1 avril 2025

17 septembre 2019

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Un mandat polarisant pour Mario Draghi à la Banque centrale européenne

Le 31 octobre 2019, Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne (BCE), remettra les clés de la présidence de cette organisation à Christine Lagarde (1), une ex-ministre de l'Économie française sous le président Nicolas Sarkozy et ex-directrice générale du Fonds monétaire international (2). Les élections, qui étaient fortement anticipées par la communauté économique européenne, soulevaient deux questions : comment considérer le bilan de Draghi depuis sa prise en fonction de la présidence en novembre 2011, et qui était le meilleur candidat possible pour le remplacer à la BCE?

L'arrière-scène de la BCE

La BCE est une institution centrale de l'Union européenne (UE) dont la mission principale est de « maintenir la stabilité des prix et [à] sauvegarder la valeur de l'euro (3) ». Cette organisation est dirigée par le Conseil des gouverneurs, composé de 6 membres du directoire de la BCE et des 19 gouverneurs des banques centrales nationales de chaque pays membre de la zone euro (4).

À la tête du Conseil, on retrouve le président de la BCE, dans ce cas Mario Draghi, qui a comme principale fonction de diriger le directoire. Ce sous-groupe composé du président, du vice-président et de quatre membres supplémentaires est nommé par le Conseil européen, l'institution regroupant les chefs d'États ou de gouvernements de l'UE et qui est considérée comme étant au sommet de l'organisation supranationale (5). Le directoire s'assure notamment du fonctionnement des réunions du Conseil des gouverneurs. Toutefois, il voit surtout à la mise en œuvre de la politique monétaire de l'euro en suivant les orientations du Conseil et en donnant des directives économiques aux banques centrales de chaque pays membre de la zone euro (6).

Une « outsider » remporte la présidence

Si nombre de candidats peuvent sembler intéressants à la présidence, il est particulièrement difficile de prédire le vainqueur des élections sans avoir recours aux discussions à l'intérieur même du Conseil européen. Toutefois, il fut possible de supposer l'attrait de certains candidats. On retrouvait notamment Jens Weidmann, président de la Bundesbank, François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque française, ainsi que les Finlandais Erkki Liikanen et Olli Rehn, tous deux vétérans du Conseil des gouverneurs de la BCE dont Rehn est encore membre en 2019 (7).

C'est Christine Lagarde qui héritera du poste, à la surprise des analystes économiques qui avaient mentionné son nom, mais sans plus. On s'attend d'elle à une continuation du travail entrepris par Draghi et de tenir tête à la concurrence de l'euro, notamment les présidents Donald Trump aux États-Unis et Xi Jinping en Chine (8).

Un bilan qui divise les analystes

Quand Mario Draghi est entré en fonction en novembre 2011, les attentes sur sa candidature étaient élevées. Draghi avait charmé la communauté économique européenne en démontrant son leadership impressionnant et des qualités évidentes pour diriger la BCE.

Si le président de l'organisation était traditionnellement sans avantage réel comparativement aux autres membres du directoire, Draghi a réussi à élever ce rôle et à en faire un des plus respectés et consultés sur les questions économiques de l'UE (9). Draghi est arrivé durant une période particulièrement incertaine pour l'euro et a notamment travaillé à réduire la dette nationale de chaque pays membre. Il a entrepris ce pourquoi le Conseil européen l'a nommé immédiatement à son arrivée et bien des spécialistes affirment que l'économie européenne aurait pu être bien pire sans ses interventions (10).

Draghi a toutefois été critiqué par rapport à son apparente préférence à régler la situation des pays plus endettés de la zone euro, comme l'Espagne, l'Italie et la Grèce. Si certains pensaient que des raisons patriotiques et régionales étaient derrière les solutions posées par Draghi, d'autres considéraient que ses mesures étaient portées par une pensée plus socialiste et plus égalitaire. Des critiques lui sont aussi formulées par rapport à son délaissement apparent de l'organisation économique à la fin de son mandat et à la façon dont il semble laisser la BCE sans direction et sans marge de manœuvre (11).

Draghi laisse donc un bilan raisonnable et efficace, mais critiqué. La succession de la présidence de la BCE à Christine Lagarde sera une situation à observer au cœur d'une période incertaine pour l'UE, à l'aube d'un Brexit éventuel.




Références:

(1) Fonds monétaire international, « Déclaration de Christine Lagarde sur sa nomination pour la Présidence de la Banque centrale européenne », 2 juillet 2019, https://www.imf.org/fr/News/Articles/2019/07/02/pr... consulté le 16 septembre 2019.

(2) Fonds monétaire international, « Christine Lagarde – Notice Bibliographique », 16 juillet 2019, https://www.imf.org/fr/About/senior-officials/Bios... consulté le 16 septembre 2019.

(3) Banque centrale européenne, « À propos de la Banque centrale Européenne », https://www.ecb.europa.eu/ecb/html/index.fr.html, consulté le 9 septembre 2019.

(4) Banque centrale européenne, « Le Conseil des gouverneurs », https://www.ecb.europa.eu/ecb/orga/decisions/govc/... consulté le 16 septembre 2019.

(5) Conseil européen, « Rôle du Conseil européen dans les désignations et les nominations », 29 mai 2019, https://www.consilium.europa.eu/fr/european-counci... consulté le 9 septembre 2019.

(6) Banque centrale européenne, « Le Directoire », https://www.ecb.europa.eu/ecb/orga/decisions/eb/ht... consulté le 16 septembre 2019.

(7) SARAIVA, Catarina, SKOLIMOWSKI, Piotr et Carolynn LOOK, « Weidmann Is Top Dog Again in ECB Race After Shifting Policy View », Bloomberg, 28 juin 2019, https://www.bloomberg.com/graphics/2018-who-will-b... consulté le 16 septembre 2019.

(8) WARNET, Michèle, « Pourquoi Christine Lagarde a remporté la BCE », 8 juillet 2019, https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-fi... consulté le 16 septembre 2019.

(9) Agence France Presse, « Avant de changer de capitaine, la BCE en plein débat sur son cap », Bilan, 24 mai 2019, https://www.bilan.ch/finance/avant-de-changer-de-c... consulté le 9 septembre 2019.

(10) GODART, Nina, « Mario Draghi à la BCE : l'heure du bilan », BFM Business, 1er octobre 2019, https://bfmbusiness.bfmtv.com/monde/mario-draghi-a... consulté le 9 septembre 2019.

(11) JANSON, Nathalie, « La délicate question de la succession de Mario Draghi à la tête de la BCE », La Tribune, 7 juin 2019, https://www.latribune.fr/opinions/tribunes/la-deli... consulté le 9 septembre 2019.

Dernière modification: 2019-09-23 11:45:18

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