14 mars 2025

24 septembre 2013

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Tchad : l'ancien président Hissène Habré devant la justice

Berceau de l'humanité, le Tchad connait fréquemment, depuis son indépendance de la France le 11 août 1960, des troubles liés à des dissensions internes, aux invasions répétées de la Libye et à l'expansion de la guerre civile au Darfour, au Soudan (1). La séparation entre le nord du Tchad, désertique et peuplé de musulmans, et le sud, fertile et habité par des chrétiens, a été affermie par le colonisateur français qui a avantagé le sud au détriment du nord historiquement dominant (2). Le 7 juin 1982, Hissène Habré arrive au pouvoir au Tchad à la suite d'un coup d'État qui renverse Goukouni Oueddei (3). Son règne de huit ans (1982-1990) plongera la population tchadienne dans un « climat » de terreur.

Parcours politique entaché de persécutions

Grandement soutenu par les présidents Ronald Reagan (États-Unis) et François Mitterrand (France), Hissène Habré organise un coup d'État le 7 juin 1982 et s'empare du pouvoir au détriment de Goukouni Oueddei (4). Au lendemain de sa prise de pouvoir, il met en place un régime de parti unique dans l'espoir d'unifier la population tchadienne (5). Il se résout à écarter toute opposition à son parti au sein de la République.

Dans un premier temps, il punit violemment la partie sud du pays, majoritairement opposée à son régime. Le sud abritait les CODOS, un groupe de rebelles farouchement opposés au gouvernement Habré. Avec l'aide de ses Forces armées nationales tchadiennes (FANT), Habré prend le contrôle des principales villes du sud : « Ainsi, quand Hissène Habré a pris le pouvoir [...], les gens du Moyen-Chari, les gens de Sahr et de sa région, étaient les principaux suspects (6).» Cette période fait partie de l'épisode de «septembre noir»; alors qu'une vague de répression frappait toute la région du Moyen-Chari. Plusieurs centaines de personnes, dont un certain nombre de personnalités et de chefs de canton, y ont trouvé la mort (7).

Puis, dans un deuxième temps, vers 1987-1988, comme les opposants politiques provenaient maintenant du nord, Habré réprime également violemment la population de cette partie du pays. Celui qui sera son successeur, Idriss Déby, sera obligé de se réfugier au Soudan afin d'échapper à sa capture et à d'éventuels préjudices (8).

Dur constat pour le peuple tchadien

Le 1er décembre 1990, après un an de rébellion, Idriss Déby et le Front patriotique du Salut, force rebelle dirigée par Déby, renversent le gouvernement d'Hissène Habré. Ce dernier va se réfugier au Sénégal, espérant échapper à la justice tchadienne. Dès le début de son mandat, en 1990, le président Idriss Déby met en place, par décret, une Commission chargée d'enquêter sur les crimes qu'aurait commis le gouvernement Habré (9).

Cette commission produit un rapport, en mai 1992, qui trouve l'ancien président coupable de « massacres généralisés et d'actes d'une effroyable sauvagerie (10)», commis sur les opposants politiques et les simples citoyens. La commission reproche à Habré la mort de quelque 40 000 personnes. Elle le condamne à mort par contumace; c'est-à-dire que l'accusé a été trouvé coupable et condamné à mort sans toutefois qu'il ait assisté au procès parce qu'il se trouve en état de fuite (11).

L'ancien dictateur fait face à la justice

Le 30 juin 2013, Hissène Habré, après plus de 22 ans d'exil au Sénégal, a été arrêté à son domicile de Dakar par des gendarmes qui l'ont placé en garde à vue (12). Il est accusé par la Cour pénale internationale (CPI) de crime contre l'humanité, crimes de guerre et de tortures. Ces actes auraient été perpétrés alors qu'il dirigeait la République du Tchad de 1982 à 1990 (13).

Rappelons qu'Habré avait d'abord été arrêté, puis relâché, au Sénégal en 2000; toutefois les tribunaux sénégalais avaient jugé que ce dernier ne pouvait pas être jugé dans ce pays. Finalement, après plusieurs négociations avec les juges de la CPI et les membres de l'Union africaine, Habré a été arrêté et placé en garde à vue au Sénégal. Son procès est loin de débuter, car ni le Sénégal ni l'Union africaine ni la Cour pénale internationale ne s'entendent sur le lieu du déroulement de ce procès historique pour l'Afrique (14).




Références:

1) TRIAL, Tchad- Commission d'enquête sur les crimes et détournements commis par l'ex-président, ses co-auteurs et/ou complices, le 30 juillet 2013, http://www.trial-ch.org/fr/ressources/commissions-... (le 20 septembre 2013)

2) Loc. cit.

3) CORREAU, Laurent. 1982-90 Le Tchad dans la main d'Hissène Habré, RFI, 18 août 2008, http://www.rfi.fr/actufr/articles/104/article_70537.asp, (le 20 septembre 2013)

4) RAPPORT DE LA COMMISSION D'ENQUÊTE NATIONALE DU MINISTÈRE TCHADIEN DE LA JUSTICE, Les crimes et détournements de l'ex-président Habré et de ses complices, Tchad, L'Harmattan, 1993, pp 28-30.

5) TRIAL, op. cit.

6) VENDRELY, Matthieu. Tchad : Hissène Habré face à la justice, un système en procès. TV5MONDE, le 3 juillet 2013, http://www.tv5.org/cms/chaine-francophone/info/Les... (le 20 septembre 2013)

7) HALLABANDA, j-m. Le septembre noir au Tchad et la réconciliation, Tchad forum, 2003, http://www.tchadforum.com/node/8428, (le 20 septembre 2013)

8) Loc. cit.

9) TRIAL, op. cit.

10) Loc .cit.

11) SY, Souleymane Diam. Jugement de l'ancien président Tchadien : Hussein Habré placé en garde à vue, Le Soleil, 01 juillet 2013, http://www.lesoleil.sn/index.php?option=com_conten... (le 20 septembre 2013)

12) Loc. cit.

13) LE ROUX, Gaëlle. Hissène Habré face à la justice, un moment historique pour l'Afrique. France24, 30 juin 2013, http://www.france24.com/fr/20130207-tchad-hissene-... (le 21 septembre 2013)

14) SY, Souleymane Diam, op. cit.

Dernière modification: 2016-07-05 08:15:38

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