1 mai 2025

21 novembre 2017

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Budget militaire des États-Unis : une politique à la hausse qui risque de se répéter

Depuis l'investiture du président Donald Trump le 20 janvier 2017, la promesse d'une nouvelle Amérique plus forte était attendue. Le mot d'ordre était : « Make America Great Again », un slogan copié sur celui de l'ancien président républicain Ronald Reagan dans les années 1980 (1). Il est alors raisonnable de se demander en quoi la nouvelle administration exercera son influence pour appliquer des changements positifs aux politiques en vigueur.

Durant la campagne électorale, Donald Trump laisse entendre que l'Amérique a perdu de son lustre et qu'il faut investir des sommes importantes dans les infrastructures tout comme dans l'armée. Pour ce faire, il entend prioriser les politiques intérieures en délaissant l'interventionnisme américain (2). En ce sens, le dévoilement de son budget s'avère un bon portrait des priorités qui seront mises de l'avant lors de sa gouvernance.

Une certaine continuité

Les États-Unis ont toujours investi une importante part de leur budget annuel dans les mesures de défense. En effet, après la sécurité sociale et l'aide médicale, le budget de la défense (DoD) est le troisième plus important ministère aux États-Unis (3). Depuis 2007, les États-Unis d'Amérique n'ont jamais investi moins de 600 milliards annuellement dans ce budget (4). La tendance semble être en continuation avec cette politique.

Effectivement, selon les derniers chiffres officiels déposés par le gouvernement, le budget de base prévu est évalué à 574,5 milliards pour 2018 (5). À cela, il faut additionner les 64,9 milliards supplémentaires proposés au Congrès par l'administration de Donald Trump pour arriver à un total de 639 milliards pour 2018 (6). Une telle hausse constitue une augmentation de 9 % par rapport au budget de 2017 (7). Est-ce que cela s'avère une hausse historique comme l'affirme le président Trump? Non, puisque la dernière hausse d'envergure, en 2006-2007 par le président Georges W. Bush, avait fait grimper le budget militaire de 10,8 % (8).

Le Congrès américain a rendu son verdict et adopté un budget à la hausse frôlant les 700 milliards pour 2018 (9). Ce montant surpasse de près de 15 % le budget militaire de Barack Obama lors de la dernière année de sa présidence en 2016, en plus de dépasser de 26 milliards le budget réclamé par la Maison Blanche (10). En somme, l'augmentation désirée par le 45e président des États-Unis se situe parmi les plus importantes des dernières années et s'avère une hausse notable par rapport à son prédécesseur.

Les frais d'une puissance hégémonique

Le budget de la défense se divise entre différents secteurs. Tout d'abord, le Département de la Défense totalise 575 milliards et représente la plus large partie du budget (11). Il s'occupe notamment du maintien fonctionnel des unités militaires réparties dans le pays ainsi que dans le reste du monde. De cette somme, 30 % est consacré à l'Armée de l'air, 30 à 35 % est destiné à la Marine et aux soldats de terre et le 25 % restant est remis à l'Armée (12). Ensuite, 65 milliards sont investis dans la lutte aux groupes terroristes situés à l'extérieur du pays, tels l'État islamique (13). Le troisième secteur compte pour 175 milliards et comprend l'ensemble des agences chargées de protéger le pays: Département des vétérans, Département d'État, Sécurité intérieure, la cybersécurité et le FBI, le Département de Justice et le Département national sur la sécurité de l'énergie nucléaire (14). Finalement, le dernier secteur prévoit 12 milliards pour appuyer le travail du Département de la sécurité intérieure pour combattre le terroriste (15).

Le nouveau budget servira à l'achat de nouveaux équipements militaires, tels que des nouveaux avions de chasse, des hélicoptères, des chars et blindés, des navires de guerre et des sous-marins (16). Bref, c'est tout l'appareil militaire qui est renforcé par ce budget.

Avec une augmentation significative du budget de l'armement, il est raisonnable de se demander comment l'actuel président des États-Unis financera une telle hausse, lui qui a affirmé en campagne électorale que ces augmentations n'alourdiront pas la dette publique des Américains. Le gouvernement débloquera donc des fonds en coupant de 28 % le budget des Affaires étrangères et de 30 % celui de l'Agence de protection de l'environnement (17). Aux yeux de Donald Trump, le ministère des Affaires étrangères est inefficace : « Nous allons faire plus avec moins, le gouvernement sera plus modeste et devra rendre des comptes (18). » Pour ce qui est des coupes à l'Agence de protection de l'environnement, la position documentée du président par rapport à ce phénomène ne surprend personne.

Des raisons justifiables, mais non sans risques

Un tel investissement dans l'armement en temps de paix nous porte à nous questionner sur les intentions du président. Selon Mark F. Cancian, conseiller international en programmes de sécurité, la stratégie derrière l'augmentation du budget de l'armée repose sur deux volets. D'une part, la compétition entre les grandes puissances étrangères est revenue à l'agenda. En améliorant leurs forces militaires, la Chine et la Russie peuvent rivaliser avec les États-Unis dans les domaines militaires classiques.

Cependant, toujours selon Cancian, les affrontements futurs se dérouleront par l'entremise de technologies d'attaques à distance, avec des missiles de précision à longue portée et l'utilisation de drones (19). Voilà pourquoi il est impératif, selon lui, d'investir dans ces nouvelles méthodes et de ne pas seulement dicter les politiques de défense selon les dangers immédiats, mais de tenir compte des nations pouvant constituer une menace potentielle (20). D'autre part, un manque d'équité dans les subventions remises aux 4 principales branches de l'armée (l'armée de terre, la force navale, l'aviation et le corps de Marines) sous la présidence Obama a contribué à une compétition interne entre celle-ci (21).

