12 avril 2025

21 septembre 2008

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Prachanda, l'espoir du peuple népalais

Le Népal a modifié considérablement son système politique. Cet État a terminé le renouvellement de ses institutions le 15 août 2008 avec l'entrée en fonction comme premier ministre de Pushpa Kamal Dahal, alias Prachanda, ancien chef de la rébellion maoïste (1).

« Une aube dorée pour le Népal » (2)

Confiné entre la Chine et l'Inde, le Népal est jugé « en transition démocratique » par l'Inde, après s'être proclamé République démocratique fédérale le 28 mai 2008 (3). En effet, après la chute du roi Gyanendra en 2006, les élections d'une assemblée législative, d'un président et d'un premier ministre ont finalement eu lieu en 2008 après de nombreuses confrontations entre les partis politiques népalais (4). Elles ont été saluées par la communauté internationale, dont le secrétaire général des Nations unies (ONU), Ban Ki-moon.

La consolidation de la nouvelle démocratie commença en avril 2008 : le parti communiste du Népal maoïste (PCN-M) remporta avec surprise 220 des 601 sièges que compte l'Assemblée constituante, seule chambre législative du pays. Ce parti, qui fut la vitrine politique de la rébellion armée dirigée par Prachanda, a conquis le vote dans la quasi-totalité des régions les plus populeuses du pays (5). Les deux autres partis principaux sont le Parti du Congrès népalais et le Parti communiste du Népal (PCN), avec 110 et 103 députés respectivement (6). Ainsi, les partis communistes ont la majorité pour pouvoir faire passer leurs idées pour reconstruire le pays.

Malgré leur idéologie commune, les députés du PCN-M et du PCN n'ont pas pu s'entendre pour élire le président du Népal. Ce fut le candidat du Parti du Congrès, Ram Baran Yadav, qui gagna. Il officie depuis le 21 juillet 2008 comme chef de l'État (7).

Pour l'élection du premier ministre, le scénario fut tout autre. Le chef du parti maoïste obtint une majorité écrasante de la part de 13 partis politiques, dont le PCN. Avec 464 votes sur 551 membres présents, Dahal s'est hissé à la tête du gouvernement du Népal (8). Il aura de nombreuses difficultés à faire face. Tout d'abord, économiquement et socialement, le pays doit se relever de la guerre contre l'ex-rébellion dirigée par le nouveau premier ministre: l'agriculture, base de l'économie, est ravagée en même temps que les violences inter-ethniques et la corruption s'accroissent (9).

Ensuite, sur le plan militaire, l'intégration dans l'armée népalaise des éléments de la guérilla maoïste, l'Armée de libération du peuple (ALP), n'est pas aisée après 10 ans de bataille entre les deux parties. Le premier ministre Dahal a réitéré le choix de ses anciens coreligionnaires entre « rentrer à la maison » et « s'engager dans la nouvelle armée du Népal ». Mais pourra-t-il les empêcher de devenir des bandes armées sévissant dans un pays où beaucoup de régions sont difficiles d'accès (10)?

Enfin, sur le plan politique, l'intégration du PCN-M est mal vécue par quelques partis, dont le Parti du Congrès népalais. Celui-ci se demande si le parti au pouvoir va se résoudre à intégrer totalement la sphère politique et abandonner les armes (11). Le Premier ministre Prachanda rappelle avec force qu'il respectera les résultats des prochains votes de la population népalaise (12).

Dahal : de la clandestinité à l'application de ses idées

Pushpa Kamal Dahal, 54 ans, est un ancien professeur devenu secrétaire général du Parti communiste népalais en 1989. Il a été par la suite, comme nous l'avons rappelé précédemment, le dirigeant de l'ALP. Il a évité la sphère publique pendant une décennie durant la « guerre du peuple népalais » entre 1996 et 2006. Ainsi, il y acquit le nom de guerre de Prachanda qui le rendra célèbre aussi bien au Népal que dans la presse. L'ALP sera à l'origine de violentes attaques contre le gouvernement, mais aussi des civils(13).

Après les accords de paix de 2006, sous le patronage de l'ONU, avec le premier ministre de l'époque Girija Prasad Koirala, il apparaît sur le devant de la scène politique et se fait connaître pour ses positions radicales et révolutionnaires. Après la surprenante victoire du PCN-M lors des élections législatives, il accède au poste de premier ministre.

