C'est le 1er décembre 2012 que le président mexicain Enrique Pena Nieto remporte l'élection présidentielle mexicaine. Le journaliste Patrick Bèle, du journal français Le Figaro, n'hésite pas à comparer le nouveau président mexicain à une «rock star», puisque ce dernier, en plus d'être très charismatique, est marié à une riche actrice de telenovelas. Ainsi, il a su utiliser son image pour plaire à la population et se faire élire (1). Par ailleurs, cette victoire ramène au pouvoir le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), qui avait dirigé le pays pendant 71 ans, jusqu'à sa défaite de 2000 (2). Deux ans plus tard, cette lune de miel avec le PRI semble cependant terminée et l'image du président commence à s'effriter !
L'enlèvement : un mandat politique ?
La méfiance face au gouvernement est actuellement à son comble, le passé teinté de corruption du PRI ne s'est pas totalement effacé de l'imaginaire des Mexicains (3) ! C'est l'enlèvement des 43 étudiants de l'école normale rurale d'Ayotzinapa par des policiers liés au crime organisé à Iguala, une ville située dans le sud du Mexique, qui accentua la colère publique (4). Selon les informations officielles, les adolescents auraient été tués et brûlés pendant quatorze heures par des narcotrafiquants. Or, comme les corps sont difficilement identifiables et que tous n'ont pas été retrouvés, les parents des victimes mettent en doute les affirmations des autorités (5).
On soupçonne le maire d'Iguala, José Luis Abarca, et son épouse, María de los Angeles, d'être impliqués dans ces présumés meurtres, puisque celle-ci serait liée de très près au crime organisé (6). De plus, les 43 étudiants et futurs instituteurs disparus ne cadrent pas avec l'idéologie néolibérale mexicaine en place. Sans parler du fait que lors de leur enlèvement, ils allaient manifester contre des politiques d'embauche discriminatoires. En effet, le but des écoles normales rurales, issues de la révolution mexicaine, est de donner une éducation de qualité aux paysans. Or, ces institutions, considérées de gauche, intensifieraient l'esprit de contestation des jeunes (7).
La population en a assez de Pena Nieto
Le 1er décembre 2014, à la suite de l'inaction du gouvernement face à la disparition des 43 étudiants, une violente manifestation a eu lieu à Mexico, la capitale du pays. Les gens sur place ont cassé les vitrines des commerces et mis le feu aux bâtiments ; trois personnes furent officiellement arrêtées par la police (8). Le mouvement, qui a débuté sur les réseaux sociaux avec l' hashtag #YaMeCanse (je suis fatigué), reflète la frustration de la population fasse à l'infiltration du crime organisé dans les autorités locales (9). Les citoyens accusent Pena Nieto de faire preuve de laxisme face aux narcotrafiquants et d'avoir protégé le maire d'Iguala (10). Les sondages démontrent le mécontentement de la population face au président en place. D'après le journal Reforma, en décembre 2014, 58 % des Mexicains ont une mauvaise opinion de Pena Nieto. C'est le pire résultat, depuis au moins deux décennies, pour un président mexicain (11).
Certes, le Mexique a un lourd passé de corruption. La population ne fait confiance ni au gouvernement ni à la justice, d'ailleurs elle craint ces instances (12). Est-il possible qu'en manifestant leur mécontentement les citoyens arrivent à influencer le pouvoir en place ? Pour le moment, il est difficile de s'avancer sur le dénouement, mais il sera très intéressant d'observer dans les prochaines semaines, voire les prochains mois, ce qui adviendra.
(1) BÈLE, Patrick, « Un président «rock star» pour le Mexique », Le Figaro, en ligne le 3 juillet 2012, http://www.lefigaro.fr/international/2012/07/02/01... (page consultée le 18 décembre 2015).
(2) Le Monde, « Le retour des heures sombres au Mexique », en ligne le 22 novembre 2014, http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2014/11/22... (page consultée le 10 décembre 2015).
(3) ARCHIBOLD, C. RANDAL, « Mexico Faces Growing Gap Between Political Class and Calls for Change », The New York Times en ligne le 12 décembre 2014, http://www.nytimes.com/2014/12/13/world/in-mexico-... (page consultée le 18 janvier 2015).
(4) Le Monde, « Le retour des heures sombres au Mexique », en ligne le 22 novembre 2014, http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2014/11/22... (page consultée le 10 janvier 2015).
(5) SALIBA, Frédéric, « Au Mexique, les reste d'un des 43 étudiants disparus ont été identifiés », Le Monde, en ligne le 8 janvier 2015, http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2014/12/08... (page consultée le 10 janvier 2015).
(6) BARAJAS, Rafael et MIGUEL, Pedro, « Au Mexique le massacre de trop », Le Monde diplomatique, en ligne décembre 2014, http://www.monde-diplomatique.fr/2014/12/BARAJAS/51018? (page consultée le 10 janvier 2015).
(7) BARAJAS, Rafael et MIGUEL, op. cit.
(8) TUCKMAN, JO, «Mexican president's ratings slump as outrage grows over missing student teachers », The Guardian, en ligne le 2 décembre 2014, http://www.theguardian.com/world/2014/dec/01/mexic... (page consulté le 18 janvier 2015).
(9) Ici Radio-Canada, Entrevue avec Patricia Martin : « Mexique : Manifestations violentes suite au présumé massacre de 43 étudiants », en ligne 12 novembre 2014, http://archives.cerium.ca/Mexique-Manifestations-violentes? (consulté le 10 janvier 2015).
(10) France 24, « Au Mexique, "le royaume de la loi n'existe plus" », en ligne jeudi le 4 décembre 2014, http://www.france24.com/fr/20141204-mexique-royaum... consultée le 18 janvier 2015).
(11) EULICH, Whitney, « Out with Peña Nieto? For Mexicans, missing students case overshadows all », The Christian Science monitor, en ligne 2 décembre 2014, http://www.csmonitor.com/World/Americas/2014/1202/... (page consultée le 18 janvier 2015).
(12) Le Monde, « Pourquoi le Mexique se révolte après l'enlèvement de 43 étudiants », en ligne le 14 novembre 2014, http://www.dailymotion.com/video/x2a6m0p_pourquoi-... (page consultée le 10 janvier 2015).
Dernière modification: 2015-01-28 19:58:27
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