5 avril 2025

21 janvier 2007

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La Charte 77 : un élan vers la liberté

Bien que n'ayant pas « d'ambitions politiques », l'esprit de la Charte 77 a eu une forte portée symbolique pour la Tchécoslovaquie (1). Et trente années après, la résonance émise par ce document, témoignage d'une lutte pour la liberté, se fait encore entendre.

Créée en 1977, la Charte 77 est le reflet d'un mouvement contestataire intellectuel qui apparaît dans un climat social encore marqué par le printemps de Prague. Le printemps de Prague correspond à une période de libéralisation et de dégel politique amorcée en 1968. Alexandr Dubcek, alors à la tête du Parti réformateur, en est le chef de file. Face à sa popularité croissante, ce projet de « Socialisme à visage humain » devient très rapidement une menace et finit par être réprimé par le Parti Communiste (PC). Malgré cet échec, cet événement s'inscrit dans les esprits, notamment pour ceux qui vont être les auteurs de la future Charte 77.

Cette Charte est, pour quelques intellectuels tchécoslovaques, une façon d'affirmer leur indignation à l'égard de leur gouvernement. Effectivement, en adoptant une attitude répressive à l'encontre d'un groupe de rock (2), l'autorité gouvernementale n'avait pas respecté les droits de l'homme énoncés dans l'acte de la Conférence d'Helsinki (1975) dont elle était signataire. Dès lors, une réunion visant à critiquer l'attitude du gouvernement communiste est organisée en 1976. Une pétition qui prend le nom de Charte 77 (l'année de sa création) commence à circuler (3). Le charismatique écrivain Vaclav Havel, le professeur Jan Patocka, l'ancien ministre des Affaires étrangères Jiri Hajek(4), sont les auteurs et les premiers signataires de ce document qui, par la suite, circule et passe aux mains de nombreux autres intellectuels et artistes (5). L'ampleur du mouvement dépasse les frontières, et cela, grâce aux multiples publications à travers le monde de la Charte elle-même, mais aussi de documents exprimant l'insatisfaction d'une partie de la population face à la situation du pays (572 publications seront comptabilisées en 1989). La réaction du gouvernement communiste ne se fait pas attendre. Il élabore une contre pétition (6) intitulée « l'anticharte ». De nombreux artistes et intellectuels sont fortement sollicités pour la signer, dont Bohumil Hrabal, écrivain discrédité suite au Printemps de Prague.

Un extrait du document récupéré sur le site Internet de CNN donne un aperçu de l'indignation face à la politique de normalisation qu'impose le PC : « Freedom of public expression is inhibited by the centralized control of all the communication media and of publishing and cultural institutions. No philosophical, political or scientific view or artistic activity that departs ever so slightly from the narrow bounds of official ideology or aesthetics is allowed to be published; no open criticism can be made of abnormal social phenomena; no public defense is possible against false and insulting charges made in official propaganda (...) » (7).

Jaroslava Gissubelova, journaliste à Radio Prague, précise que « La Charte 77 n'avait pas d'ambition politique. (...), elle mettait l'accent sur les principes de responsabilités civiques, de culture politique, de tolérance et de supériorité de la morale et des valeurs spirituelles sur la politique. Une politique « non politique » » (8).

Un des signataires les plus célèbres de la Charte 77 fût sans contredit Vaclav Havel. Issu d'une famille bourgeoise, il est un « exclu de la société communiste » qui n'a pas accès à l'école pour étudier. Toute son éducation se fait donc dans la discrétion et la prudence. Il consacre une bonne partie de sa vie presque exclusivement au théâtre, art par lequel il exprime ses pensées dissidentes (9). Puis, les évènements de 1968, avec le printemps de Prague, bouleversent quelque peu la dictature communiste. Mais le retour au climat répressif et à une « normalisation » de la situation ne se fait pas attendre. Malgré un environnement difficile, Vaclav Havel, soutenu par Jan Patocka et d'autres intellectuels, dénonce ce « totalitarisme décadent » par une lettre adressée à Gustav Husak (secrétaire général du PC) et par l'élaboration de la Charte 77 (10).

En dépit des mois passés en prison et d'une dégradation de sa santé, la détermination de Vaclav Havel demeure et il continue sa lutte pour la liberté de son pays. L'arrivée au pouvoir de Mikhaïl Gorbatchev à Moscou facilite la libéralisation de la Tchécoslovaquie en 1989. L'année suivante, Vaclav Havel est élu président de la République tchécoslovaque. Il ne pourra toutefois empêcher la division du pays entre la Slovaquie et la République Tchèque en 1993 (11).




Références:

(1) GISSUBELOVA, Jaroslava. Le trentième anniversaire de la Charte 77, Radio Prague, 02/10/2007, http://www.radio.cz/fr/article/86808

(2) WIKIPEDIA.ORG. Charte 77, [en ligne], http://fr.wikipedia.org/wiki/Charte_77

(3) Ibid.

(4) Ibid.

(5) Ibid.

(6) Ibid.

(7) CNN.com. «Manifesto of Charter», 01 January 1977, [en ligne], http://edition.cnn.com/SPECIALS/cold.war/episodes/...

(8) GISSUBELOVA, Jaroslava.«L'anniversaire de la Charte 77», 03 janvier 2001, Radio Prague, [en ligne], http://www.radio.cz/fr/article/12467

(9) BROCHE, François. « Vaclav Havel, de la dissolution à la présidence ». ENA MANSUEL, numéro hors série, « Politiques et littératures », décembre 2003, 6 p.

(10) Ibid.

(11) Ibid.

Bibliographie

DURRENMATT, Friedrich. Pour Vaclav Havel, Edit. Zoe, coll.: « MiniZoe numéro 13 », mars 1997, 48 p.

HAVEL, Vaclav, LUDVIK, Vaculik, PATOCK, Jan. La Charte 77, Paris: Albatros, République Tchèque, 1977, 43 p.

TALANDIER- LEPINASSE, Anna. Le renouveau en politique par la Charte 77, Mém.DEA : Etudes soviétiques et est- européenne : Paris, IEP, 1987, 62 f.

RUBES, Jan. Vaclav Havel, un révolutionnaire de velours, Edit : L'aube Eds De, octobre 1999, coll.: « Intervention », 75 p.

Dernière modification: 2007-05-02 09:31:42

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Viviane Joëssel
analyste en formation
École de politique appliquée,
Faculté des lettres et sciences humaines
Université de Sherbrooke

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