Cependant, Yves Bélanger, professeur titulaire de sciences politiques de l'UQAM et directeur du Groupe ressource sur l'industrie militaire et la sécurité (GRIMS), a décelé une relation directe entre la somme versée aux forces militaires et les conflits d'envergure. En d'autres termes, l'augmentation des dépenses militaires est habituellement en réponse à un conflit armé avec une puissance étrangère. Puisque aucun nouveau conflit n'a présentement lieu entre les États-Unis et d'autres États, il est donc logique d'avancer que les mesures budgétaires prises par le gouvernement Trump sont une réponse à la montée chinoise (22).

La Chine poursuit ses investissements militaires de manière constante depuis les 10 dernières années et est désormais la deuxième puissance militaire au monde avec un budget annuel de 150 milliards. Selon Barthélémy Courmont, politologue français et directeur de recherche à l'IRIS : « Ces hausses sont motivées par la nécessité (d'avoir une armée) conforme à l'affirmation de puissance de la Chine, une superpuissance économique en plein essor, et un acteur politique et géopolitique qui voit son rôle se conforter sur la scène internationale (23).»

Malgré tout, le budget de défense américain reste nettement plus important en ce qui a trait aux sommes dépensées. En effet, ses coûts surpassent l'ensemble des 9 autres pays disposant des plus gros budgets militaires combinés (24).




Références:

1) ENGEL, Pamela, « How Trump came up with his slogan Make America Great Again », Business Insider, 18 janvier 2017, http://www.businessinsider.com/trump-make-america-... (consulté le 18 novembre 2017).

2) HUBERT-RODIER, Jacques, « L'Amérique de Donald Trump : une volonté de rempli sur soi », Les Echos.fr, 9 novembre 2016, https://www.lesechos.fr/monde/elections-americaine... (consulté le 19 novembre 2017).

3) NATIONAL PRIORITIES PROJECT, Military Spending in the United States, https://www.nationalpriorities.org/campaigns/milit... (consulté le 17 novembre 2017).

4) STOCKHOLM INTERNATIONAL PEACE RESERCH INSTITUT, « SIPRI Military Expenditure Database », SIPRI database, https://www.sipri.org/databases/milex, (consulté le 17 novembre 2017).

5) U.S DEPARTEMENT OF DEFENSE, DoD Releases Fiscal Year 2018 Budget Proposal, 23 mai 2017, https://www.defense.gov/News/News-Releases/News-Re... (consulté le 18 novembre 2017).

6) Loc. cit.

7) CAVELIER, Jeanne, « Budget militaire: les fait derrière la « hausse historique » annoncée par Donald Trump », Le Monde.fr, 1 mars 2017, http://www.lemonde.fr/ameriques/article/2017/02/28... (consulté le 18 novembre 2017).

8) Loc.cit.

9) SHUGERMAN, Emily, « House surpasses Trump's « historic » proposal for military spending with massive defence bill », Independent, 14 juillet 2017, http://www.independent.co.uk/news/world/americas/u... (consulté le 18 novembre 2017).

10) DANIELS, Jeff, « Senate pass $ 700 billion in defense policy bill, backing Trump call for steep increase in military spending », CNBC, 18 septembre 2017, (consulté le 18 novembre 2017).

11) AMADEO, Kimberly, « U.S Military Budget : Components, Challenges, Growth », The Balance, 10 août 2017, https://www.thebalance.com/u-s-military-budget-com... (consulté le 18 novembre 2017).

12) Loc. cit.

13) Loc. cit.

14) Loc. cit.

15) Loc. cit.

16) Loc. cit.

17) AUTRAN, Frédéric, « En coulisse, les sénateurs américains torpillent le budget Trump », Libération, 13 septembre 2017, http://www.liberation.fr/planete/2017/09/13/en-cou... (consulté le 19 novembre 2017).

18) CONESA, Elsa, «Trump fait de la défense sa priorité budgétaire », Les Echos.fr, 27 février 2017, https://www.lesechos.fr/27/02/2017/lesechos.fr/021... CANCIAN, Mark, « Clash of Strategies: Capability Or Capacity, Today Or Tomorrow », Break Defense, 26 octobre 2017, https://breakingdefense.com/2017/10/clash-of-strat... (consulté le 18 novembre 2017).

20) Loc. cit.

21) Loc. cit.

22) BÉLANGER, Yves & Aude Fleurant, « Les dépenses militaires la fin des cycles?» Interventions économiques, 2010, https://interventionseconomiques.revues.org/1206, (consulté le 19 novembre 2017).

23) LES ECHOS, « La Chine augmente à nouveau son budget militaire », 4 mars 2017, https://www.lesechos.fr/04/03/2017/lesechos.fr/021... (consulté le 23 novembre 2017).

24) McPhillips, Deidre, « U.S a global Leader in Military Spending », U.S News, 11 novembre 2016, https://www.usnews.com/news/best-countries/article... (consulté le 23 novembre 2017).

Dernière modification: 2017-11-25 14:14:22

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Jeff Boulais
analyste en formation
École de politique appliquée,
Faculté des lettres et sciences humaines
Université de Sherbrooke

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