Dans une interview au Nepalnews.com, Prachanda explique sa vision de la politique à court et à long terme. Tout d'abord, il souhaite établir « une république du peuple » « socialiste » (14). L'idéal est d'atteindre le communisme défini par Marx, c'est-à-dire l'abolition des classes et de l'État dans quelques décennies. Dans ce but, il veut faire disparaitre les différences dues aux castes ou au genre et instaurer un État séculier, ce qui provoque beaucoup de remous dans la population hindoue. Il souhaite aussi mettre en place des institutions démocratiques qui seront légitimées par des élections justes et multipartites (15).

Au niveau de la politique intérieure, Dahal ne chercherait pas une éradication du secteur privé. Cela a permis de rassurer les entreprises ainsi que les partenaires commerciaux internationaux du Népal (16). Une réforme agraire devrait toutefois être mise en chantier : l'agriculture représentant l'activité de 80 % de la population (17).

Du côté de la politique extérieure, son programme est de continuer à entretenir de bonnes relations avec la Chine et l'Inde, les deux puissants voisins. Pour le premier, Dahal fut présent à la cérémonie de fermeture des Jeux olympiques et pour le second, un voyage en Inde vient tout juste de se terminer.

Une remise en cause du lien entre Népal et Inde ?

Le premier ministre népalais a rappelé l'étroitesse des relations entre l'Inde et le Népal de par leur histoire et leur culture. Le journaliste Galahad Shavan rappelle que le Népal est dépendant de l'Inde pour exporter ses produits et pour son apport en pétrole. Mais Prachanda a montré au premier ministre indien Manmohan Singh qu'il souhaite une souveraineté totale en remettant en cause un traité obligeant le Népal à avoir l'accord de l'Inde pour acheter des armes à un autre pays (18).

Bref, le chef du gouvernement népalais a devant lui des défis immenses, de la hauteur des montagnes séparant son pays de l'Inde.




Références:

(1) RACICOT, Alexandre, Manifestation de soutien à la monarchie népalaise, Perspective Monde, 27 janvier 2008, http://perspective.usherbrooke.ca/bilan/servlet/BM... consulté le 21/09/2008.

(2) KALIYA, Dilip, Népal : l'ex-révolutionnaire Prachanda élu premier ministre, Aujourd'hui l'Inde, 28 aout 2008, http://www.aujourdhuilinde.com/actualites-inde-nep... consulté le 20/09/2008.

(3) Ibid.

(4) NEPAL ELECTION PORTAL, nepal's political development Chronology of Important Events, http://www.nepalelectionportal.org/EN/political-de... consulté le 20/09/2008.

(5) NEPAL ELECTION PORTAL, Proportional Representation by District, http://result.nepalelectionportal.org/report4.html, consulté le 21/09/2008.

(6) NEPAL ELECTION PORTAL, result home, http://result.nepalelectionportal.org/, consulté le 20/09/2008.

(7) AGENCE FRANCE PRESSE, Népal : les maoïstes battus lors de l'élection du président, 21 juillet 2008, http://afp.google.com/article/ALeqM5jMM07tUZBl9wRO... consulté le 21/09/2008.

(8) NEPALI TIMES, PM Pushpa Kamal Dahal, 15 aout 2008, http://www.nepalitimes.com.np/2008/08/17/73, consulté le 21/09/2008.

(9) HAVILAND, Charles, Prachanda: the challenges ahead, BBC World, 15 août 2008, http://news.bbc.co.uk/2/hi/south_asia/7562692.stm, consulté le 21/09/2008.

(10) NEPALNEWS.COM, “No Illusion On The Ultimate Goal Of Socialist Communism”: Prime Minister Pushpa Kamal Dahal ‘Prachanda', 2008, http://www.nepalnews.com/archive/2008/others/inter... consulté le 21/09/2008.

(11) NEPALI TIMES, op.cit.

(12) NEPALNEWS.COM, op.cit.

(13) HAVILAND, Charles, op.cit.

(14) MISHRA, Rabindra, BBC Nepali service, http://www.nepalnews.com/archive/2008/others/inter... consulté le 21/09/2008.

(15) ibid.

(16)BBC NEWS, Reclusive past of Nepal's new PM, 15 août 2008, http://news.bbc.co.uk/2/hi/south_asia/5087004.stm, consulté le 21/09/2008.

(17)KALYIA, Dilip, op.cit.

(18)SHAVAN, Galahad, Le nouveau Premier ministre népalais en visite en Inde, Aujourd'hui l'Inde, 16 septembre 2008, http://www.aujourdhuilinde.com/actualites-inde-le-... consulté le 21/09/2008.

Dernière modification: 2008-09-26 08:35:06

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Jean-Marc Fagelson
analyste en formation
École de politique appliquée,
Faculté des lettres et sciences humaines
Université de Sherbrooke