...Zoran Zaev, the Macedonian prime minister, tried to put on a brave face after the vote. But Hristijan Mickoski, the leader of VMRO-DPMNE, Macedonia’s main opposition party, said that the deal had failed to get a green light from voters, who had sent the government a stop sign instead. Now, says Veton Latifi, a political scientist, “the real battle begins” and that will be inside parliament and with demonstrations outside of it. To pass the agreement Mr Zaev needs some opposition votes in parliament but they will be harder to get in the wake of the referendum. If he fails then he will call an early election. Macedonia now faces a bout of instability. Even if a new election returns a government that favours the deal, all could be lost. The clock is ticking and if Macedonia is unable to ratify the deal speedily it may be too late. Greece’s main opposition party, New Democracy, is against the agreement—and likely to come to power soon, perhaps as early as May, if a general election is held there at the same time as the election for the European Parliament. In that case, a dispute that began in 1991 might drag on for another 27 years. »
The Economist (Royaume-Uni), 1er octobre 2018.
|
Gouvernance et gouvernement [ 30 septembre 2018 ]
Pays | Niveau de démocratie | Chef de l'État | Chef du gouvernement |
 Macédoine | Non disponible | Gjorge Ivanov | Zoran Zaev |
 Grèce | Élevé | Prokópis Pavlópoulos | Alexis Tsipras |
Les informations précédentes renvoient précisement à la date de l'événement. Le niveau de démocratie est établi à partir des travaux de l'équipe de Polity IV. L'indice renvoie à la démocratie institutionnelle. Les noms des gouvernants sont établis à partir de nos bases de données les plus récentes. Là où on ne trouve aucun nom pour chef du gouvernement, il faut conclure que le chef de l'État est aussi, et sans intermédiaire, le chef du gouvernement, ce qui est le cas des systèmes présidentiels classiques (les États-Unis par exemple).
|
Évolution des composantes du système politique
Profil | Gouvernants | Démocratie | Partis politiques |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
 |
Obtenez des informations supplémentaires sur le profil général des pays, les gouvernants, le niveau de démocratie et les différents partis politiques ayant oeuvré sur la scène nationale depuis 1945.
|
| |
|