7 mai 2025

13 novembre 2005

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La ZLÉA, un avenir incertain

Depuis la naissance du projet en 1994, la Zone de Libre Échange des Amériques (ZLÉA) suscite des craintes parmi les populations et les gouvernements (1). Lors du sommet de 2001 à Québec, nous avons été témoin du mécontentement de la population et de l'émergence d'un mouvement alter mondialiste fort et organisé. Lors du dernier sommet, qui s'est tenu à Mar del Plata en Argentine les 4 et 5 novembre, nous avons encore une fois été témoin de la grogne du peuple mais, cette fois-ci, elle fut alimentée par le président vénézuelien Hugo Chavez et la légende du soccer, Diego Maradona.

Au cours du dernier sommet de la ZLÉA les dissensions entre les pays ont été présentes et plus vives. À l'issue du sommet, les pays présents n'ont pas pu se mettre d'accord à savoir si les négociations pour la ZLÉA devaient reprendre en 2006(3). De plus, ils ne sont pas arrivés à signer un accord final. De tels problèmes permettent dors et déjà de se faire une idée sur le statut présent et futur de l'organisation qui, plus que jamais, semble irréalisable. Sur les 34 pays présents, cinq se sont opposés à la proposition de réouverture des négociations avant avril 2006 (2).

Ces cinq pays veulent connaître les résultats de la conférence de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), qui aura lieu en décembre à Hong Kong, avant de se prononcer sur une éventuelle réouverture des négociations. Cette conférence vise la réduction des tarifs douaniers et le renforcement de l'économie mondiale. Ainsi, si les autres pays du MERCOSUR (Brésil, Argentine, Paraguay, Uruguay) et le Venezuela jugent les résultats de la rencontre de l'OMC satisfaisants, il n'y aura aucun besoin de rouvrir les négociations au niveau de la ZLÉA (3). Ces cinq pays jugent que les conditions nécessaires à la création d'une zone de libre échange hémisphérique ne sont pas réunies.

Ils ne sont d'ailleurs pas les seuls à avoir fait connaître leurs incertitudes et leurs craintes face à un tel projet qui, d'autant plus qu'il est piloté par les Etats-Unis dont la cote de popularité en Amérique du Sud est en chute libre. De plus, le Premier Ministre Paul Martin a fait savoir que le Canada n'avait pas pleine confiance en son partenaire du sud. Afin d'appuyer sa position, il a évoqué le litige du bois d'?uvre et l'Accord de libre-échange nord américain. Le Canada entrevoit mal la possibilité de faire confiance aux Etats-Unis dans le cadre d'un accord de libre échange transcontinental alors que ceux-ci ne sont pas capables de respecter un accord unissant trois pays. Il est important de rappeler que les instances internationales ont donné raison au Canada à plusieurs reprises dans le cadre du litige du bois d'?uvre (4).

Depuis que les Etats-Unis ont proposé la création de la ZLÉA en 1994, les négociations se sont avérées difficiles. Le dossier a peu avancé en 11 ans et les manifestations populaires sont de plus en plus virulentes. Et ce n'est pas tout, les pays d'Amérique Latine ont de moins en moins confiance en leurs voisin géant du nord. L'Argentine lui attribue le crash de son économie en 2001 (5), le Venezuela le considère comme une puissance impérialiste et hégémonique voulant asservir et assujettir l'Amérique du Sud à son économie (6) et le Canada refusera tout accord tant et aussi longtemps que les états-uniens ne reconnaîtront pas leurs torts dans le dossier du bois d'?uvre et, par la même occasion, ne respecteront pas leurs obligations en lien avec l'ALÉNA.

Le futur de la ZLÉA semble très loin d'être assuré car, en plus de ce manque de confiance flagrant, les pays d'Amérique du Sud commencent à s'organiser et à se regrouper au sein de la Société sud-américaine des nations (CSN) qui a vu le jour en septembre 2004. Cette nouvelle institution aurait pour but de faire contrepoids aux puissances du nord : les États-Unis et l'Union européenne. Il serait difficile de concevoir qu'une union commerciale entre pays du sud (CSN) se voit incorporée à une union douanière hémisphérique (ZLÉA). Il y aurait là contradiction entre l'objectif fondamental de l'un, faire contrepoids aux puissances du nord, et les objectifs de l'autre, c'est-à-dire l'intégration commerciale du continent au profit du plus fort.




Références:

(1) Société Radio Canada, 6 novembre 2005, « Échec du Sommet des Amériques », en ligne : http://www.radio-canada.ca/nouvelles/International... CNN, Mar del Plata, 7 novembre 2005 ?Americas summit ends without consensus, Bush leaves for Brazil after fruitless free trade pitch?, en ligne: http://edition.cnn.com/2005/WORLD/americas/11/05/b... op.cit. ?America's summit ends without consensus, Bush leaves for Brazil after fruitless free trade pitch?

(4) op. cit. « Échec du Sommet des Amériques »

(5) Nick Caistor, BBC News, Argentina, 5 novembre 2005, ?Argentines eye the US with suspicion? en ligne: http://news.bbc.co.uk/2/hi/programmes/from_our_own... Société Radio Canada, Argentine, 4 novembre 2005, « Confrontations au Sommet des Amériques », en ligne : http://www.radio-canada.ca/nouvelles/International...

Dernière modification: 2007-05-02 07:13:22

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Antoine Noël-Choquette
analyste en formation
École de politique appliquée,
Faculté des lettres et sciences humaines
Université de Sherbrooke

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