Kenya : inondations historiques dans un contexte particulier

Chaque année, la région de l'Afrique de l'Est, dont le Kenya, est secouée par des inondations qui peuvent s'étendre du mois de mars jusqu'au mois de juin (1). Toutefois, cette année, le Kenya fait face à une situation plus qu'inhabituelle. Les inondations sont d'une intensité inattendue, la crise de la COVID-19 secoue le pays et une deuxième vague de criquets pèlerins menace les récoltes. Portrait d'une conjoncture hors du commun.

Changements anthropiques mis en cause

Tout d'abord, il faut considérer les particularités du territoire kenyan. Dû à sa géographie particulièrement montagneuse, le Kenya est plus enclin aux forts orages, aux inondations et aux glissements de terrain, car les pluies sont poussées vers les terres habitées (2). Durant la saison des pluies, le pays a été secoué par des précipitations particulièrement intenses et un niveau des eaux, notamment au lac Victoria, le plus grand d'Afrique, particulièrement élevé en 2020. Le phénomène a même été qualifié de « mystère écologique (3) ».

Dans les années 1960, 10 % du territoire kenyan était recouvert de forêts. En 2009, ce pourcentage est passé à 6 %. Ce phénomène s'explique notamment par la forte déforestation que connait le pays depuis son indépendance, découlant de l'exploitation des industries du charbon et du bois. Cette gestion du territoire ne fait qu'accroître les répercussions humaines liées aux changements climatiques telles que l'érosion du sol, les inondations et la difficulté en approvisionnent en eau potable durant les périodes de sécheresse (7). Ainsi, les terres sont moins prêtes à retenir l'eau lors de fortes pluies et causent de plus en plus de dommage aux populations.

Des circonstances particulières

Cependant, cette saison d'inondations est particulièrement difficile puisque, depuis le mois de mai, une série de problèmes s'abattent sur le Kenya. Le pays doit faire face à plus d'une crise en combattant à la fois les effets de la hausse du niveau des eaux, la pandémie mondiale de la COVID-19 et la menace du criquet pèlerin.

Depuis la mi-mars, le Kenya a dû s'attaquer, comme le monde entier, à la pandémie du coronavirus. Durant l'été, il comptait environ 15 000 décès liés à ce virus. Le gouvernement a d'ailleurs mis en place des mesures pour faire face à la pandémie, mais celles-ci étaient très peu adaptées à la réalité du terrain et se font encore attendre dans certaines régions (4).

De surcroît, depuis la fin décembre 2019, le pays doit affronter une invasion sans précédent de criquets pèlerins. Ces insectes ravagent les récoltes et mettent ainsi en péril la sécurité alimentaire de millions de Kenyans. Il s'agit de l'envahissement le plus spectaculaire des 25 dernières années (5).

Des centaines de morts, la destruction de nombreuses infrastructures, des cultures maraichères ravagées, des lignes électriques endommagées et environ 110 000 personnes déplacées complètent le portrait de ces inondations (6).

Une réponse gouvernementale inadéquate

Étant sollicité par trois crises d'envergure en même temps, le gouvernement kenyan a, selon certains, donné une réponse plutôt timide à sa population. Celui-ci a annoncé l'envoi de produits d'hygiène dans les camps de déplacés pour freiner la propagation de la COVID-19, la distribution de nourriture et la transmission de toute autre forme d'aide pertinente (8).

Cependant, selon le secrétaire général de la Croix-Rouge kenyane, Asha Mohammed, l'aide gouvernementale est grandement insuffisante pour les besoins réels des victimes (9). En effet, au sein des populations affectées, la grogne se fait sentir. Selon elles, le gouvernement semble complètement déconnecté de la situation, sans plan réel outre l'évacuation des personnes touchées (10). D'ailleurs, selon le gouverneur de la région du Syaya, James Okumbe, les plans pour la construction de barrages et de remparts avaient été retardés (11).

Dans une optique où le vice-président, William Ruto, fait déjà face à des accusations de corruption dans la gestion de fonds et de matériel médical pour la pandémie mondiale (12), il s'agira d'observer maintenant si le gouvernement réajustera le tir. En effet, il devra mettre en branle un plan qui attaquerait de front les inondations dévastatrices, la crise de la COVID-19 et l'invasion intensifiée des criquets pèlerins, surtout qu'aucune de ces crises ne semble être sur le point d'être réglée.

-N.D.L.R.: Il est possible que des hyperliens actifs au moment de la recherche et de la rédaction de cet article ne le soient plus ultérieurement.

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