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Rassemblement créditiste d’envergure au Forum de Montréal
Un texte original du Bilan Québec rédigé par Marie-Claude Piet, étudiant.e en formation de l’École de politique appliquée
Le 5 avril 1963, entre 13 000 et 16 000 partisans créditistes animés se rassemblent au Forum de Montréal pour entendre Réal Caouette livrer un discours, accompagné du premier ministre de la Colombie-Britannique, W. A. C. Bennett. Ce dernier ralliement créditiste avant les élections fédérales de 1963 se déroule dans le vacarme, alors que des centaines d’étudiants s’immiscent dans l’évènement pour manifester contre les idées du parti.
Trois jours avant les élections générales fédérales de 1963, le Crédit social organise son dernier rassemblement de masse de la campagne. L’évènement survient alors que ce parti de droite, conservateur et pancanadien, croit avoir des chances d’obtenir jusqu’à 65 des 75 sièges du Québec. Cette forte prédiction prend racine dans un sentiment de contexte favorable au Crédit social. En effet, le parti récolte 30 sièges à la Chambre des communes en 1962, dont 24 au Québec. Il a donc une assise sur laquelle il peut espérer une augmentation des appuis, d'autant plus que les milieux ruraux sont plutôt réticents aux changements sociaux effectués par le gouvernement provincial de Jean Lesage. De loin le plus gros de l'histoire du parti, le ralliement du 5 avril est bruyant. Les participants ne demandent qu’à entendre le chef adjoint Réal Caouette prendre la parole, mis à part une centaine d’étudiants s’étant introduits pour manifester. Au nombre de 300 à 400, ces contestataires profèrent des slogans aux allusions fascistes à l’encontre du Crédit social et de ses personnalités importantes. Ils distribuent de la fausse monnaie et brandissent des pancartes aux symboles reliés à l’Allemagne nazie. Le groupe d’étudiants organisé finit par être reconnu et violemment sorti du Forum, ce qui déclenche des bagarres éparses avec les partisans. Enfin, Caouette arrive. Avec sa verve habituelle, il déplore entre autres que « l'éducation familiale (qui) a été remplacée par une éducation que les pères de famille, comme nous, auraient honte de donner à leurs enfants ». Dans son discours de près d’une demi-heure devant une salle comble, Réal Caouette réitère que de s’occuper des chômeurs est une priorité. Accompagné du premier ministre de la Colombie-Britannique, W. A. C. Bennett, il termine son discours par un appel à l’unité nationale.
Source : L’Action, 6 avril 1963, p. 1; Le Devoir, 6 avril 1963, p. 1; Le Droit, 6 avril 1963, p. 1; La Presse, 6 avril 1963, p. 1, 23; Montréal-Matin, 6 avril 1963, p. 3.
Stein, Michael B., « Le Crédit Social Dans La Province Du Québec: Sommaire et Développements », Canadian Journal of Political Science / Revue Canadienne de Science Politique, vol. 6, no. 4, 1973, 563–81, consulté le 19 mai 2023, URL http://www.jstor.org/stable/3231263;
Stein, Michael B., « Créditistes » dans Encyclopédie canadienne, consulté le 19 mai 2023, URL https://www.thecanadianencyclopedia.ca/fr/article/creditistes
« Quelque 300 étudiants, de l'Université de Montréal pour la plupart, n'ont pas réussi hier soir à empêcher M. Réal Caouette de parler, comme ils l'espéraient, mais ils se sont amusés ferme aux dépens des créditistes pendant une bonne heure, avant que des fiers-à- bras, brassards en évidence, ne viennent rétablir l'ordre et fassent sortir une trentaine de personnes. Porteurs d'un drapeau nazi et d'un fleurdelisé, les étudiants ont fait la pluie et le beau temps durant la première partie du grand ralliement créditiste, saluant à la fasciste de façon ininterrompue pendant de longs moments, chantant des cantiques de Noël et brandissant des pancartes sur lesquelles on pouvait lire: "Votez pour Hitler"... Les organisateurs de la soirée ne semblaient pas sûrs, au début, si les étudiants, groupés dans un coin de l'enceinte, étaient ou non des créditistes. Mais devant la répétition des cris et des saluts fascistes, quelques responsables se sont aperçus de la farce et se sont empressés de rassembler un "corps disciplinaire" afin de rétablir l'ordre. Mais pour la vingtaine de fiers-à-bras qu’on a rassemblés, peu d'entre eux ont semblé considérer la chose comme une farce. Ce fut la ruée vers les étudiants [...] »
Le Devoir, 6 avril 1963, p. 1.