2 juin 1979
Premier voyage du pape Jean-Paul II en PologneTexte rédigé par l'équipe de Perspective monde
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 Jean-Paul II |
Moins d'un an après avoir été élu pape, Jean-Paul II (Karol Wojtyla), l'ex-archevêque de Cracovie, entreprend une visite historique dans sa Pologne natale. Son passage suscite de fortes réactions dans cet État communiste dont plus de 90% de la population est de religion catholique.
Karol Wojtyla est devenu, en octobre 1978, le premier pape qui n'est pas natif d'Italie depuis le XVIe siècle. Les implications politiques de l'élection d'un pape originaire de Pologne, un pays communiste, font l'objet de nombreuses analyses. Même si Varsovie n'entretient pas de relations diplomatiques avec le Vatican, la très grande majorité des Polonais sont catholiques. L'éventualité d'une visite de Jean-Paul II, qui est fort populaire dans son pays, est vite envisagée. Le sujet est abordé lors d'une rencontre qui a lieu en janvier 1979 entre le souverain pontife et le ministre des Affaires étrangères d'Union soviétique, Andrei Gromyko. Une invitation du primat de l'Église catholique de Pologne, Stefan Wyszynski, est finalement adressée au pape en février. La visite est d'abord prévue pour le 13 mai, date anniversaire de la mort de Saint-Stanislas, patron des Polonais, en 1079. Mais les autorités craignent des débordements de sentiments anti-communistes et c'est finalement le 2 juin que débute la première visite d'un pape dans un pays communiste. Après avoir rencontré les dirigeants politiques, Jean-Paul II effectue un voyage de 8 jours au cours duquel il visite plusieurs endroits importants (Varsovie, Gniezko, Czestochowa, Cracovie, Auschwitz) et s'adresse à des foules immenses. Aucun incident majeur ne ponctue ce périple au cours duquel le pape se permet néanmoins de lancer à ses compatriotes : « Ne perdez jamais votre liberté spirituelle. » C'est le début d'une série de voyages pour Jean-Paul II qui retournera à 7 autres reprises dans son pays natal au cours de son pontificat. Selon des observateurs, l'accession de Wojtyla à la papauté jouera un grand rôle dans le vent de contestation qui prendra de l'ampleur en Pologne, particulièrement à partir de 1980. |
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K.S. Karol, «L'appel de Cracovie»
«...contrairement à ce qu'on a vu au Mexique, le voyage de Jean-Paul II en Pologne n'a pas suscité de manifestations de religiosité débordante et primitive. Les évocations du passé difficile et glorieux de la patrie polonaise, dans les homélies du pape, semblaient destinées avant tout à conforter ses compatriotes dans leur identité nationale. Et c'est pour cela qu'elles ont été reçues avec autant d'enthousiasme. Les Polonais ne se sentent pas liés à l'U.R.S.S. par une véritable communauté d'idées, et pourtant ils sont obligés de subir sa prédominance et même d'accepter sa version de l'histoire du monde slave. S'ils se sont identifiés avec leur pape, c'est pour mieux affirmer non tant leur catholicisme que leur aspiration à une indépendance totale et leur attachement à leurs valeurs propres.»
Le Nouvel Observateur (France), 18 juin 1979, p. 47.
Paul Thibaud, «La renaissance polonaise»
«...comme d'habitude le flot de paroles et d'écrits approximatifs et répétitifs sorti des média a souvent pour résultat d'ancrer les stéréotypes plus que de faire avancer la compréhension. Titre du Figaro : «Le Pape conquiert la Pologne communiste», comme si, à l'exception du pouvoir politique, la Pologne était communiste et que le Pape ait à en faire la conquête. D'autres voient le Pape se consacrer à la noble tâche de réconcilier en Pologne la société et l'État. D'ailleurs c'est l'enseigne d'une vague réconciliation (de l'Église catholique et du communisme?) que trop de commentateurs ont accrochée à ce voyage, tout voyage d'un grand de ce monde signifiant pour eux progrès de cette universelle normalisation qui est le seul visage que beaucoup sont capables de donner à la paix. Ces insignifiances font le jeu du pouvoir polonais qui (par sabotages, brimades, censures) a tout fait pour réduire la portée populaire de l'événement et qui, après coup, semble vouloir le réduire à l'accolade de Karol Woytyla et d'Henrik Jablonski, président du Conseil d'État. Ce qu'il s'agit de dissimuler, c'est que la Pologne populaire (pour une fois le mot n'est pas déplacé) s'est à l'occasion des multiples rassemblements où le Pape est apparu, identifiée et affirmée indépendamment de «son» État et même contre lui.»
Esprit (France), juillet-août 1979, p. 71.
Jean-Claude Leclerc, «Le pèlerinage de la liberté»
«...Il faut également souligner le sens profond du nouvel âge auquel invite l'Église et l'État de Pologne leur fils devenu pape. Il ne s'agit pas seulement d'établir un concordat entre puissances plus ou moins d'égale force au sein de la nation. Il s'agit d'établir sur la base de la liberté de conscience, un dialogue entre chrétiens et marxistes, un dialogue entre deux conceptions du monde «diamétralement opposées». Ce passage n'aura pas seulement frappé les tenants de l'athéisme militant, il visait aussi sûrement ceux qui dans l'Église polonaise tiennent les marxistes pour des suppôts de satan avec qui aucun rapport n'est possible. C'est avec des conceptions totalitaires aussi radicales que l'Europe «civilisée» a connu en ce siècle non seulement des persécutions, mais des génocides. Pourquoi donc faut-il un tel dialogue, même s'il doit être pénible à établir et à approfondir ? C'est que, suivant les mots même du pape, «le bien de l'humanité et de la nation l'exige».»
Le Devoir (Québec, Canada), 9 juin 1979, p. 4.
Éditorial
«...The Polish visit bore out what first impressions of this pope seemed to promise. There were, after all, many ways to go wrong on such a venture. Pressing the claims of religious freedom on the Soviet Union's doorstep is dangerous business. Had he been openly provocative, he could have incited reprisals against Polish Catholics and brought on a tightening of anti-religious strictures everywhere in the Soviet penumbra. Had he been too conciliatory, he would have fueled Soviet hopes of lessening the influence of religion in Poland and throughout the world. He would also have contributed to the condescending apathy of secularists everywhere. John Paul II fell into neither trap. Projecting the self-confidence of a natural leader, he also managed to show a born diplomat's finesse in doing the appropriate. He talked about religious freedom like a man who is very clear about the difference between God and Caesar. The result was enhanced respect on all sides - for him personally, and for the vitality of the organization he represents.»
The Washington Star (États-Unis), 8 juin 1979.
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Gouvernance et gouvernement [ 2 juin 1979 ]
Pays | Niveau de démocratie | Chef de l'État | Chef du gouvernement |
 Pologne | Faible | Wojciech Jaruzelski | Piotr Jaroszewicz |
 Italie | Élevé | Alessando (Sandro) Pertini | Giulio Andreotti |
Les informations précédentes renvoient précisement à la date de l'événement. Le niveau de démocratie est établi à partir des travaux de l'équipe de Polity IV. L'indice renvoie à la démocratie institutionnelle. Les noms des gouvernants sont établis à partir de nos bases de données les plus récentes. Là où on ne trouve aucun nom pour chef du gouvernement, il faut conclure que le chef de l'État est aussi, et sans intermédiaire, le chef du gouvernement, ce qui est le cas des systèmes présidentiels classiques (les États-Unis par exemple).
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Évolution des composantes du système politique
Profil | Gouvernants | Démocratie | Partis politiques |
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