17 avril 2025

11 février 2020

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Maintien de l'accord sur le nucléaire iranien : une mission impossible?

Le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, est arrivé en Iran le 3 février 2020 pour tenter de préserver l'accord sur le nucléaire iranien. Cette visite a pour but d'essayer d'atténuer les tensions internationales entre l'Iran et les États-Unis, deux pays ennemis qui sont apparus au bord de la guerre en début d'année, pour la deuxième fois en l'espace de quelques mois (1).

Une lutte d'influence

C'est le 14 juillet 2015 à Vienne que l'accord sur le nucléaire iranien a été conclu, après plus de 12 ans de crise et de négociations acharnées entre l'Iran et les cinq membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies (États-Unis, Chine, Russie, France, Royaume-Uni) ainsi que l'Allemagne (2). Cet accord planifie une levée progressive et conditionnelle des sanctions internationales imposées à l'Iran, qui en retour s'engage à contrôler son programme nucléaire (3). Le but étant de rendre presque impossible à ce pays de se munir d'une bombe atomique.

Depuis que les États-Unis ont unilatéralement mis fin à l'accord en 2018, le président Donald Trump a imposé les sanctions les plus sévères de l'histoire à l'Iran (4). Ce pays est donc isolé du système financier international, ce qui lui a fait perdre certains acheteurs de son pétrole et l'a conduit à une violente récession (5). De ce fait, en réponse au retrait américain, le gouvernement iranien a renoncé à plusieurs engagements qu'il avait pris aux termes de l'accord et a annoncé qu'il reviendrait sur sa décision uniquement si les autres pays signataires prennent des mesures pour protéger l'économie iranienne des sanctions américaines. Cependant, en voyant l'absence d'actions de la part de l'Union européenne, l'Iran n'a pas hésité à riposter. Ainsi, le 5 janvier 2020, l'Iran enclenche la dernière étape de son plan en supprimant toutes les limites de ses activités nucléaires (6).

Selon un spécialiste de l'Iran, Hervé Ghannad, malgré la bonne volonté de l'Union européenne, celle-ci est contrainte par l'extraterritorialité du droit américain, puisque son économie est étroitement reliée à l'économie américaine et au dollar, ce qui empêche ses membres de faire affaire avec l'Iran (7). En empêchant les Européens de réaliser un effort pour rétablir l'accord initial sur le nucléaire, l'extraterritorialité américaine laisse croire qu'il y a peu de chance que l'accord puisse être préservé.

Une visite des plus importantes

En se rendant à Téhéran, Josep Borrell avait comme mission de faire baisser les tensions et trouver de possibles solutions politiques à la crise actuelle (8). Lors de sa visite, Borrell a pu s'entretenir avec le président Hassan Rohani, le président du Parlement Ali Larijani et le ministre des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif. Différents sujets ont été abordés avec ces responsables iraniens, notamment les tensions avec les États arabes du golfe Persique, mais la question de l'accord sur le nucléaire iranien reste tout de même le thème central (9).

Selon le haut responsable européen, coopérer avec l'Iran a toujours été important pour l'Union européenne (10). C'est pour cette raison que la visite apparaissait nécessaire, mais c'est aussi, selon Hervé Ghannad, une bonne occasion de démontrer que même après le Brexit, il existe encore une diplomatie européenne. Lors de ses entretiens, Borrell a tenu à s'excuser au nom de l'Union européenne qui n'a pas respecté ses engagements (11). D'ailleurs, le diplomate européen, qui compte poursuivre son rôle de coordinateur de l'accord, a même invité Zarif à Bruxelles pour maintenir le dialogue (12).

Selon un communiqué de la présidence iranienne, Hassan Rohani a déclaré, à la suite de la visite, qu'il demeure prêt à coopérer avec l'Union européenne en vue d'une résolution des problèmes et à respecter les engagements de son pays, lorsque les autres pays de l'accord rempliraient à leur tour leurs obligations (13). Le président a aussi confirmé que l'Iran va continuer, pour l'instant, de se soumettre au régime d'inspection sur mesure, qui reste d'ailleurs le plus contraignant jamais créé par l'Agence internationale de l'énergie atomique (14).




Références:

(1) JOURDIER, Marc, « Nucléaire : le diplomate en chef de l'UE à Téhéran pour faire “baisser les tensions” », Agence France-Presse dans La Presse, 3 février 2020, https://www.lapresse.ca/international/moyen-orient... consulté le 7 février 2020

(2) Agence France-Presse, « Que contient l'accord sur le nucléaire iranien ? », Radio-Canada, 8 mai 2018, https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1099710/accor... consulté le 7 février 2020

(3) Loc. cit.

(4) The Tehran Times, « Iran to take next nuclear step if Borrell visit proves unfruitful: top MP », 3 février 2020, https://www.tehrantimes.com/news/444812/Iran-to-ta... consulté le 7 février 2020

(5) JOURDIER, Marc, op. cit.

(6) The Tehran Times, op. cit.

(7) SALECK, Hakim, « L'UE peut-elle sauver l'Accord sur le nucléaire iranien ? “Non, Donald Trump est dans une logique hégémonique” », Sputnik France, 4 février 2020, https://fr.sputniknews.com/international/202002041... consulté le 7 février 2020

(8) Agence France-Presse, « Nucléaire : attendu à Téhéran, Borrell veut faire “baisser les tensions” », Courrier international, 3 février 2020, https://www.courrierinternational.com/depeche/nucl... consulté le 7 février 2020

(9) SALECK, Hakim, op. cit.

(10) The Tehran Times, « Iran's Zarif, EU's Borrell discuss nuclear deal in Tehran », 3 février 2020, https://www.tehrantimes.com/news/444814/Iran-s-Zar... consulté le 7 février 2020

(11) Loc. cit.

(12) REGNIER, Philippe, « Accord nucléaire Téhéran douche les espoirs des Européens », Le Soir, 6 janvier 2020, https://nouveau.eureka.cc/PdfLink/e3DxDCUeZ09hXGUr... consulté le 7 février 2020

(13) JOURDIER, Marc, op. cit.

(14) Loc. cit.

European Union External Action, « Press release following High Representative/Vice-President Josep Borrell's official visit to Iran », 4 février 2020, https://eeas.europa.eu/headquarters/headquarters-h... consulté le 7 février 2020

Dernière modification: 2020-02-17 07:49:11

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Lily Bourezg
analyste en formation
École de politique appliquée,
Faculté des lettres et sciences humaines
Université de Sherbrooke

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