14 mai 2025

1 novembre 2022

Countryflag

Coupe du monde 2022 au Qatar : des défis de taille

Le 20 novembre 2022 marquera le début de la Coupe du monde de la Fédération internationale de football association (FIFA) qui, pour sa première édition dans un pays du Moyen-Orient, se tiendra au Qatar jusqu’au 18 décembre. Cet événement grandement attendu aux quatre ans dans le monde du sport vient avec son lot de défis liés à l’ampleur du tournoi.

En effet, la vie au Qatar n’est plus la même depuis 2010, année où la FIFA a annoncé que la Coupe du monde 2022 se tiendrait dans ce petit pays du Moyen-Orient. De multiples chantiers de construction parsèment le pays depuis les douze dernières années, alors que des changements législatifs s’opèrent en parallèle pour rejoindre les standards de l’organisation sportive (1). Ces importants projets sont nécessaires pour accueillir environ 1,2 million de spectateur.trice.s qui se rendront au pays, chiffre qui représente presque la moitié de sa population totale (2).

Un budget faramineux

Accueillir un nombre de touristes aussi important en moins d’un mois demande des efforts logistiques énormes, qui se traduisent en un budget tout aussi imposant. Au moment de la demande du Qatar pour héberger la Coupe, en 2010, le pays prévoyait dépenser 3 milliards de dollars US pour la construction de neuf stades et la rénovation de trois autres (3). Aujourd’hui, le nombre total de stades a été réduit à neuf et le budget estimé pour leur construction ou leur restauration a grimpé à hauteur de 6 à 10 milliards de dollars US (4).

Cependant, la mise sur pied des stades ne représente qu’une infime partie du budget total, d’environ 220 milliards de dollars, déployé par le Qatar pour la tenue de l’événement (5). Ce montant est attribuable à la construction et la modernisation d’infrastructures comme des routes, des hôtels, du transport en commun, des aéroports et même un système d’égouts (6).

À titre de comparaison, la Coupe du monde de 2018, tenue en Russie, avait un budget d’environ 11,6 milliards de dollars, alors que celle qui se déroulait au Brésil, en 2014, en a coûté 15 (7).

Risques sécuritaires de toutes sortes

L’organisation d’un événement sportif international d’une telle ampleur impose de multiples enjeux sécuritaires. Le premier a été soulevé en 2010, lorsque le Qatar, dans sa proposition initiale pour héberger le tournoi, a suggéré de combattre la chaleur accablante du mois de juillet avec des stades refroidis grâce à de la technologie qui était à l’époque avant-gardiste. En 2015, la FIFA a cependant conclu que pour la sécurité des joueur.se.s et des spectateur.trice.s, le tournoi devrait se tenir lors de mois plus froids (8).

Le Qatar se prépare aussi à devoir gérer d’éventuels attentats terroristes, en raison du climat géopolitique instable qui règne au Moyen-Orient. C’est pourquoi l’État s’est équipé d’avions Eurofighter Typhoon qui, en collaboration avec des appareils du Royaume-Uni et des radars italiens, patrouilleront le ciel pendant la durée du tournoi (9). L’arrivée d’éventuelles menaces par l’eau a aussi été prise en compte, poussant le gouvernement du Qatar à acquérir sept nouveaux navires équipés de systèmes de combat et de surveillance et à développer un centre d’opérations navales, premier de ce type au pays (10).

Les menaces qui pourraient provenir de l’intérieur n’ont pas non plus été ignorées. Pour se préparer à des risques liés aux mouvements de foules, à des bagarres ou même à des émeutes, les forces policières qataries se sont dotées de systèmes de surveillance qui permettront d’évaluer des potentiels incidents et même de les prévenir en agissant en amont (11). Au total, des effectifs d’environ 49 000 personnes sont prévus pour assurer la sécurité de l’événement, dont 32 000 proviennent du secteur gouvernemental. Le Qatar a conclu des ententes avec 13 pays pour arriver à rassembler ce nombre impressionnant (12).

Le pays a aussi installé des mesures pour contrecarrer d’éventuelles cyberattaques. Pour ce faire, des simulations de piratage des programmes et des sites nécessaires de près ou de loin au bon fonctionnement du tournoi ont été mises en place, afin d’assurer une réponse rapide et efficace de l’Agence de cybersécurité nationale. Cette agence a également procuré des formations à plus de 25 000 employé.e.s de divers secteurs et a fait la promotion de l’autoprotection des individus, par la sensibilisation aux bonnes pratiques de cybersécurité (13).

Sombre portrait pour les droits humains

De manière générale, les droits humains ne sont pas en très bon état au Qatar, et ce, depuis plusieurs années. C’est ce que démontre l’indice de liberté humaine, attribué chaque année par l’institut Cato, qui est un indicateur composite regroupant 82 indicateurs distincts de liberté personnelle et économique (14). Mondialement, le Qatar s’y classe 128e sur 165 pays, avec un score de 6,15 sur 10, pointage qui a diminué de 0,04 depuis 2010 (15).

