21 janvier 2025

17 janvier 2012

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Guinée équatoriale : référendum constitutionnel controversé pour Obiang

Les citoyens de la Guinée équatoriale, petit pays situé sur la côte Est africaine entre le Cameroun et le Gabon, ont été appelés aux urnes le 13 novembre 2011 dans le cadre d'un référendum visant à réformer la Constitution(1).

Lors de cet exercice démocratique, les Guinéens ont fait valoir leur droit de vote dans une grande proportion. Selon la télévision nationale, près de 91 % des 331 982 personnes inscrites sur les listes se sont présentés aux différents bureaux de vote(2). De plus, selon la même chaîne médiatique, 97,7 % des personnes qui ont voté ont répondu favorablement aux changements que le gouvernement de monsieur Obiang Nguema Mbasogo voulait apporter à la Constitution.

Un référendum fortement contesté

Pour répondre aux critiques de ses opposants, le gouvernement a décidé d'apporter plusieurs modifications à la Constitution. Celles-ci consistent à limiter la présidence à deux mandats consécutifs, à créer un poste de vice-président et à mettre sur pied cinq nouvelles institutions constitutionnelles. Ces nouvelles institutions consisteraient en une Cour des comptes, un Sénat, un Conseil d'État, un Conseil pour le développement économique et social ainsi qu'un Conseil défenseur du peuple(3). Ce changement de la loi fondamentale guinéenne semble vouloir apporter un vent de démocratisation, tant au niveau des instances politiques que des habitudes démocratiques.

Malgré cette volonté de changement, plusieurs voix s'élèvent contre la détermination du gouvernement d'adopter de nouvelles pratiques de gouvernance. Plusieurs observateurs et membres de l'opposition ont fait entendre leur dissidence concernant l'avènement d'un tel projet. Selon eux, celui-ci n'est qu'une « mascarade (4) », car rien ne stipule si les nouvelles assises constitutionnelles seront rétroactives ou si elles permettront tout de même au président de se représenter, malgré le fait qu'il est au pouvoir depuis 1979.

De plus, selon l'Organisation non gouvernementale(ONG) Human Rights Watch, plusieurs incohérences provoquées par le gouvernement ont pu être observées lors de la tenue de ce référendum. Premièrement, il n'y a pas eu de débats entre le gouvernement et la société civile. Deuxièmement, les listes électorales n'ont pas été distribuées correctement. Troisièmement, l'opposition a été bloquée par le gouvernement durant tout le processus. L'accès à certains modes de financement et aux différents médias nationaux lui a été limité(5).

Human Rights Watch a également réussi à obtenir de l'information provenant d'autres observateurs étrangers. Elle révèle qu'il y aurait eu du « bourrage d'urnes », une mauvaise gestion des bureaux de vote et que certains électeurs et membres de l'opposition avaient subi des pressions du gouvernement(6).

Enfin, les opposants croient que ce référendum n'apportera pas les changements escomptés. À leurs yeux, il aura plutôt pour effet de détériorer l'état de leur démocratie (7), qui est dirigée « d'une main de fer » par le gouvernement(8).

Une volonté d'ouverture démocratique

Même si plusieurs opposants sont très critiques vis-à-vis le gouvernement, le président Obiang tient à souligner que cette réforme constitutionnelle est très importante pour l'amélioration de la démocratie et l'image politique de son pays à l'étranger. La Guinée équatoriale a souvent été pointée du doigt dans le passé par des ONG de défense des droits de l'homme qui considéraient le régime comme dictatorial. Pour le président, c'est une belle occasion de démontrer que le pays est sur la bonne voie et que ce référendum va améliorer grandement les droits et libertés des Guinéens(9).

Conscients de la stratégie adoptée par Obiang, ses opposants ne se sont pas fait attendre pour critiquer son approche, affirmant qu'elle ne changerait pas grand-chose à la situation. D'ailleurs, selon monsieur Placido Mico, seul député d'opposition présent à l'Assemblée, malgré la réforme : « La majorité des sources indiquent que c'est son fils Téodorin qui est pressenti pour lui succéder (10). » Certains vont même jusqu'à dire qu'avec les changements constitutionnels, le président va pouvoir choisir directement son successeur(11).

Après plus de 40 années d'Obiang au pouvoir, malgré une volonté politique favorable au changement, plusieurs aspects de la situation qui prévaut en Guinée équatoriale semblent tendre vers le maintien du président actuel à la tête du gouvernement. En ce sens, seul le temps nous permettra de constater si ce référendum aura réellement apporté un changement démocratique dans ce pays.




Références:

(1) JEUNE AFRIQUE. Référendum en Guinée Équatoriale : 97,7% pour la réforme, 19 novembre 2011, [En ligne], http://www.jeuneafrique.com/Article/DEPAFP20111119102253/ (page consultée le 9 janvier 2011).

(2) Loc.cit.

(3) LE MONDE. Référendum controversé en Guinée équatoriale, 13 novembre 2011, [En ligne], http://www.lemonde.fr/afrique/article/2011/11/13/r... (page consultée le 9 janvier 2011).

(4) JEUNE AFRIQUE. Op. cit.

(5) HUMAN RIGHTS WATCH. Guinée équatoriale : Un référendum entaché par des procédures irrégulières, 15 novembre 2011, [En ligne], http://www.hrw.org/fr/news/2011/11/15/guin-e-quato... (page consultée le 9 janvier 2011).

(6) Loc. cit.

(7) LE MONDE. Op. cit.

(8) AFP. Guinée Equatoriale : referendum controversé d'Obiang, après 32 ans de pouvoir, 13 novembre 2011, L'Express.fr, [En ligne], http://www.lexpress.fr/actualites/1/monde/guinee-e... (page consultée le 9 janvier 2011).

(9) LE MONDE. Op. cit.

(10) Loc.cit.

(11) HUMAN RIGHTS WATCH. Op. cit.

Dernière modification: 2012-01-23 09:12:24

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Samuel Pépin
analyste en formation
École de politique appliquée,
Faculté des lettres et sciences humaines
Université de Sherbrooke