Des conditions de travail exécrables ont été dénoncées dans le cadre des préparations pour la Coupe. Plusieurs organisations, dont Amnistie internationale, ont mis en évidence l’exploitation, les menaces et les conditions de vie que subissent les travailleur.se.s immigrant.e.s du pays (16). Une enquête du journal The Guardian a également révélé en 2021 que plus de 6500 ouvrier.re.s sont morts depuis 2010 pendant des travaux liés au tournoi (17). Récemment, des milliers de travailleur.se.s ont d’ailleurs été évacués du pays, dans l’espoir de libérer des logements pour les touristes attendus (18).

La question des droits LGBTQ+ est également très importante, puisque le Code pénal du pays (2004) criminalise les individus appartenant à cette communauté ainsi que les activités sexuelles entre partenaires du même sexe, avec des sentences pouvant aller jusqu’à la lapidation (19).

Malgré l’énorme budget alloué à l’événement, le portrait peu reluisant des droits humains des Qatari.e.s ou même des circonstances entourant le choix du Qatar comme hôte de la Coupe du monde 2022 (20), la FIFA n’a pas modifié son choix. Seul le temps dira si cela était une décision judicieuse.

Médiagraphie

(1) INTERNATIONAL BAR ASSOCIATION, « FIFA 2022 World Cup: Qatar’s preparation and legislation », [hyperlien] consulté le 31 octobre 2022.

(2) FOXMAN, Simone, « With Two Months to Qatar’s World Cup, There’s a Lot Left to Do », Bloomberg, 22 septembre 2022, [hyperlien] consulté le 31 octobre 2022.

(3) FIFA, « Bid Evaluation Report : Qatar », 2010, p.6, [hyperlien] consulté le 31 octobre 2022.

(4) ARMSTRONG, Martin, « World Cup in Qatar: The Most Expensive Ever », Statista, 23 septembre 2022, [hyperlien] consulté le 31 octobre 2022.

(5) loc. cit.

(6) SAENZ, Mauricio, « Is Qatar ready for the World Cup? », El Futbolero, 30 septembre 2022, [hyperlien] href='/./bilan/servlet/BMPays/QAT'>Qatar-ready-for-the-World-Cup-20220930-0029.html, consulté le 31 octobre 2022.

FOXMAN, op. cit.

(7) KILLINGSTAD, Liam, « The Most Expensive World Cup in History », Front Office Sports, 10 avril 2022, [hyperlien] consulté le 31 octobre 2022.

(8) DAS, Andrew, « Your World Cup Questions, Answered », The New York Times, 31 mars 2022, [hyperlien] consulté le 31 octobre 2022.

(9) HELOU, Agnes, « From fighter jets to counter-UAV tech, Qatar prepares World Cup security », Breaking Defense, 2 septembre 2022, [hyperlien] consulté le 31 octobre 2022.

(10) loc. cit.

(11) loc. cit.

(12) MOHAMED, Hamza, « How Qatar is planning to ensure security at World Cup 2022 », Al Jazeera, 26 octobre 2022, [hyperlien] consulté le 31 octobre 2022.

(13) QATAR NEWS AGENCY, « World-class cyber security systems to be deployed during World Cup 2022 », Gulf Times, 14 août 2022, [hyperlien] consulté le 31 octobre 2022.

(14) CATO INSTITUTE, « Human Freedom Index », [hyperlien] consulté le 31 octobre 2022.

(15) VÁSQUEZ, Ian, et. al, « The Human Freedom Index 2021 », p. 306-307 [hyperlien] consulté le 31 octobre 2022.

(16) AMNESTY INTERNATIONAL, « Qatar World Cup of Shame », [hyperlien] consulté le 31 octobre 2022.

(17) PATTISSON, Pete et MCINTYRE, Niamh, « Revealed: 6,500 migrant workers have died in Qatar since World Cup awarded », The Guardian, 23 février 2021, [hyperlien] consulté le 31 octobre 2022.

(18) MILLS, Andrew, « Exclusive: Thousands of workers evicted in Qatar's capital ahead of World Cup », Reuters, 29 octobre 2022, [hyperlien] consulté le 31 octobre 2022.

(19) HUMAN DIGNITY TRUST, « Qatar », 2022, [hyperlien] consulté le 31 octobre 2022.

(20) PANJA, Tariq et DRAPER, Kevin, « U.S. Says FIFA Officials Were Bribed to Award World Cups to Russia and Qatar », The New York Times, 6 avril 2020, [hyperlien] consulté le 31 octobre 2022.



Dernière modification: 2022-11-07 12:19:13

-N.D.L.R.: Il est possible que des hyperliens actifs au moment de la recherche et de la rédaction de cet article ne le soient plus ultérieurement.

Autres analyses

Pour la liste complète de nos bulletins sur l'actualité, consultez la rubrique analyse. Ces bulletins sont rédigés par des étudiants et étudiantes du programme d'Études politiques appliquées de l'Université de Sherbrooke. La recherche et la rédaction sont supervisées par notre rédacteur en chef Serge Gaudreau.

Charles Verret
analyste en formation
École de politique appliquée,
Faculté des lettres et sciences humaines
Université de Sherbrooke